Fabrice Duvinage | Eberhard Karls Universität Tübingen (original) (raw)
Uploads
Papers by Fabrice Duvinage
Drafts by Fabrice Duvinage
Le poète et l'activité de fantaisie : Correction du sujet du bac de philo filière techno par le t... more Le poète et l'activité de fantaisie : Correction du sujet du bac de philo filière techno par le texte allemand Comme le texte du bac de philo filière technologique que l'on donnait à expliquer était celui d'un auteur germanophone, l'autrichien Sigmund Freud, je vous propose de regarder le texte allemand d'origine, pour que vous voyiez à quoi sert de savoir l'allemand. Tout d'abord regardons le texte. Vous pouvez appuyer sur pause pour prendre le temps de le lire. S'il s'agissait de compréhension écrite en allemand, la première chose à faire aurait été de préciser de quel type de document il s'agit. Comme il s'agit d'une épreuve de philosophie, on peut dire qu'il s'agit d'un texte philosophique. D'un autre côté, Freud lui-même ne se considérait pas comme un philosophe, mais comme un scientifique, sa théorie reposant sur l'expérience. Quoiqu'il en soit, on peut toutefois considérer les textes philosophiques comme des textes scientifiques au sens large du terme, celui qui inclut les sciences humaines, que les Allemands appellent « Geisteswissenschaften », les sciences de l'esprit.
Par Hermann Jacobi. Traduit par Fabrice Duvinage. Les langues vieillissantes ont tendance, surto... more Par Hermann Jacobi. Traduit par Fabrice Duvinage.
Les langues vieillissantes ont tendance, surtout si elles ont longtemps servi à la pensée scientifique, à utiliser des expressions nominales. Les concepts semblent en effet pouvoir être exprimés plus précisément et de manière plus adaptée par des substantifs que s'ils sont décrits par des verbes, qui se rapprochent plutôt du domaine de l'expérience. Ainsi plus la pensée devient abstraite avec la maturation de la culture intellectuelle, plus la langue prend un caractère nominal. De telles transformations évolutives se trouvent dans quasiment toutes les langues littéraires, mais nulle part de manière aussi frappante, pour ne pas dire effrayante, que dans le sanskrit de la littérature scientifique, ce qui s'accentue toujours plus avec le temps. Pour ne citer qu'un exemple, le Tattvacintāmaṇi de Gangeśa, une oeuvre philosophique rédigée vers la fin du XIIe siècle, n'utilise que rarement des verbes finis et le peu de verbes qui apparaissent ont généralement une signification très abstraite, à tel point qu'ils disparaissent tels des fantômes entre des substantifs conceptuellement pâles. D'étape en étape, l'évolution du style du sanskrit scientifique se laisse clairement constater et nous pouvons en donner les raisons avec une grande probabilité. Tout d'abord, il faut considérer la position du sanskrit classique comme moyen d'expression privilégié pour l'élite culturelle indienne. Comme il était devenu incompréhensible aux couches les plus basses de la société, il avait cessé de s'appliquer à tous les domaines de la vie humaine. Pour les anciens grammairiens, la langue des cuisines et des étables fournissait encore une matière abondante pour les remarques linguistiques et les exemples grammaticaux, mais à l'époque de la littérature classique, rares étaient ceux qui savaient encore s'exprimer dans un sanskrit idiomatique sur les choses afférant à ces domaines du commun. Avec le retrait progressif de l'ordinaire quotidienneté de l'existence et l'attention portée à une vie spirituelle plus élevée qui l'accompagne, le besoin de représentation conceptuelle se fit sentir dans le groupe de réflexion, qui se réduisait au fil du temps, de ceux qui se servaient du sanskrit comme moyen d'expression. Que ce besoin s'exprime de préférence de manière nominale semble être surtout dû à l'essence même de la langue ; par contre, pour ce qui est de la direction particulière et des dimensions qu'a pris ce mouvement, le style des sūtras semble avoir été déterminant. En effet les sūtras, compendia destinés à être mémorisés, se donnaient depuis longtemps la plus grande peine à être le plus concis possible : l'expression aphoristique se permet des abréviations considérables. L'intérêt se portant essentiellement sur le contenu, le squelette nominal de la phrase est suffisant, parce que le noyau conceptuel s'incarne déjà dans le nom. Ainsi nous voyons déjà ces manières de s'exprimer se former dans les sūtras, notamment dans les sūtras philosophiques, puis être appliquées de manière systématique dans les traités scientifiques plus tardifs, bien qu'ils se servent volontairement de moyens d'expression auxquelles les sūtras n'avaient recours que par contrainte. A l'apogée de son développement, la langue de la littérature scientifique apparaît comme une formation nouvelle toute particulière dans laquelle les débutants ne sont pas les seuls à avoir du mal à s'y retrouver. Avec le même vocabulaire et les mêmes formes grammaticale du sans krit ordinaire apparaît une formation de phrase entièrement changée, dont les formes se rapportent certes aux fonctions propres des moyens d'expressions originels, mais par rapport auxquels ils apparaissent comme quelque chose de nouveau, comme une structure de plus haut rang. Je vais essayer de détailler les manifestations principales du style nominal et de l'illustrer par un extrait de texte d'un seul tenant. Le point de départ de ce nouveau développement consiste à rendre le contenu d'un prédicat par un substantif abstrait. Ceci a pour conséquence immédiate que le sujet de la phrase originelle se trouve au génitif. L'expression verbale qui complète la phrase n'a qu'une signification générale telle que asti, dṛśyate, ucyate, etc.
Book Reviews by Fabrice Duvinage
Orientalistische Literaturzeitung , 2017
Le poète et l'activité de fantaisie : Correction du sujet du bac de philo filière techno par le t... more Le poète et l'activité de fantaisie : Correction du sujet du bac de philo filière techno par le texte allemand Comme le texte du bac de philo filière technologique que l'on donnait à expliquer était celui d'un auteur germanophone, l'autrichien Sigmund Freud, je vous propose de regarder le texte allemand d'origine, pour que vous voyiez à quoi sert de savoir l'allemand. Tout d'abord regardons le texte. Vous pouvez appuyer sur pause pour prendre le temps de le lire. S'il s'agissait de compréhension écrite en allemand, la première chose à faire aurait été de préciser de quel type de document il s'agit. Comme il s'agit d'une épreuve de philosophie, on peut dire qu'il s'agit d'un texte philosophique. D'un autre côté, Freud lui-même ne se considérait pas comme un philosophe, mais comme un scientifique, sa théorie reposant sur l'expérience. Quoiqu'il en soit, on peut toutefois considérer les textes philosophiques comme des textes scientifiques au sens large du terme, celui qui inclut les sciences humaines, que les Allemands appellent « Geisteswissenschaften », les sciences de l'esprit.
Par Hermann Jacobi. Traduit par Fabrice Duvinage. Les langues vieillissantes ont tendance, surto... more Par Hermann Jacobi. Traduit par Fabrice Duvinage.
Les langues vieillissantes ont tendance, surtout si elles ont longtemps servi à la pensée scientifique, à utiliser des expressions nominales. Les concepts semblent en effet pouvoir être exprimés plus précisément et de manière plus adaptée par des substantifs que s'ils sont décrits par des verbes, qui se rapprochent plutôt du domaine de l'expérience. Ainsi plus la pensée devient abstraite avec la maturation de la culture intellectuelle, plus la langue prend un caractère nominal. De telles transformations évolutives se trouvent dans quasiment toutes les langues littéraires, mais nulle part de manière aussi frappante, pour ne pas dire effrayante, que dans le sanskrit de la littérature scientifique, ce qui s'accentue toujours plus avec le temps. Pour ne citer qu'un exemple, le Tattvacintāmaṇi de Gangeśa, une oeuvre philosophique rédigée vers la fin du XIIe siècle, n'utilise que rarement des verbes finis et le peu de verbes qui apparaissent ont généralement une signification très abstraite, à tel point qu'ils disparaissent tels des fantômes entre des substantifs conceptuellement pâles. D'étape en étape, l'évolution du style du sanskrit scientifique se laisse clairement constater et nous pouvons en donner les raisons avec une grande probabilité. Tout d'abord, il faut considérer la position du sanskrit classique comme moyen d'expression privilégié pour l'élite culturelle indienne. Comme il était devenu incompréhensible aux couches les plus basses de la société, il avait cessé de s'appliquer à tous les domaines de la vie humaine. Pour les anciens grammairiens, la langue des cuisines et des étables fournissait encore une matière abondante pour les remarques linguistiques et les exemples grammaticaux, mais à l'époque de la littérature classique, rares étaient ceux qui savaient encore s'exprimer dans un sanskrit idiomatique sur les choses afférant à ces domaines du commun. Avec le retrait progressif de l'ordinaire quotidienneté de l'existence et l'attention portée à une vie spirituelle plus élevée qui l'accompagne, le besoin de représentation conceptuelle se fit sentir dans le groupe de réflexion, qui se réduisait au fil du temps, de ceux qui se servaient du sanskrit comme moyen d'expression. Que ce besoin s'exprime de préférence de manière nominale semble être surtout dû à l'essence même de la langue ; par contre, pour ce qui est de la direction particulière et des dimensions qu'a pris ce mouvement, le style des sūtras semble avoir été déterminant. En effet les sūtras, compendia destinés à être mémorisés, se donnaient depuis longtemps la plus grande peine à être le plus concis possible : l'expression aphoristique se permet des abréviations considérables. L'intérêt se portant essentiellement sur le contenu, le squelette nominal de la phrase est suffisant, parce que le noyau conceptuel s'incarne déjà dans le nom. Ainsi nous voyons déjà ces manières de s'exprimer se former dans les sūtras, notamment dans les sūtras philosophiques, puis être appliquées de manière systématique dans les traités scientifiques plus tardifs, bien qu'ils se servent volontairement de moyens d'expression auxquelles les sūtras n'avaient recours que par contrainte. A l'apogée de son développement, la langue de la littérature scientifique apparaît comme une formation nouvelle toute particulière dans laquelle les débutants ne sont pas les seuls à avoir du mal à s'y retrouver. Avec le même vocabulaire et les mêmes formes grammaticale du sans krit ordinaire apparaît une formation de phrase entièrement changée, dont les formes se rapportent certes aux fonctions propres des moyens d'expressions originels, mais par rapport auxquels ils apparaissent comme quelque chose de nouveau, comme une structure de plus haut rang. Je vais essayer de détailler les manifestations principales du style nominal et de l'illustrer par un extrait de texte d'un seul tenant. Le point de départ de ce nouveau développement consiste à rendre le contenu d'un prédicat par un substantif abstrait. Ceci a pour conséquence immédiate que le sujet de la phrase originelle se trouve au génitif. L'expression verbale qui complète la phrase n'a qu'une signification générale telle que asti, dṛśyate, ucyate, etc.
Orientalistische Literaturzeitung , 2017