Maxime Laurent | Université de Fribourg (original) (raw)
Papers by Maxime Laurent
C’est dans la discordance, dans la barbarie meme des temporalites emmelees qu’il faut trouver le ... more C’est dans la discordance, dans la barbarie meme des temporalites emmelees qu’il faut trouver le fil propre a unir la communaute nouvelle. Jacques Ranciere, Les temps modernesC’etait, en 2015, le temps des commemorations, les nombreuses communications et contributions, les colloques, numeros speciaux, livres inedits – riches, passionnants et de grande qualite pour la plupart –, l’occasion de toutes les declinaisons d’etre avec (cum-) Barthes encore aujourd’hui, un siecle apres sa naissance, 35 ans apres sa mort. Mais poser trois ans plus tard la question de l’actualite de Roland Barthes, c’est un peu arriver apres la fete, tandis qu’on range les dernieres guirlandes, qu’on decroche le portrait du disparu et qu’on replie les grands discours pour les glisser dans ses poches. Bientot, chacun s’en retournera aux affaires du jour, parmi lesquelles on trouvera le temps de sacrifier aux prochains anniversaires rituels – Octobre, Marx, Mai 68, … – qui rythment la memoire d’une communaute i...
École de métrique , 2022
Cette rhapsodie donne un aperçu de la manière dont je tente une nouvelle approche des fragments d... more Cette rhapsodie donne un aperçu de la manière dont je tente une nouvelle approche des fragments d'Empédocle, à partir de ses reflets hellénistiques.
1. Un euphemisme et tout un programmeRoland Barthes « aimait assez » Aziyade1. C’est un euphemism... more 1. Un euphemisme et tout un programmeRoland Barthes « aimait assez » Aziyade1. C’est un euphemisme. En effet, la preface qu’il a redigee pour une traduction italienne du roman parle moins « sur » celui-ci qu’« ‛en’ lui, a sa maniere » – comme si Barthes cherchait a « [atteindre un texte de jouissance] par un autre texte de jouissance »2. Comme nous le verrons, cette affection pour Aziyade implique une appropriation de l’œuvre et de son auteur, laquelle favorise toute une serie de distorsions des faits attenants a l’ouvrage. Bien que je m’estime philologue, mon propos n’est pas de denoncer ces diverses operations. En les detaillant, j’aimerais montrer que certaines redoublent, sans forcement les decrire, celles mises en œuvre par Loti lui-meme dans la transformation de son journal en premier roman. En l’espece, le commentaire mimetique de Barthes me parait participer du meme mode orphique3 de production litteraire que le roman de Loti. L’un et l’autre texte temoignent d’une tentative...
Lectures d'un Lecteur|Kritik des Verstehens, 2023
D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des m... more D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des mots. La présente communication explicite cette notion à partir de son interprétation du Cratyle, dont les résultats n’ont été que très partiellement publiés. Il s’agira notamment de faire apparaître les visées diverses et parfois concurrentes que poursuit cette lecture. Car, loin de seulement chercher à récupérer le sens authentique du dialogue, elle témoigne d’une part de la consolidation progressive d’une théorie bollackienne de la création poétique (assimilée à la pratique étymologique en ce qu’elle procède d’un rapport libre et quasi-onirique au matériau verbal) ; d’autre part, son auteur les insère explicitement dans un approfondissement de l’enquête sur les usages antiques de l’étymologie : leur mise en scène dans le Cratyle devrait permettre de mieux comprendre le rôle du matériau verbal pour les penseurs pré-platoniciens. Enfin, nous nous demanderons comment opérer ce rétro-éclairage. Nous suggérerons que les pistes esquissées par Bollack souffrent a) de la diversité de visées qui anime sa lecture et b) d’une identification au point de vue Platon qu’il reconstruit ; puis nous proposerons une autre démarche pour éclairer les discours de savoir pré-platoniciens (plus particulièrement celui d’Empédocle) à partir du Cratyle.
Lectures d'un lecteur - Kritik des Verstehens, 2023
Colloque "Lectures d'un Lecteur - Kritik des Verstehens", 9-11 novembre 2021 (Bern, Fribourg) D’... more Colloque "Lectures d'un Lecteur - Kritik des Verstehens", 9-11 novembre 2021 (Bern, Fribourg)
D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des mots. La présente communication explicite cette notion à partir de son interprétation du Cratyle, dont les résultats n’ont été que très partiellement publiés. Il s’agira notamment de faire apparaître les visées diverses et parfois concurrentes que poursuit cette lecture. Car, loin de seulement chercher à récupérer le sens authentique du dialogue, elle témoigne d’une part de la consolidation progressive d’une théorie bollackienne de la création poétique (assimilée à la pratique étymologique en ce qu’elle procède d’un rapport libre et quasi-onirique au matériau verbal) ; d’autre part, son auteur les insère explicitement dans un approfondissement de l’enquête sur les usages antiques de l’étymologie : leur mise en scène dans le Cratyle devrait permettre de mieux comprendre le rôle du matériau verbal pour les penseurs pré-platoniciens. Enfin, nous nous demanderons comment opérer ce rétro-éclairage. Nous suggérerons que les pistes esquissées par Bollack souffrent a) de la diversité de visées qui anime sa lecture et b) d’une identification au point de vue Platon qu’il reconstruit ; puis nous proposerons une autre démarche pour éclairer les discours de savoir pré-platoniciens (plus particulièrement celui d’Empédocle) à partir du Cratyle.
DAMON XXXV, 2019
Acrostics and other letter-plays are almost automatically linked to the rather suspect notion of ... more Acrostics and other letter-plays are almost automatically linked to the rather suspect notion of "virtuosity". In Statius' Epicedion ad patrem suum, a complex letter-play calls for a renewed conception of what an acrostic can do. I suggest than the author is less a master showing his skills off, than a sometime startled reader of his "own" text. Similarly, writing should not be automatically conceived as the author's instrument, but sometimes as a medium that welcomes other voices.
Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé1. C’est un euphémisme. En effet, la préface qu’il a rédi... more Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé1. C’est un euphémisme. En effet, la préface qu’il a rédigée pour une traduction italienne du roman parle moins « sur » celui-ci qu’« ‛en’ lui, à sa manière » – comme si Barthes cherchait à « [atteindre un texte de jouissance] par un autre texte de jouissance »2. Comme nous le verrons, cette affection pour Aziyadé implique une appropriation de l’œuvre et de son auteur, laquelle favorise toute une série de distorsions des faits attenants à l’ouvrage. Bien que je m’estime philologue, mon propos n’est pas de dénoncer ces diverses opérations. En les détaillant, j’aimerais montrer que certaines redoublent, sans forcément les décrire, celles mises en œuvre par Loti lui-même dans la transformation de son journal en premier roman. En l’espèce, le commentaire mimétique de Barthes me paraît participer du même mode orphique3 de production littéraire que le roman de Loti. L’un et l’autre texte témoignent d’une tentative d’insérer leur auteur dans un « tableau plein de mouvement et de lumière »4 – tout en laissant « un objet aimé »5 parmi les ombres. Les différences qui apparaîtront sont moins de nature que de degrés. Le parcours que je propose devrait faciliter l’examen du lien entretenu par certaines opérations barthésiennes – notamment à partir du Plaisir du texte – avec la mauvaise conscience.
Dubellay s'en prend à Ronsard, avec l'arme que celui-ci décochait à un critique inconnu. Cette ar... more Dubellay s'en prend à Ronsard, avec l'arme que celui-ci décochait à un critique inconnu. Cette arme : un acrostiche grec, renversé comme la flèche du Parthe.
Dubellay lashes out at Ronsard, by means of an greek acrostic, to be read from the bottom up. Ronsard used the same weapon a few years before, against an unnamed adversary. Some Greek acrostics are like Parthian arrows.
Au début de la seconde partie, météorologique, des Phénomènes (757-762), Aratos place une illustr... more Au début de la seconde partie, météorologique, des Phénomènes (757-762), Aratos place une illustration graphique de l'anémologie péripatéticienne (Météorologiques 361a) : le mot ANEMOI y descend obliquement, d'asteres à andri. Sans oublier comment Apollonios de Rhodes se réapproprie ce jeu (Arg. 1. 1273-1283), nous montrerons que Virgile le reproduit au début de la section météorologique de ses Géorgiques (1.351-356).
En conclusion, nous indiquerons une inflexion que ces vents semblent devoir donner à la discussion sur les jeux de lettres, jusqu'ici plutôt éclairée par la lune.
Un parcours (trop?) rapide de ce travail a été présenté aux rencontres CorHaLi 2015. Problémati... more Un parcours (trop?) rapide de ce travail a été présenté aux rencontres CorHaLi 2015.
Problématique générale : Nos éditions modernes de l’ancienne poésie grecque cherchent à rendre celle-ci plus lisible. Toutefois, leur lisibilité fonctionne avec des moyens et des critères très différents de celle dont témoignent les papyrus poétiques d’époque hellénistique. Elles risquent donc de rendre imperceptibles des interactions que les poètes pouvaient créer entre dimensions graphique et discursive du texte. En examinant les papyrus hellénistiques sous cet angle, ou en récrivant ces textes dont n’avons que des copies beaucoup plus tardives en colonne de 20 à 25 vers, en majuscules et scriptio continua écarts, il est peut-être possible de récupérer une partie de ces interactions.
Propos de l’exposé : En nous concentrant sur un passage des Argonautiques d’Apollonios (1.1221-1239), où Hylas est happé par la nymphe, nous argumenterons a) que le poète hellénistique y propose à ses lecteurs, moins un Kino im Kopf (où l’activité visuelle de déchiffrage soutiendrait un regard imaginaire sur les personnages et les lieux de l’action) qu’une redondance entre disposition graphique et référent diégétique – et b) que cette redondance était vraisemblablement proposée comme une relève, moins de l’oralité, que de la successivité propre aux formes homériques. En conclusion, nous proposerons qu’à travers cette scène du rapt d’Hylas, Apollonios créé aussi une image de sa nouvelle agentivité poétique : le mariage initiatique d’une voix masculine et des lettres sans souffles (1221-1225 : ΑΠΝΟΑ).
À paraître dans EOS CII (2015), fasc. 2. Recension, un peu développée, de l'ouvrage mentionné, q... more À paraître dans EOS CII (2015), fasc. 2.
Recension, un peu développée, de l'ouvrage mentionné, qui présente, édite et commente (enfin!) le corpus des "technopaegnia" (Simmias, Ps-Theocrite, Dosiadas, Vestinus). J'y argumente que les (grandes) forces et les (quelques) faiblesses de l'entreprise remontent a) à une salutaire volonté de resituer le corpus au sein de la littérature hellénistique ; b) à une paradoxe occultation de la dimension visuelle de ces textes. Je conteste également son"principe de simplicité", à mes yeux fourvoyant. Aux nombreuses et inventives suggestions de l'auteur, je me permets enfin d'en ajouter deux (sur la Hache, sur l'Autel Ionien.
Le plus long fragment qui nous soit parvenu d'Alexandre d'Etolie contient l'histoire d'Anthéüs. P... more Le plus long fragment qui nous soit parvenu d'Alexandre d'Etolie contient l'histoire d'Anthéüs. Parmi les problèmes qu'on rencontrés ses différents éditeurs, on s'intéresse ici à la fin : comment un garçon écrasé par une pierre de meule et noyé au fond d'un puit (devenu ainsi "le plus mal tombé des hôtes" peut-il "élever le tombeau qui est dû"? L'interaction entre mouvement de la lecture et disposition des lettres sur le papyrus pourra nous fournir une réponse. L'idée directrice est que les quatre acro- et télé-stiches du passage ne livrent pas seulement des mots supplémentaires (à même d'éclairer d'autres aspects de l'histoire par les nouvelles valeurs sémantiques qu'ils y introduisent), mais qu'en empruntant ses mouvements à l'oeil qui les lit, ces alignements orientés en viennent à représenter des gestes ou des événements de la diégèse. Ils donnent ainsi à voir les mains criminelles qui s'élèvent, une chute fatale, des fleurs qui s'élèvent ou descendent vers le sol - toutes choses qui permettent de comprendre que si Anthéüs peut élever lui-même son tombeau, c'est qu'il est devenu ce qui convient à son nom : une fleur.
L'acrostiche des Thériaques n'est pas seul.
C’est dans la discordance, dans la barbarie meme des temporalites emmelees qu’il faut trouver le ... more C’est dans la discordance, dans la barbarie meme des temporalites emmelees qu’il faut trouver le fil propre a unir la communaute nouvelle. Jacques Ranciere, Les temps modernesC’etait, en 2015, le temps des commemorations, les nombreuses communications et contributions, les colloques, numeros speciaux, livres inedits – riches, passionnants et de grande qualite pour la plupart –, l’occasion de toutes les declinaisons d’etre avec (cum-) Barthes encore aujourd’hui, un siecle apres sa naissance, 35 ans apres sa mort. Mais poser trois ans plus tard la question de l’actualite de Roland Barthes, c’est un peu arriver apres la fete, tandis qu’on range les dernieres guirlandes, qu’on decroche le portrait du disparu et qu’on replie les grands discours pour les glisser dans ses poches. Bientot, chacun s’en retournera aux affaires du jour, parmi lesquelles on trouvera le temps de sacrifier aux prochains anniversaires rituels – Octobre, Marx, Mai 68, … – qui rythment la memoire d’une communaute i...
École de métrique , 2022
Cette rhapsodie donne un aperçu de la manière dont je tente une nouvelle approche des fragments d... more Cette rhapsodie donne un aperçu de la manière dont je tente une nouvelle approche des fragments d'Empédocle, à partir de ses reflets hellénistiques.
1. Un euphemisme et tout un programmeRoland Barthes « aimait assez » Aziyade1. C’est un euphemism... more 1. Un euphemisme et tout un programmeRoland Barthes « aimait assez » Aziyade1. C’est un euphemisme. En effet, la preface qu’il a redigee pour une traduction italienne du roman parle moins « sur » celui-ci qu’« ‛en’ lui, a sa maniere » – comme si Barthes cherchait a « [atteindre un texte de jouissance] par un autre texte de jouissance »2. Comme nous le verrons, cette affection pour Aziyade implique une appropriation de l’œuvre et de son auteur, laquelle favorise toute une serie de distorsions des faits attenants a l’ouvrage. Bien que je m’estime philologue, mon propos n’est pas de denoncer ces diverses operations. En les detaillant, j’aimerais montrer que certaines redoublent, sans forcement les decrire, celles mises en œuvre par Loti lui-meme dans la transformation de son journal en premier roman. En l’espece, le commentaire mimetique de Barthes me parait participer du meme mode orphique3 de production litteraire que le roman de Loti. L’un et l’autre texte temoignent d’une tentative...
Lectures d'un Lecteur|Kritik des Verstehens, 2023
D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des m... more D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des mots. La présente communication explicite cette notion à partir de son interprétation du Cratyle, dont les résultats n’ont été que très partiellement publiés. Il s’agira notamment de faire apparaître les visées diverses et parfois concurrentes que poursuit cette lecture. Car, loin de seulement chercher à récupérer le sens authentique du dialogue, elle témoigne d’une part de la consolidation progressive d’une théorie bollackienne de la création poétique (assimilée à la pratique étymologique en ce qu’elle procède d’un rapport libre et quasi-onirique au matériau verbal) ; d’autre part, son auteur les insère explicitement dans un approfondissement de l’enquête sur les usages antiques de l’étymologie : leur mise en scène dans le Cratyle devrait permettre de mieux comprendre le rôle du matériau verbal pour les penseurs pré-platoniciens. Enfin, nous nous demanderons comment opérer ce rétro-éclairage. Nous suggérerons que les pistes esquissées par Bollack souffrent a) de la diversité de visées qui anime sa lecture et b) d’une identification au point de vue Platon qu’il reconstruit ; puis nous proposerons une autre démarche pour éclairer les discours de savoir pré-platoniciens (plus particulièrement celui d’Empédocle) à partir du Cratyle.
Lectures d'un lecteur - Kritik des Verstehens, 2023
Colloque "Lectures d'un Lecteur - Kritik des Verstehens", 9-11 novembre 2021 (Bern, Fribourg) D’... more Colloque "Lectures d'un Lecteur - Kritik des Verstehens", 9-11 novembre 2021 (Bern, Fribourg)
D’Empédocle à Celan, les lectures de Bollack se sont attachées à une notion : la libération des mots. La présente communication explicite cette notion à partir de son interprétation du Cratyle, dont les résultats n’ont été que très partiellement publiés. Il s’agira notamment de faire apparaître les visées diverses et parfois concurrentes que poursuit cette lecture. Car, loin de seulement chercher à récupérer le sens authentique du dialogue, elle témoigne d’une part de la consolidation progressive d’une théorie bollackienne de la création poétique (assimilée à la pratique étymologique en ce qu’elle procède d’un rapport libre et quasi-onirique au matériau verbal) ; d’autre part, son auteur les insère explicitement dans un approfondissement de l’enquête sur les usages antiques de l’étymologie : leur mise en scène dans le Cratyle devrait permettre de mieux comprendre le rôle du matériau verbal pour les penseurs pré-platoniciens. Enfin, nous nous demanderons comment opérer ce rétro-éclairage. Nous suggérerons que les pistes esquissées par Bollack souffrent a) de la diversité de visées qui anime sa lecture et b) d’une identification au point de vue Platon qu’il reconstruit ; puis nous proposerons une autre démarche pour éclairer les discours de savoir pré-platoniciens (plus particulièrement celui d’Empédocle) à partir du Cratyle.
DAMON XXXV, 2019
Acrostics and other letter-plays are almost automatically linked to the rather suspect notion of ... more Acrostics and other letter-plays are almost automatically linked to the rather suspect notion of "virtuosity". In Statius' Epicedion ad patrem suum, a complex letter-play calls for a renewed conception of what an acrostic can do. I suggest than the author is less a master showing his skills off, than a sometime startled reader of his "own" text. Similarly, writing should not be automatically conceived as the author's instrument, but sometimes as a medium that welcomes other voices.
Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé1. C’est un euphémisme. En effet, la préface qu’il a rédi... more Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé1. C’est un euphémisme. En effet, la préface qu’il a rédigée pour une traduction italienne du roman parle moins « sur » celui-ci qu’« ‛en’ lui, à sa manière » – comme si Barthes cherchait à « [atteindre un texte de jouissance] par un autre texte de jouissance »2. Comme nous le verrons, cette affection pour Aziyadé implique une appropriation de l’œuvre et de son auteur, laquelle favorise toute une série de distorsions des faits attenants à l’ouvrage. Bien que je m’estime philologue, mon propos n’est pas de dénoncer ces diverses opérations. En les détaillant, j’aimerais montrer que certaines redoublent, sans forcément les décrire, celles mises en œuvre par Loti lui-même dans la transformation de son journal en premier roman. En l’espèce, le commentaire mimétique de Barthes me paraît participer du même mode orphique3 de production littéraire que le roman de Loti. L’un et l’autre texte témoignent d’une tentative d’insérer leur auteur dans un « tableau plein de mouvement et de lumière »4 – tout en laissant « un objet aimé »5 parmi les ombres. Les différences qui apparaîtront sont moins de nature que de degrés. Le parcours que je propose devrait faciliter l’examen du lien entretenu par certaines opérations barthésiennes – notamment à partir du Plaisir du texte – avec la mauvaise conscience.
Dubellay s'en prend à Ronsard, avec l'arme que celui-ci décochait à un critique inconnu. Cette ar... more Dubellay s'en prend à Ronsard, avec l'arme que celui-ci décochait à un critique inconnu. Cette arme : un acrostiche grec, renversé comme la flèche du Parthe.
Dubellay lashes out at Ronsard, by means of an greek acrostic, to be read from the bottom up. Ronsard used the same weapon a few years before, against an unnamed adversary. Some Greek acrostics are like Parthian arrows.
Au début de la seconde partie, météorologique, des Phénomènes (757-762), Aratos place une illustr... more Au début de la seconde partie, météorologique, des Phénomènes (757-762), Aratos place une illustration graphique de l'anémologie péripatéticienne (Météorologiques 361a) : le mot ANEMOI y descend obliquement, d'asteres à andri. Sans oublier comment Apollonios de Rhodes se réapproprie ce jeu (Arg. 1. 1273-1283), nous montrerons que Virgile le reproduit au début de la section météorologique de ses Géorgiques (1.351-356).
En conclusion, nous indiquerons une inflexion que ces vents semblent devoir donner à la discussion sur les jeux de lettres, jusqu'ici plutôt éclairée par la lune.
Un parcours (trop?) rapide de ce travail a été présenté aux rencontres CorHaLi 2015. Problémati... more Un parcours (trop?) rapide de ce travail a été présenté aux rencontres CorHaLi 2015.
Problématique générale : Nos éditions modernes de l’ancienne poésie grecque cherchent à rendre celle-ci plus lisible. Toutefois, leur lisibilité fonctionne avec des moyens et des critères très différents de celle dont témoignent les papyrus poétiques d’époque hellénistique. Elles risquent donc de rendre imperceptibles des interactions que les poètes pouvaient créer entre dimensions graphique et discursive du texte. En examinant les papyrus hellénistiques sous cet angle, ou en récrivant ces textes dont n’avons que des copies beaucoup plus tardives en colonne de 20 à 25 vers, en majuscules et scriptio continua écarts, il est peut-être possible de récupérer une partie de ces interactions.
Propos de l’exposé : En nous concentrant sur un passage des Argonautiques d’Apollonios (1.1221-1239), où Hylas est happé par la nymphe, nous argumenterons a) que le poète hellénistique y propose à ses lecteurs, moins un Kino im Kopf (où l’activité visuelle de déchiffrage soutiendrait un regard imaginaire sur les personnages et les lieux de l’action) qu’une redondance entre disposition graphique et référent diégétique – et b) que cette redondance était vraisemblablement proposée comme une relève, moins de l’oralité, que de la successivité propre aux formes homériques. En conclusion, nous proposerons qu’à travers cette scène du rapt d’Hylas, Apollonios créé aussi une image de sa nouvelle agentivité poétique : le mariage initiatique d’une voix masculine et des lettres sans souffles (1221-1225 : ΑΠΝΟΑ).
À paraître dans EOS CII (2015), fasc. 2. Recension, un peu développée, de l'ouvrage mentionné, q... more À paraître dans EOS CII (2015), fasc. 2.
Recension, un peu développée, de l'ouvrage mentionné, qui présente, édite et commente (enfin!) le corpus des "technopaegnia" (Simmias, Ps-Theocrite, Dosiadas, Vestinus). J'y argumente que les (grandes) forces et les (quelques) faiblesses de l'entreprise remontent a) à une salutaire volonté de resituer le corpus au sein de la littérature hellénistique ; b) à une paradoxe occultation de la dimension visuelle de ces textes. Je conteste également son"principe de simplicité", à mes yeux fourvoyant. Aux nombreuses et inventives suggestions de l'auteur, je me permets enfin d'en ajouter deux (sur la Hache, sur l'Autel Ionien.
Le plus long fragment qui nous soit parvenu d'Alexandre d'Etolie contient l'histoire d'Anthéüs. P... more Le plus long fragment qui nous soit parvenu d'Alexandre d'Etolie contient l'histoire d'Anthéüs. Parmi les problèmes qu'on rencontrés ses différents éditeurs, on s'intéresse ici à la fin : comment un garçon écrasé par une pierre de meule et noyé au fond d'un puit (devenu ainsi "le plus mal tombé des hôtes" peut-il "élever le tombeau qui est dû"? L'interaction entre mouvement de la lecture et disposition des lettres sur le papyrus pourra nous fournir une réponse. L'idée directrice est que les quatre acro- et télé-stiches du passage ne livrent pas seulement des mots supplémentaires (à même d'éclairer d'autres aspects de l'histoire par les nouvelles valeurs sémantiques qu'ils y introduisent), mais qu'en empruntant ses mouvements à l'oeil qui les lit, ces alignements orientés en viennent à représenter des gestes ou des événements de la diégèse. Ils donnent ainsi à voir les mains criminelles qui s'élèvent, une chute fatale, des fleurs qui s'élèvent ou descendent vers le sol - toutes choses qui permettent de comprendre que si Anthéüs peut élever lui-même son tombeau, c'est qu'il est devenu ce qui convient à son nom : une fleur.
L'acrostiche des Thériaques n'est pas seul.
Plus encore que d'œuvres singulières, Segalen (1878-1919) s'est voulu poète et créateur de genres... more Plus encore que d'œuvres singulières, Segalen (1878-1919) s'est voulu poète et créateur de genres. Car ce dont il se soucie, ce n'est pas tant le poème lui-même, qu'en aval du poème, la relation littéraire qu'il engage. Un poème vaut donc surtout comme exemple, comme item de collections.
Tout aussi varié et ambitieux, Callimaque (3e siècle av. J.-C.) compose également des collections de poèmes : un recueil de Iambes, un autre d'Hymnes ; et comme Segalen, il invente de nouveaux genres : les quatres livres d'Aitia. Chez l'un comme chez l'autre, la verve polémique défend une nouvelle conception de la poésie, comprise comme l'invention d'un nouveau rapport au texte. C'est sans doute pourquoi ces poètes que deux millénaires séparent ont au moins de commun, et de contemporain, quelques tics de leurs littératures secondaires. On y voit aujourd'hui des poétiques dialogiques, orientant tout le travail créateur sur le moment de la réception - ce qui est juste. Mais il arrive qu'on parle aussi, à leur propos, d'une émancipation du poétique ou de la mise en oeuvre d'un pouvoir-faire autonome. Au pouvoir et à ce qui s'y entend d'effectif, l'auteur de l’ouvrage oppose la puissance et ce qui en elle demeure virtuel. Loin d'un pouvoir-faire émancipé, la littérature semble selon l’auteur procéder d'abord et surtout d'un paradoxal (im)pouvoir — d'un pouvoir qui ne peut que pouvoir, sans faire.
Alors qu'une première partie du projet du Fonds nationale suisse (FNS) Lectures de Jean Bollack v... more Alors qu'une première partie du projet du Fonds nationale suisse (FNS) Lectures de Jean Bollack va se terminer en août 2023, Stéphanie Cudré-Mauroux (Archives littéraires suisses) et Martin Steinrück (Université de Fribourg) vous convient à un dernier atelier en ligne le 15 mars 2023. Cette date est importante à plus d'un titre puisqu'elle marque aussi le centième anniversaire de la naissance de Jean Bollack. Ce sera l'occasion pour le professeur Christoph König, pour les chercheurs Frederico Sabino, Maxime Laurent et Tim Schünemann de faire un état des lieux de leurs travaux. Et comment célébrer mieux ce centenaire qu'en montrant la vitalité des recherches bollackiennes et en présentant le premier volume de la collection Bollackiana qui verra le jour chez Schwabe en automne 2023 ? Rejoignez-nous tous en ligne exclusivement (voir lien ci-dessus) pour une émission en direct du Château de Vaumarcus dans le Canton de Neuchâtel ! Pour regarder l'émission : rendezvous sur le site de la Bibliothèque nationale suisse et des Archives littéraires suisses
Alors qu'une première partie du projet du Fonds nationale suisse (FNS) Lectures de Jean Bollack v... more Alors qu'une première partie du projet du Fonds nationale suisse (FNS) Lectures de Jean Bollack va se terminer en août 2023, Stéphanie Cudré-Mauroux (Archives littéraires suisses) et Martin Steinrück (Université de Fribourg) vous convient à un dernier atelier en ligne le 15 mars 2023. Cette date est importante à plus d'un titre puisqu'elle marque aussi le centième anniversaire de la naissance de Jean Bollack. Ce sera l'occasion pour le professeur Christoph König, pour les chercheurs Frederico Sabino, Maxime Laurent et Tim Schünemann de faire un état des lieux de leurs travaux. Et comment célébrer mieux ce centenaire qu'en montrant la vitalité des recherches bollackiennes et en présentant le premier volume de la collection Bollackiana qui verra le jour chez Schwabe en automne 2023 ? Rejoignez-nous tous en ligne exclusivement pour une émission en direct du Château de Vaumarcus dans le Canton de Neuchâtel ! Pour regarder l'émission : rendezvous sur le site de la Bibliothèque nationale suisse et des Archives littéraires suisses
Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé [BARTHES 1978]. Il devait s’agir d’un euphémisme. En effe... more Roland Barthes « aimait assez » Aziyadé [BARTHES 1978]. Il devait s’agir d’un euphémisme. En effet, la préface qu’il a rédigée pour une traduction italienne du roman me paraît moins parler « sur » celui-ci qu’« 'en' lui, à sa manière » – comme si Barthes cherchait à « [atteindre un texte de jouissance] par un autre texte de jouissance » [BARTHES 1973 : 33]. Comme nous le verrons, cette affection pour Aziyadé implique une appropriation de l’œuvre et de son auteur, laquelle entraîne apparemment toute une série de distorsions des faits entourant l’ouvrage. Bien que je m’estime philologue, mon propos n’est pas de dénoncer ces opérations. En les détaillant, j’aimerais montrer que certaines peuvent correspondre, sans les décrire, à celles que Loti a lui-même mises en œuvre dans la rédaction de son roman. En l’occurrence, le commentaire mimétique de Barthes apparaît participer au même mode orphique [THEWELEIT 1988] de production littéraire que le roman de Loti. Les différences sont moins de nature que de degré. L’un et l’autre texte tentent d’insérer l’auteur dans un « tableau plein de mouvement et de lumière [BARTHES 1971 : 173 = LOTI 1879 : 102] » tout en laissant « un objet aimé [BARTHES 1977] » parmi les ombres.
Dans la discussion, il devrait être possible d’interroger le rôle que telle ou telle opération de lecture barthésienne peut entretenir avec la mauvaise conscience.
Did Callimaque compose acrosticha? Yes, but he didn't like them. Two Hymns (to Zeus, to Apollo) d... more Did Callimaque compose acrosticha? Yes, but he didn't like them. Two Hymns (to Zeus, to Apollo) display irony towards Aratos', Apollonios' - and maybe Philetas' - technopaignia.
Communication présentée au colloque Subvertir Nietzsche, organisé les 29 et 30 avril 2016 à Genèv... more Communication présentée au colloque Subvertir Nietzsche, organisé les 29 et 30 avril 2016 à Genève, en l'honneur d'Alessandra Lukinovich.
Problématique : Les jeux de lettres peuvent-ils nous aider à imaginer la cruauté des antiques lecteurs d'épopée? Oui. Cette cruauté ressemble-t-elle à celle imaginée par Nietzsche? Non.
In two words : YES - Statian letter-plays may help us to figure out how cruel were the Roman readers - and NO - this cruelty has not much to do with the Nietzschean projections.
A letter-play to be read ἀντιθετικῶς at the beginning of Lucan's Catalogue of Snakes.
Conférence/performance donnée avec Francesco Gregorio, Christian Indermuhle, Thierry Laus et Maxi... more Conférence/performance donnée avec Francesco Gregorio, Christian Indermuhle, Thierry Laus et Maxime Laurent le 13 juin 2007 dans le cadre du séminaire Gilles Deleuze dirigé par Jean Kaempfer à l’Université de Lausanne.
DAMON , 2022
Dans l'Introduction à son édition d'Empédocle (1965), Bollack cherche à s'appuyer sur un passage... more Dans l'Introduction à son édition d'Empédocle (1965), Bollack cherche à s'appuyer sur un passage de la Rhétorique d'Aristote pour caractériser l'usage empédocléen du langage. En tentant de trouver chez Aristote la description qu'il souhaiterait d'une discursivité pré-aristotélicienne, le philologue témoigne aussi bien d'une appréhension plutôt fine des problèmes posés par Rhet. 3.5 que d'une curieuse propension à attribuer son propos au document étudié. Dans cette réflexion sur l'équivoque, les voix deviennent bien difficiles à distinguer... et la densité polyphonique du texte paraît témoigner, moins d'une courageuse pugnacité, que d'un embarras voire d'une certaine peur.
Damon, 2021
Lecthure (=d'un exemple du περὶ ἑρμηνείας, 4) 1.0-Générique : Norma Tanega chante : don't sing if... more Lecthure (=d'un exemple du περὶ ἑρμηνείας, 4) 1.0-Générique : Norma Tanega chante : don't sing if you want to live long, they have no use for your song, you're dead, you're dead and out of this world. Le conférencier explique l'enjeu de sa brève communication : « À travailler sur les sons, et à lire les textes avec l'oreille tendue, on se défait difficilement d'un sentiment un peu désagréable, que Norma Tanega traduisait assez éloquemment, d'être isolé hors du monde : la plupart des commentaires avec lesquels on tente de dialoguer, ou par rapport auxquels on cherche à situer sa propre entreprise, parlent peu de ces aspects, qui demeurent considérés comme une quantité négligeable, une dispensable cerise sur le gâteau de l'interprétation. Mon bref propos de ce matin consiste simplement à identifier une des sources de ce sentiment d'isolement : le 4ème paragraphe du De interpretatione d'Aristote. Je commence. »
Isidor Hilberg thought that the "obviously" fortuitous acrostic in Ecl. 4.47-52 was a fatal blow ... more Isidor Hilberg thought that the "obviously" fortuitous acrostic in Ecl. 4.47-52 was a fatal blow to the idea that a serious poet like Vergil could have played with letters. The problem is, that this acrostic could be intentional and Vergil's poem, not serious at all...