Corinne Grenouillet | Université de Strasbourg (original) (raw)

Articles by Corinne Grenouillet

Research paper thumbnail of Aragon, trente ans après

Aragon, trente ans après, sous la dir. d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principall... more Aragon, trente ans après, sous la dir. d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principalli-Richard, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet », n° 15, 2014, 276 p.

Research paper thumbnail of Paysages coloniaux d’Algérie dans la trilogie algérienne de Mathieu Belezi

Les Campagnes et leurs paysages. Histoire et imaginaire, des origines aux problématiques actuelles, 2018

Loin de tout battage médiatique, Mathieu Belezi (né en 1953) construit une œuvre romanesque dont ... more Loin de tout battage médiatique, Mathieu Belezi (né en 1953) construit une œuvre romanesque dont le propos est singulier, voire insolite : ses trois derniers romans, C’était notre terre (2008), Les Vieux fous (2011) et Un faux pas dans la vie d’Emma Picard (2015), font revivre un pan méconnu de notre histoire et surtout peu représenté en littérature française, la colonisation algérienne. Qu’il s’agisse de la famille de riches colons, installée, au moment de la guerre d’Algérie, depuis plus de cent ans sur un domaine gigantesque de six-cent-cinquante-trois hectares (C’était notre terre) – ou d’Emma Picard, la misérable veuve alsacienne à qui le gouvernement concède vingt hectares de mauvaises terres vers 1865, en passant par Albert Vandel, auteur de razzias et d’accaparements de territoires dans les années 1830, puis grand propriétaire terrien cent ans plus tard (le personnage vit cent quarante-sept ans, Les Vieux fous), la trilogie algérienne de Belezi décline toute une palette de paysages ruraux en colonie française.
D’incontestables données référentielles nourrissent une vision poétique, sensorielle et musicale des paysages algériens, mais ces derniers sont investis d’un enjeu critique dépassant la mise en place d’un cadre pour l’action romanesque. La ruralité coloniale s’appuie sur l’imaginaire d’une domestication et de la civilisation d’une terre sauvage : à travers les points de vue subjectifs des personnages (la plupart colons), l’auteur restitue la violence de la prise de possession de la terre algérienne et engage une compréhension des mécanismes mentaux qui ont présidé à la domination foncière.

Research paper thumbnail of Mémoire de l'événement ouvrier : témoignages et romans français de la désindustrialisation au xxi e siècle

Mémoires de l’événement : Constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècles), Presses universitaires de Strasbourg, 2020

La littérature contemporaine s’intéresse-t-elle à « la mémoire de l’événement ouvrier » ? Les ann... more La littérature contemporaine s’intéresse-t-elle à « la mémoire de l’événement ouvrier » ? Les années 2000 constituent un tournant dans la publication de livres relatifs au monde du travail. Les « romans d’entreprise » triomphent sur la scène littéraire, manifestant un changement d’imaginaire, dans lequel le monde industriel est rarement présent. Plusieurs genres s’intéressent pourtant à un monde ouvrier dévalué et qui, malgré son nombre, a perdu sa centralité dans la société française : le récit d’enquête et de collection de la parole ouvrière, le récit de filiation, le roman noir et le roman réaliste. Les fermetures d’usine et les mouvements de lutte qui en découlent apparaissent alors comme les événements récurrents mis en scène par ces textes. Comment la littérature contemporaine s’est-elle emparée de la désindustrialisation qui affecte la France depuis presque quarante ans ? Elle l’interprète moins comme un processus inéluctable que comme une succession d’« événements » qui touchent les individus qui les éprouvent, parce qu’ils ont été licenciés ou tentent de trouver des solutions s’ils vont bientôt l’être. Une partie de la littérature contemporaine entend dès lors se faire le témoin à chaud des fermetures d’usine et des luttes sociales, s’érigeant comme dépositaire – pour l’avenir – de la mémoire des événements ouvriers d’aujourd’hui.

Research paper thumbnail of Les mobilités de L’Homme foudroyé

Op. cit., revue des littératures et des arts , 2020

La dromomanie est attachée à plusieurs personnages centraux de L’Homme foudroyé [1945] (Sawo, les... more La dromomanie est attachée à plusieurs personnages centraux de L’Homme foudroyé [1945] (Sawo, les Gitans, les créateurs en lien avec la mer), tandis qu’arrivées et départ, souvent à l’entame des chapitres, offrent au texte une tonicité entraînante. Pourtant l’œuvre de 1945 se révèle décevante pour un lecteur en attente de récits de grands voyages. Le voyage est moins narré frontalement qu’évoqué comme un arrière-plan imprécis : il est déjà fait ou sur le point de l’être. Il permet d’interroger la vision du monde de Cendrars, telle qu’elle se dégage d’une célébration des valeurs viriles et conquérantes du mouvement, face auxquelles se dresse un immobilisme féminin délétère. Il d’un imaginaire singulier et prégnant, centré sur les routes et les sentes, et que le texte construit la mobilité en écho à une immobilité ambivalente, à la fois subie et nécessaire à la création littéraire

Research paper thumbnail of Mémoire de l'événement dans La Compagnie des spectres et Pas pleurer de Lydie Salvayre

Études françaises, 2018

Les deux romans de Lydie Salvayre, La compagnie des spectres (1997) et Pas pleurer (2014) sont ét... more Les deux romans de Lydie Salvayre, La compagnie des spectres (1997) et Pas pleurer (2014) sont étudiés conjointement en raison de leurs parentés
diégétiques et formelles. Le premier a été lu comme un « roman sur Vichy » et le second met en scène la mémoire de la révolution espagnole de 1936 et de la guerre civile. L’article replace ces deux livres dans le contexte mémoriel de
leur parution et en dégage les enjeux. Ils sont porteurs de projets différents,
témoignant d’un rapport au passé complexe et parfois douloureux. En
montrant que l’événement historique est un spectre qui vient hanter le présent et en explorant la mémoire des petits et des vaincus de l’histoire, ces deux romans expriment une sensibilité politique de gauche.

Research paper thumbnail of Les machines ouvrières dans la littérature des XXe et XXIe siècles

XXI/XX Reconnaissances littéraires, n° 2, 2021

Après la Révolution industrielle, les manufactures puis les usines sont devenues des éléments ess... more Après la Révolution industrielle, les manufactures puis les usines sont devenues des éléments essentiels dans le paysage français et européen. Renfermant des machines, elles ont été le siège de nombreuses inventions technologiques. Le machinisme qui a envahi la production industrielle au xx e siècle y a trouvé sa meilleure expression, passant de la mécanique classique à l'automatisation, où l'intervention humaine sur la machine se réduit à la surveillance et à la réparation. Cette invasion de la machine, notamment des machines-outils et des machines-transferts, ne pouvaient pas laisser la littérature (totalement) indifférente, même si la plupart des auteurs des xx e et xxi e siècles se situent très loin du monde usinier et que rares sont ceux qui parlent d'expérience. Le roman naturaliste a largement préparé le terrain à une représentation plus ou moins codifiée de la machine. La Lison, la locomotive de La Bête humaine, et son agonie lors de son déraillement, ou le Voreux, dévorateur d'hommes dans Germinal, continuent de hanter la mémoire littéraire des lecteurs du xxi e siècle par leurs allures de monstres anthropomorphes. Pourtant, les machines usinières ont été beaucoup plus rarement dépeintes que celles servant aux transports comme l'automobile, les trains ou les avions, que les appareils de télécommunication (le téléphone) et les différents enregistreurs en lien avec l'écriture (les machines à écrire ou le dictaphone chez Cendrars), ou encore que les créatures artificielles (chez Villiers de l'Isle Adam). Le roman scientifique de la fin du xix e siècle (Jules Verne) a travaillé « à donner une place à la machine dans la fiction 1 », rappelle Isabelle 1 Isabelle Krzywkowski, Machines à écrire : Littérature et technologies du XIX e au XXI e siècle, nouvelle édition, Grenoble, UGA Éditions, 2010, chapitre 3 : « Dire la machine. Le thème machinique et la représentation de la machine », § 65, disponible en ligne : URL : https://

Research paper thumbnail of Médecins et maladies dans les romans africains de Paule Constant

Études littéraires africaines n° 49, 2020

Pour des raisons biographiques, les cinq romans de Paule Constant consacrés à l’Afrique sont marq... more Pour des raisons biographiques, les cinq romans de Paule Constant consacrés à l’Afrique sont marqués par l’histoire médicale de la relation franco-africaine : Ouregano (1980), Balta, (1983), White Spirit (1989), C’est fort la France ! (Gallimard, 2012) et Des chauves-souris, des singes et des hommes (2016). Cet article montre comment ces romans offrent au lecteur une compréhension du lien France-Afrique comme relation médicale. Ils élaborent un type littéraire et social assez peu représenté dans la littérature contemporaine : le médecin de brousse, et mettent en place autour de lui un personnel romanesque médical varié. Ouregano constitue à cet égard le réservoir de personnages qui vont essaimer dans les romans ultérieurs. Deux de ces romans, C’est fort la France ! et Des chauves-souris, des singes et des hommes, s’intéressent à un « accident de lomidinisation » historiquement attesté, du nom d’une substance chimique (la lomidine, nommée lomidon dans les romans) injectée aux populations camerounaises pour prévenir et guérir la trypanosomiase causée par la mouche tsé-tsé et qui coûta la vie à plusieurs dizaines de villageois en 1954. Le second de ces romans engage une discussion avec l’historien Guillaume Lachenal et les thèses développées dans le livre qu’il consacra à la lomidine : Le Médicament qui devait sauver l’Afrique : un scandale pharmaceutique aux colonies (2014).

Mots-clés : médecins coloniaux, Cameroun, maladies, trypanosomiase, épidémie

Research paper thumbnail of Narrations documentaires et portrait collectif de travailleurs dans la littérature française contemporaine

Aktuelle Formen des Gesellschaftsporträts, sous la dir. de R. Lukenda et L. Zeller, Lendemains, n° 170/171, 2018

Cet article étudie un certain type de « narrations documentaires » (Ruffel 2012), c’est-à-dire de... more Cet article étudie un certain type de « narrations documentaires » (Ruffel 2012), c’est-à-dire des textes, qui, prélevant dans le réel des documents d’archives, des témoignages, des enregistrements ou des photographies, ont entrepris de représenter une collectivité de travailleurs. Les auteurs examinés sont soit reconnus par les acteurs du champ littéraire français (François Bon, Jean-Paul Goux, Ivan Jablonka), soit dans un lent processus de reconnaissance (Jean-Pierre Ostende, Frédéric H. Fajardie, Sylvain Pattieu), soit, enfin, se situent à la marge du champ (Martine Sonnet, Maryse Vuillermet). Relevant de la littérature factuelle, ces narrations font l’objet d’un « pacte documentaire » avec leurs lecteurs et revêtent une portée et une visée prioritairement cognitives, tout en donnant lieu à un double régime de lecture, référentiel et littéraire. Parmi les matériaux documentaires, les témoignages occupent une place de premier plan, et leur insertion dans le corps du texte revêt des enjeux épistémologiques, éthiques et littéraires. D’autre part, ces narrations mettent en œuvre une esthétique du montage. En orchestrant la pluralité de matériaux à partir d’un je, elles mettent également en évidence l’émotion de celui qui écrit et se met en scène comme enquêteur, émotion destinée à toucher par identification celui qui lit. Elles élaborent ce faisant une relation affective et efficace aux documents comme traces d’une vie collective. Elles offrent une mémoire au présent, traduisant en particulier un devoir de mémoire à l’égard du monde ouvrier, et pour cette raison recueillent l’attention d’une partie de la critique universitaire française de gauche. Récusant toutefois la forme majoritaire et démocratique du roman (Wolf 2003), ces narrations occupent un créneau étroit du champ littéraire français et souffrent d’une réception qui n’atteint pas ceux dont elles font pourtant entendre la voix.

Research paper thumbnail of La représentation du travail dans le champ littéraire et critique contemporain

Les Mondes du travail, 2018

Résumé Depuis les années 1990 et surtout au tournant du XXIe siècle, le thème du travail a émergé... more Résumé
Depuis les années 1990 et surtout au tournant du XXIe siècle, le thème du travail a émergé, à la fois dans les romans publiés à chaque rentrée littéraire, et en tant qu'objet d'études académique chez les chercheurs en littérature. C'est cette double émergence qui est interrogée. Cette contribution insiste sur ce qui caractérise l'approche littéraire du travail (soit la priorité accordée à une recherche et une mise en évidence de la valeur littéraire) et met l'accent sur deux aspects : si écrire sur le travail/étudier la littérature du travail peut signifier la quête d'une place dans le champ littéraire, elle exprime aussi une attente politique ou l'espoir d'une repolitisation de la littérature, dont la réception de l'oeuvre de François Bon (Daweoo) est révélatrice.

Abstract
Since the 1990s and especially at the turn of the twenty-first century, the theme of work has emerged, both in the novels published at each year, but as an object of academic study among literary researchers. It is this double emergence that is questioned. This contribution emphasizes what characterizes the literary approach to work (ie the priority given to research and highlighting the literary value) and focuses on two aspects: to write about the theme of work or to study this literature may mean the search for a place in the literary field, or also expresses a political expectation or the hope of a repolitization of literature, whose reception of the work of François Bon (Daweoo) is revealing. Bio-bibliographie Corinne Grenouillet, Maître de conférences HDR en littérature française à l'Université de Strasbourg, rattachée au Centre d'Étude sur les Représentations : Idées, Esthétique, Littérature XIX e-XXI e siècles (EA 1337, Configurations littéraires) est une spécialiste d'Aragon. Ses travaux récents sont consacrés à la littérature française contemporaine. Elle a publié Usines en texte, écritures au travail : témoigner du travail au tournant du XXIe siècle (2015).

Research paper thumbnail of « Blaise Cendrars, amour du peuple, refus de la politique », Les Formes du politique, sous la direction de Corinne Grenouillet et Éléonore Reverzy, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Configurations littéraires » de l’Université de Strasbourg, 2010, p. 147-162.

Les Formes du politique, 2010

Dans l’œuvre dernière de Cendrars (L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, Le Lotissement ... more Dans l’œuvre dernière de Cendrars (L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, Le Lotissement du ciel), la politique est toujours discréditée, qu’il s’agisse de l’action des hommes politiques, des « Topazes » ou de la scission du monde en deux blocs antagonistes pendant la Guerre froide. Si Cendrars manifeste constamment son attachement aux plus humbles, aux pauvres, aux mendiants, cette attitude relève moins d’une adhésion à une idéologie bien définie que d’un sentiment diffus d’identification au peuple, issu de la guerre, et parfois développé selon une mythologie christique. Sa « tétralogie » fait perdurer une représentation de la politique forgée dans les années 1910-1930, où le rapport au peuple et à la question politique relève de l’émotionnel, de l’irrationnel, de l’affectif, et non d’une forme d’engagement partisan, posture violemment décriée par l’écrivain. Celui-ci se pose en critique du monde moderne, de son matérialisme et de la déliquescence occidentale, face à laquelle il propose les modèles de la Chine, de l’Angleterre et surtout du Brésil. Marquée par le primitivisme et le vitalisme, cette vision du monde est héritée de ses années de formation et de ses maîtres anarchistes. La sympathie de Cendrars pour le peuple s’arrête ainsi au seuil du politique. Ses textes, qui expriment une déception vis-à-vis d’un peuple dénaturé, soumis aux mots d’ordre des « émissaires du Kremlin », laissent entendre la nostalgie d’un ordre ancien, anéanti par la Grande Guerre. S’il entend échapper à la question politique, Cendrars ne peut l’ignorer tout à fait : la politique a envahi le champ littéraire dans les années d’après-guerre et sommé les écrivains de prendre parti. Son œuvre témoigne de l’impossibilité d’échapper totalement à la question politique lorsqu’on souhaite à tout prix prendre ses distances avec elle.

Research paper thumbnail of « Les sources populaires du romanesque aragonien dans Le Monde réel : feuilleton et faits-divers » paru dans : Revue des Sciences humaines n° 305, sous la direction de Maryse Vassevière, 2012, p. 77-95

En 1934, lorsqu’Aragon entreprend l’écriture des Cloches de Bâle, puis du Monde réel, exprimant s... more En 1934, lorsqu’Aragon entreprend l’écriture des Cloches de Bâle, puis du Monde réel, exprimant sa volonté d’offrir au réalisme socialiste une version française, et visant un lectorat élargi, il dispose de modèles populaires dont il n’hésitera pas à s’emparer. Destinées au plus grand nombre, la littérature populaire de la Belle époque, qu’il connaît par ses lectures d’enfance, puis par la production d’écrivain de sa propre mère, et l’écriture journalistique, qu’il pratique entre 1933 et 1934, apparaissent comme des sources possibles de régénération de l’art romanesque. Les articles traitant de faits-divers sanglants, écrits ou non par Aragon dans ces années (L’Humanité), préfigurent une tendance à la dramatisation spectaculaire de l’intrigue romanesque, et révèlent un goût du sanglant et du meurtre passionnel. Aragon utilise les faits divers pour impulser des bifurcations narratives ou se sert d’eux comme parenthèses dans un but de dénonciation politique. Les Beaux quartiers est le roman le plus marqué par l’esthétique feuilletonnesque : chapitres courts, coups de théâtres et effets de suspens localisés en fins de chapitres, alternance des intrigues, rencontres improbables et scènes de reconnaissances, figures mélodramatiques. L’histoire de Jeanne Cartuywels apparaît comme une variante du « roman de la victime » de la Belle Époque, où Jeanne elle-même s’inscrit dans une longue filiation de femmes séduites, trompées ou violées, tandis que Colombin, son agresseur et son tyran, revivifie le type du personnage roux, maléfique et sensuel, prisé par la littérature populaire. Aragon marche ainsi dans les traces des grands romanciers populaires, eux-mêmes héritiers du mélodrame. Mais il le fait avec ostentation : des commentaires de l’auteur dans son texte montrent qu’il n’est pas dupe des ficelles utilisées. Les romans de la dernière période (après La Semaine sainte, 1958) feront encore parfois référence au feuilleton et aux faits divers, mais toujours d’un point de vue critique, empêchant le lecteur de (re)plonger avec délice dans l’illusion référentielle.

Research paper thumbnail of « Petit boulot et sale boulot : le travail précaire entre témoignage et fiction littéraire », Dire le travail, numéro 103 de La Licorne, Presses Universitaires de Rennes, sous la direction de Jean-Paul Engelibert et Stéphane Bikialo, 2012, p. 73-88.

Les récits qui entendent représenter la précarité du travail contemporain sont de nature variée :... more Les récits qui entendent représenter la précarité du travail contemporain sont de nature variée : témoignages de militants (auteurs d’un livre unique), livres humoristiques de jeunes auteurs – parfois intellectuels précaires –, enquêtes fondées sur un journalisme d’immersion, romans inscrits dans une recherche littéraire novatrice. Temps machine (1992) de F. Bon, retraçant les missions d’intérim de l’auteur dans la première moitié des années 1980 et marqué par un lyrisme industriel original, a ouvert la voie à d’autres textes littérairement ambitieux : Composants de T. Beinstingel (2002) dépeint un univers déshumanisé, constitué de non-lieux (hangar, centre commercial, Fasthôtel), dans lequel l’intérimaire en vient à se confondre avec les objets qu’il manipule, des « composants » dont les dénominations décrivent une nouvelle langue poétique. Les écritures littéraires de la précarité opèrent un travail de distanciation, voire de poétisation, de l’énonciation, mais aussi une subversion de la temporalité réaliste, destinée à rendre compte, avec d’autres moyens que la mise en ordre chronologique, du travail temporaire comme expérience d’une temporalité (tel est le cas de La Centrale d’Elisabeth Filhol). Les témoignages, eux, touchent leurs lecteurs, en raison de l’empathie suscitée par la réception de ce genre : l’auteur y atteste de la vérité du propos, de l’exactitude des faits rapportés, mais aussi du fait qu’il est un témoin fiable, dans des récits assumés et adressés. Vecteurs d’expériences vécues par leurs auteurs, et en parallèle, d’une prise de connaissance par leurs lecteurs, les témoignages peuvent devenir littéraires sans que l’intentionnalité artistique soit prioritaire, ni même présente, dans le projet de l’auteur. Chez Daniel Martinez (Carnets d’un intérimaire), Lucien Samba-Kifwani (L’Intérimaire noir) ou Guillaume Tavard (Le Petit Grain de café argenté), les descriptions de lieux ou de gestes techniques, ou encore les portraits de collègues empruntent à la littérature réaliste : être « vrai » revient à « faire vrai » en utilisant des procédés réalistes éprouvés (la construction de personnage par faisceau de traits par exemple) et en opérant un tri à partir des données du réel en vue de produire certains effets sur autrui. L’écriture du (bon) témoignage suppose une conscientisation de l’expérience vécue et une volonté de la transmettre sur le mode le plus efficace.

Research paper thumbnail of « Aragon, monument national », La Vie des idées (ISSN : 2105-3030), 16 janvier 2013. URL : http://www.laviedesidees.fr/Aragon-monument-national.html

La parution dans la bibliothèque de la Pléiade des derniers romans d’Aragon (2012), les manifesta... more La parution dans la bibliothèque de la Pléiade des derniers romans d’Aragon (2012), les manifestations du trentenaire de sa disparition ou la publication de la monumentale biographie que lui consacre Pierre Juquin, confirment l’éclatante patrimonialisation nationale dont jouit désormais l’écrivain. Les nécessités de la commémoration obligent chacun à préciser les contours de « son » Aragon. Si les derniers romans ou les textes surréalistes exigent l’appui d’une culture savante et recourent abondamment à l’intertextualité, si la sophistication d’une prose souvent éblouissante – mais allusive et complexe – vise indéniablement le lecteur cultivé, le poète a su toucher des milliers d’auditeurs plus simples, plus « populaires », par le biais des mises en musique de Léo Ferré ou de Jean Ferrat. Son œuvre autant que sa vie sont devenues matière à projection et interprétation, ce qui est un effet de la classicisation. Tous les livres qu’il a fait paraître dans la dernière période de sa vie ont été salués comme des monuments : Le Fou d’Elsa en 1963, La Mise à mort en 1965, Blanche ou l’oubli en 1967, Henri Matisse Roman en 1971, jusqu’à Théâtre/Roman (1974). En livrant le corps immense de son œuvre, mais aussi tous ses papiers personnels et ceux d’Elsa Triolet à ce « grand art » qu’est la recherche (don au CNRS en 1977), Aragon a été l’artisan de sa propre postérité. Peu à peu, les voix discordantes qui ont accompagné la réception de ses œuvres sont mises en sourdine, cédant la place à l’unanimité de la reconnaissance littéraire.

Research paper thumbnail of « L’introuvable authenticité du récit ouvrier », Sociologie et sociétés, vol. XLVIII, n° 2, Automne 2016 : Sociologie narrative : le pouvoir du récit, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 45-62.

Partant de la définition de l’authentique écrivain prolétarien donné par Henry Poulaille dans les... more Partant de la définition de l’authentique écrivain prolétarien donné par Henry Poulaille dans les années 1930, cet article s’interroge sur la pérennité et la validité d’une telle conception aujourd’hui. Il est demandé à l’auteur ouvrier de raconter, de témoigner – et cette demande sociale, parfois explicitée, est tout d’abord replacée dans « l’ère du témoin » ou du « storytelling ». Or, il s’avère que la plupart des récits ouvriers publiés au tournant du XXIe siècle privilégient d’autres configurations que l’agencement narratif, qu’ils mêlent discours et récit, choisissant d’autres formes que le récit (le journal, le fragment, le portrait par exemple). La lisibilité et la diffusion éditoriale de ces récits exigent l’intervention de passeurs : sociologues, journalistes, enseignants, hommes et femmes de l’ombre éditoriale, sans lesquels ils restent lettres mortes, ce qui invalide l’idée d’une production spontanée ou totalement originale.

Research paper thumbnail of « Vérité et réalisme du témoignage: les récits de guerre de Maurice Genevoix », French Review, volume 90, number 1, October 2016, p. 146-161

Les récits de guerre de Maurice Genevoix, publiés entre 1916 et 1923 et réunis en 1950 sous le ti... more Les récits de guerre de Maurice Genevoix, publiés entre 1916 et 1923 et réunis en 1950 sous le titre de Ceux de 14, constituent certes des sources d’informations sur le déroulement réel de la Grande Guerre, mais ils sont aussi un exemple emblématique du témoignage, ce genre devenu progressivement majoritaire au XXe siècle. Si Genevoix est un témoin majeur de la Grande Guerre, c’est non seulement parce qu’il a évoqué comme nul autre l’expérience vécue par le soldat et parce qu’il a « voué » une partie de sa vie à témoigner – en raison d’une fidélité à soi-même et à ses camarades disparus –, mais aussi parce qu’il a contribué à définir l’esthétique même du genre. Genevoix devient écrivain dans l’expérience de la guerre, et pour cette raison trouve la forme à donner à ses récits : lecteur de Maupassant, il adapte l’esthétique naturaliste à son projet testimonial. Cette adaptation se fait sur un mode mineur et sans fracas, car elle est reprise de codes esthétiques connus, voire canoniques. Choisir de raconter « sa » guerre sur un mode naturaliste en 1916, puis rester fidèle à ce choix initial, enfin s’adresser aux « simples », inscrit l’écriture dans l’esthétique du « roman de la démocratie » (N . Wolf), qui garantit l’efficacité de la transmission et revêt aussi un sens idéologique – voire politique – profond.

Research paper thumbnail of Robes, cravates et casquettes : la mode dans Aurélien (1944) de Louis Aragon, Cahiers d’histoire : revue d’histoire critique n° 129 : Un usage politique du vêtement, octobre-décembre 2015, p. 73-92.

Dans Aurélien, qu’Aragon publie en 1944, les nombreuses descriptions de vêtements, en particulier... more Dans Aurélien, qu’Aragon publie en 1944, les nombreuses descriptions de vêtements, en particulier féminin, servent la reconstitution des années folles et participe de la poésie du roman. Des robes de mots habillent les mondaines et les élégantes ; elles se réfèrent aux créations des grands couturiers de l’époque, comme Paul Poiret ou Madeleine Vionnet. La mode masculine, elle, oppose les cravates des bourgeois à la casquette, isolée, d’un jeune ouvrier. Aragon se révèle, avant la lettre, un sociologue du vêtement, sensible à sa valeur de distinction.

Research paper thumbnail of « Aragon, un écrivain pas très catholique », Cahiers de l’Association Internationale des Études françaises, n° 69, mai 2017, p. 291-307.

Bien avant d’être une plume anticléricale virulente (pendant la période surréaliste), Aragon fut ... more Bien avant d’être une plume anticléricale virulente (pendant la période surréaliste), Aragon fut un enfant d’une « piété exaltée » (il prête cette croyance à Armand Barbentane dans Les Beaux Quartiers) et baigné d’une culture chrétienne foisonnante. Cet article examine l’expression de l’anticléricalisme dans les textes en prose d’Aragon : s’il explose dans les années 1928-1932, émerge peu à peu l’expression antagoniste d’une sympathie pour la foi catholique. La rupture entre une période marquée par l’anticatholicisme et une autre favorable à l’église n’est toutefois pas brutale, l’anticatholicisme des années surréalistes perdurant à l’intérieur du Monde réel. Le changement d’attitude à l’égard du catholicisme ne peut se comprendre en dehors de l’inflexion majeure de l’orientation politique du parti communiste à partir de 1936 : délaissant la ligne dite « classe contre classe », le parti oriente son action vers une politique d’union avec les autres partis de gauche. Cette ouverture politique ne fut pas sans effet sur la représentation du monde catholique dans l’œuvre d’Aragon. Pour comprendre comment l’écrivain est passé d’un anticatholicisme « primaire » à la peinture de personnages catholiques investis d’une grande positivité morale et politique, il importe de n’être pas manichéen et d’admettre que ses romans laissent entrevoir la complexité des positions, ne les rabattent pas l’une sur l’autre et font parfois coexister deux options, anti- et pro- catholiques.

Research paper thumbnail of « Le monde noir américain dans la vie et l’œuvre d’Aragon (1920-1945) », Présence africaine : Revue culturel du monde noir, n° 187-188 : Éloge de l’écrivain, 2013, p. 315-327.

Au cours de la période 1920-1945, Aragon a eu des velléités d’approfondissement de la culture noi... more Au cours de la période 1920-1945, Aragon a eu des velléités d’approfondissement de la culture noire-américaine, à laquelle plusieurs facteurs le prédisposaient à s’intéresser : son expérience personnelle (la fréquentation des bars de Montmartre ou Montparnasse dans les années 1920) qu’il prête au personnage éponyme Aurélien, son goût pour la musique de jazz et sa connaissance d’artistes qu’il cite ou portraiture dans son œuvre (Ada “Bricktop” Smith ou Buddy Gilmore), sa proximité avec Nancy Cunard, activiste de la cause de l’égalité des noirs et des blancs, enfin son voyage aux USA en 1939 où il rencontra Langston Hughes et Richard Wright. Dans Aurélien, les deux artistes noirs évoqués, l’un fictif (Tommy), l’autre réel (René Maran), sont une manière de rendre hommage aux talents “nègres”. Quant à la discussion entre Paul Denis et Aurélien, elle oppose deux façons d’envisager la question « raciale » et restitue l’état d’esprit d’une époque marquée par le colonialisme et le racisme ordinaire. En rendant compte des divergences idéologiques des deux personnages et des structures mentales des hommes de leur génération, Aragon dénonce les conceptions racistes d’Aurélien, dont l’épilogue nous apprend qu’il apportera son soutien à Pétain en 1940.

Research paper thumbnail of « “Papa Aragon” et le “parti de la jeunesse” : Les Lettres françaises du 15 mai au 21 mai 1968 », Recherches croisees Aragon-Elsa Triolet n° 14 : « Les Lettres francaises », sous la direction de Maryse Vassevière et de Luc Vigier, Presses Universitaires de Strasbourg, 2013, p. 73-94.

Au moment où éclate Mai 1968, le divorce peut sembler total entre le PCF et une partie de la jeun... more Au moment où éclate Mai 1968, le divorce peut sembler total entre le PCF et une partie de la jeunesse étudiante. La fronde de l’Union des étudiants communistes (l’UEC) est récente (1965). Au printemps, plusieurs interventions publiques manifestèrent l’incompréhension du parti communiste devant les problèmes de la jeunesse et son mépris de la composante libertaire du « Mouvement du 22 mars » (Nanterre). Le printemps des étudiants a également été ignoré par Les Lettres françaises, moins par volonté délibérée, qu’en raison d’une concentration de l’énergie rédactionnelle sur la Tchécoslovaquie. Ouvrant les colonnes des Lettres françaises aux étudiants dans un numéro spécial paru le 15 mai 1968 (n° 1234), laissant de nombreux universitaires et ses collaborateurs s’exprimer librement, Aragon fait preuve d’une certaine audace politique. Mais au moment où le numéro paraît, la ligne du parti a déjà bougé et le numéro des Lettres françaises accompagne plutôt qu’il ne précède ou ne suscite cette évolution. Enfin, si Aragon y intervient en politique, sa parole, elle, n’est pas une parole politique. Il endosse l’habit du poète, se montre indulgent devant l’arrogance juvénile, et cite presque dans son intégralité l’épilogue des Poètes. « À vous de dire ce que je vois » : ce dernier vers du poème (et des Poètes), exprime le passage d’un relais. Le tombeau est aussi passage de flambeau.

Research paper thumbnail of « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ...» paru dans : Recherches Croisées Elsa Triolet/Aragon n° 4, Paris : Les Belles lettres, 1992, (Les Annales litteraires de l’Université de Besancon, n° 472 ; Serie “Linguistique et Semiotiques”, n° 17), p. 221-290.

Éditeur catholique, Albert Béguin fut à l’origine de la collection des Cahiers du Rhône qui publi... more Éditeur catholique, Albert Béguin fut à l’origine de la collection des Cahiers du Rhône qui publia d’Aragon : Les Yeux d’Elsa et Brocéliande en 1942. Dans quelles circonstances les deux hommes se rencontrèrent-ils en 1921 ? Comment se retrouvèrent-ils aux heures sombres de l’Occupation, dans le même souci de lutter contre le nazisme, par les moyens de la poésie ? Comment enfin cette étonnante relation entre le communiste et le catholique prit-elle fin au moment de la Guerre froide ? Vingt-trois lettres inédites d’Aragon à Albert Béguin, publiées dans cet article, révèlent la profondeur de l’accord et l’authenticité de l’amitié qui unirent un temps celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas.

Research paper thumbnail of Aragon, trente ans après

Aragon, trente ans après, sous la dir. d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principall... more Aragon, trente ans après, sous la dir. d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principalli-Richard, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet », n° 15, 2014, 276 p.

Research paper thumbnail of Paysages coloniaux d’Algérie dans la trilogie algérienne de Mathieu Belezi

Les Campagnes et leurs paysages. Histoire et imaginaire, des origines aux problématiques actuelles, 2018

Loin de tout battage médiatique, Mathieu Belezi (né en 1953) construit une œuvre romanesque dont ... more Loin de tout battage médiatique, Mathieu Belezi (né en 1953) construit une œuvre romanesque dont le propos est singulier, voire insolite : ses trois derniers romans, C’était notre terre (2008), Les Vieux fous (2011) et Un faux pas dans la vie d’Emma Picard (2015), font revivre un pan méconnu de notre histoire et surtout peu représenté en littérature française, la colonisation algérienne. Qu’il s’agisse de la famille de riches colons, installée, au moment de la guerre d’Algérie, depuis plus de cent ans sur un domaine gigantesque de six-cent-cinquante-trois hectares (C’était notre terre) – ou d’Emma Picard, la misérable veuve alsacienne à qui le gouvernement concède vingt hectares de mauvaises terres vers 1865, en passant par Albert Vandel, auteur de razzias et d’accaparements de territoires dans les années 1830, puis grand propriétaire terrien cent ans plus tard (le personnage vit cent quarante-sept ans, Les Vieux fous), la trilogie algérienne de Belezi décline toute une palette de paysages ruraux en colonie française.
D’incontestables données référentielles nourrissent une vision poétique, sensorielle et musicale des paysages algériens, mais ces derniers sont investis d’un enjeu critique dépassant la mise en place d’un cadre pour l’action romanesque. La ruralité coloniale s’appuie sur l’imaginaire d’une domestication et de la civilisation d’une terre sauvage : à travers les points de vue subjectifs des personnages (la plupart colons), l’auteur restitue la violence de la prise de possession de la terre algérienne et engage une compréhension des mécanismes mentaux qui ont présidé à la domination foncière.

Research paper thumbnail of Mémoire de l'événement ouvrier : témoignages et romans français de la désindustrialisation au xxi e siècle

Mémoires de l’événement : Constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècles), Presses universitaires de Strasbourg, 2020

La littérature contemporaine s’intéresse-t-elle à « la mémoire de l’événement ouvrier » ? Les ann... more La littérature contemporaine s’intéresse-t-elle à « la mémoire de l’événement ouvrier » ? Les années 2000 constituent un tournant dans la publication de livres relatifs au monde du travail. Les « romans d’entreprise » triomphent sur la scène littéraire, manifestant un changement d’imaginaire, dans lequel le monde industriel est rarement présent. Plusieurs genres s’intéressent pourtant à un monde ouvrier dévalué et qui, malgré son nombre, a perdu sa centralité dans la société française : le récit d’enquête et de collection de la parole ouvrière, le récit de filiation, le roman noir et le roman réaliste. Les fermetures d’usine et les mouvements de lutte qui en découlent apparaissent alors comme les événements récurrents mis en scène par ces textes. Comment la littérature contemporaine s’est-elle emparée de la désindustrialisation qui affecte la France depuis presque quarante ans ? Elle l’interprète moins comme un processus inéluctable que comme une succession d’« événements » qui touchent les individus qui les éprouvent, parce qu’ils ont été licenciés ou tentent de trouver des solutions s’ils vont bientôt l’être. Une partie de la littérature contemporaine entend dès lors se faire le témoin à chaud des fermetures d’usine et des luttes sociales, s’érigeant comme dépositaire – pour l’avenir – de la mémoire des événements ouvriers d’aujourd’hui.

Research paper thumbnail of Les mobilités de L’Homme foudroyé

Op. cit., revue des littératures et des arts , 2020

La dromomanie est attachée à plusieurs personnages centraux de L’Homme foudroyé [1945] (Sawo, les... more La dromomanie est attachée à plusieurs personnages centraux de L’Homme foudroyé [1945] (Sawo, les Gitans, les créateurs en lien avec la mer), tandis qu’arrivées et départ, souvent à l’entame des chapitres, offrent au texte une tonicité entraînante. Pourtant l’œuvre de 1945 se révèle décevante pour un lecteur en attente de récits de grands voyages. Le voyage est moins narré frontalement qu’évoqué comme un arrière-plan imprécis : il est déjà fait ou sur le point de l’être. Il permet d’interroger la vision du monde de Cendrars, telle qu’elle se dégage d’une célébration des valeurs viriles et conquérantes du mouvement, face auxquelles se dresse un immobilisme féminin délétère. Il d’un imaginaire singulier et prégnant, centré sur les routes et les sentes, et que le texte construit la mobilité en écho à une immobilité ambivalente, à la fois subie et nécessaire à la création littéraire

Research paper thumbnail of Mémoire de l'événement dans La Compagnie des spectres et Pas pleurer de Lydie Salvayre

Études françaises, 2018

Les deux romans de Lydie Salvayre, La compagnie des spectres (1997) et Pas pleurer (2014) sont ét... more Les deux romans de Lydie Salvayre, La compagnie des spectres (1997) et Pas pleurer (2014) sont étudiés conjointement en raison de leurs parentés
diégétiques et formelles. Le premier a été lu comme un « roman sur Vichy » et le second met en scène la mémoire de la révolution espagnole de 1936 et de la guerre civile. L’article replace ces deux livres dans le contexte mémoriel de
leur parution et en dégage les enjeux. Ils sont porteurs de projets différents,
témoignant d’un rapport au passé complexe et parfois douloureux. En
montrant que l’événement historique est un spectre qui vient hanter le présent et en explorant la mémoire des petits et des vaincus de l’histoire, ces deux romans expriment une sensibilité politique de gauche.

Research paper thumbnail of Les machines ouvrières dans la littérature des XXe et XXIe siècles

XXI/XX Reconnaissances littéraires, n° 2, 2021

Après la Révolution industrielle, les manufactures puis les usines sont devenues des éléments ess... more Après la Révolution industrielle, les manufactures puis les usines sont devenues des éléments essentiels dans le paysage français et européen. Renfermant des machines, elles ont été le siège de nombreuses inventions technologiques. Le machinisme qui a envahi la production industrielle au xx e siècle y a trouvé sa meilleure expression, passant de la mécanique classique à l'automatisation, où l'intervention humaine sur la machine se réduit à la surveillance et à la réparation. Cette invasion de la machine, notamment des machines-outils et des machines-transferts, ne pouvaient pas laisser la littérature (totalement) indifférente, même si la plupart des auteurs des xx e et xxi e siècles se situent très loin du monde usinier et que rares sont ceux qui parlent d'expérience. Le roman naturaliste a largement préparé le terrain à une représentation plus ou moins codifiée de la machine. La Lison, la locomotive de La Bête humaine, et son agonie lors de son déraillement, ou le Voreux, dévorateur d'hommes dans Germinal, continuent de hanter la mémoire littéraire des lecteurs du xxi e siècle par leurs allures de monstres anthropomorphes. Pourtant, les machines usinières ont été beaucoup plus rarement dépeintes que celles servant aux transports comme l'automobile, les trains ou les avions, que les appareils de télécommunication (le téléphone) et les différents enregistreurs en lien avec l'écriture (les machines à écrire ou le dictaphone chez Cendrars), ou encore que les créatures artificielles (chez Villiers de l'Isle Adam). Le roman scientifique de la fin du xix e siècle (Jules Verne) a travaillé « à donner une place à la machine dans la fiction 1 », rappelle Isabelle 1 Isabelle Krzywkowski, Machines à écrire : Littérature et technologies du XIX e au XXI e siècle, nouvelle édition, Grenoble, UGA Éditions, 2010, chapitre 3 : « Dire la machine. Le thème machinique et la représentation de la machine », § 65, disponible en ligne : URL : https://

Research paper thumbnail of Médecins et maladies dans les romans africains de Paule Constant

Études littéraires africaines n° 49, 2020

Pour des raisons biographiques, les cinq romans de Paule Constant consacrés à l’Afrique sont marq... more Pour des raisons biographiques, les cinq romans de Paule Constant consacrés à l’Afrique sont marqués par l’histoire médicale de la relation franco-africaine : Ouregano (1980), Balta, (1983), White Spirit (1989), C’est fort la France ! (Gallimard, 2012) et Des chauves-souris, des singes et des hommes (2016). Cet article montre comment ces romans offrent au lecteur une compréhension du lien France-Afrique comme relation médicale. Ils élaborent un type littéraire et social assez peu représenté dans la littérature contemporaine : le médecin de brousse, et mettent en place autour de lui un personnel romanesque médical varié. Ouregano constitue à cet égard le réservoir de personnages qui vont essaimer dans les romans ultérieurs. Deux de ces romans, C’est fort la France ! et Des chauves-souris, des singes et des hommes, s’intéressent à un « accident de lomidinisation » historiquement attesté, du nom d’une substance chimique (la lomidine, nommée lomidon dans les romans) injectée aux populations camerounaises pour prévenir et guérir la trypanosomiase causée par la mouche tsé-tsé et qui coûta la vie à plusieurs dizaines de villageois en 1954. Le second de ces romans engage une discussion avec l’historien Guillaume Lachenal et les thèses développées dans le livre qu’il consacra à la lomidine : Le Médicament qui devait sauver l’Afrique : un scandale pharmaceutique aux colonies (2014).

Mots-clés : médecins coloniaux, Cameroun, maladies, trypanosomiase, épidémie

Research paper thumbnail of Narrations documentaires et portrait collectif de travailleurs dans la littérature française contemporaine

Aktuelle Formen des Gesellschaftsporträts, sous la dir. de R. Lukenda et L. Zeller, Lendemains, n° 170/171, 2018

Cet article étudie un certain type de « narrations documentaires » (Ruffel 2012), c’est-à-dire de... more Cet article étudie un certain type de « narrations documentaires » (Ruffel 2012), c’est-à-dire des textes, qui, prélevant dans le réel des documents d’archives, des témoignages, des enregistrements ou des photographies, ont entrepris de représenter une collectivité de travailleurs. Les auteurs examinés sont soit reconnus par les acteurs du champ littéraire français (François Bon, Jean-Paul Goux, Ivan Jablonka), soit dans un lent processus de reconnaissance (Jean-Pierre Ostende, Frédéric H. Fajardie, Sylvain Pattieu), soit, enfin, se situent à la marge du champ (Martine Sonnet, Maryse Vuillermet). Relevant de la littérature factuelle, ces narrations font l’objet d’un « pacte documentaire » avec leurs lecteurs et revêtent une portée et une visée prioritairement cognitives, tout en donnant lieu à un double régime de lecture, référentiel et littéraire. Parmi les matériaux documentaires, les témoignages occupent une place de premier plan, et leur insertion dans le corps du texte revêt des enjeux épistémologiques, éthiques et littéraires. D’autre part, ces narrations mettent en œuvre une esthétique du montage. En orchestrant la pluralité de matériaux à partir d’un je, elles mettent également en évidence l’émotion de celui qui écrit et se met en scène comme enquêteur, émotion destinée à toucher par identification celui qui lit. Elles élaborent ce faisant une relation affective et efficace aux documents comme traces d’une vie collective. Elles offrent une mémoire au présent, traduisant en particulier un devoir de mémoire à l’égard du monde ouvrier, et pour cette raison recueillent l’attention d’une partie de la critique universitaire française de gauche. Récusant toutefois la forme majoritaire et démocratique du roman (Wolf 2003), ces narrations occupent un créneau étroit du champ littéraire français et souffrent d’une réception qui n’atteint pas ceux dont elles font pourtant entendre la voix.

Research paper thumbnail of La représentation du travail dans le champ littéraire et critique contemporain

Les Mondes du travail, 2018

Résumé Depuis les années 1990 et surtout au tournant du XXIe siècle, le thème du travail a émergé... more Résumé
Depuis les années 1990 et surtout au tournant du XXIe siècle, le thème du travail a émergé, à la fois dans les romans publiés à chaque rentrée littéraire, et en tant qu'objet d'études académique chez les chercheurs en littérature. C'est cette double émergence qui est interrogée. Cette contribution insiste sur ce qui caractérise l'approche littéraire du travail (soit la priorité accordée à une recherche et une mise en évidence de la valeur littéraire) et met l'accent sur deux aspects : si écrire sur le travail/étudier la littérature du travail peut signifier la quête d'une place dans le champ littéraire, elle exprime aussi une attente politique ou l'espoir d'une repolitisation de la littérature, dont la réception de l'oeuvre de François Bon (Daweoo) est révélatrice.

Abstract
Since the 1990s and especially at the turn of the twenty-first century, the theme of work has emerged, both in the novels published at each year, but as an object of academic study among literary researchers. It is this double emergence that is questioned. This contribution emphasizes what characterizes the literary approach to work (ie the priority given to research and highlighting the literary value) and focuses on two aspects: to write about the theme of work or to study this literature may mean the search for a place in the literary field, or also expresses a political expectation or the hope of a repolitization of literature, whose reception of the work of François Bon (Daweoo) is revealing. Bio-bibliographie Corinne Grenouillet, Maître de conférences HDR en littérature française à l'Université de Strasbourg, rattachée au Centre d'Étude sur les Représentations : Idées, Esthétique, Littérature XIX e-XXI e siècles (EA 1337, Configurations littéraires) est une spécialiste d'Aragon. Ses travaux récents sont consacrés à la littérature française contemporaine. Elle a publié Usines en texte, écritures au travail : témoigner du travail au tournant du XXIe siècle (2015).

Research paper thumbnail of « Blaise Cendrars, amour du peuple, refus de la politique », Les Formes du politique, sous la direction de Corinne Grenouillet et Éléonore Reverzy, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Configurations littéraires » de l’Université de Strasbourg, 2010, p. 147-162.

Les Formes du politique, 2010

Dans l’œuvre dernière de Cendrars (L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, Le Lotissement ... more Dans l’œuvre dernière de Cendrars (L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, Le Lotissement du ciel), la politique est toujours discréditée, qu’il s’agisse de l’action des hommes politiques, des « Topazes » ou de la scission du monde en deux blocs antagonistes pendant la Guerre froide. Si Cendrars manifeste constamment son attachement aux plus humbles, aux pauvres, aux mendiants, cette attitude relève moins d’une adhésion à une idéologie bien définie que d’un sentiment diffus d’identification au peuple, issu de la guerre, et parfois développé selon une mythologie christique. Sa « tétralogie » fait perdurer une représentation de la politique forgée dans les années 1910-1930, où le rapport au peuple et à la question politique relève de l’émotionnel, de l’irrationnel, de l’affectif, et non d’une forme d’engagement partisan, posture violemment décriée par l’écrivain. Celui-ci se pose en critique du monde moderne, de son matérialisme et de la déliquescence occidentale, face à laquelle il propose les modèles de la Chine, de l’Angleterre et surtout du Brésil. Marquée par le primitivisme et le vitalisme, cette vision du monde est héritée de ses années de formation et de ses maîtres anarchistes. La sympathie de Cendrars pour le peuple s’arrête ainsi au seuil du politique. Ses textes, qui expriment une déception vis-à-vis d’un peuple dénaturé, soumis aux mots d’ordre des « émissaires du Kremlin », laissent entendre la nostalgie d’un ordre ancien, anéanti par la Grande Guerre. S’il entend échapper à la question politique, Cendrars ne peut l’ignorer tout à fait : la politique a envahi le champ littéraire dans les années d’après-guerre et sommé les écrivains de prendre parti. Son œuvre témoigne de l’impossibilité d’échapper totalement à la question politique lorsqu’on souhaite à tout prix prendre ses distances avec elle.

Research paper thumbnail of « Les sources populaires du romanesque aragonien dans Le Monde réel : feuilleton et faits-divers » paru dans : Revue des Sciences humaines n° 305, sous la direction de Maryse Vassevière, 2012, p. 77-95

En 1934, lorsqu’Aragon entreprend l’écriture des Cloches de Bâle, puis du Monde réel, exprimant s... more En 1934, lorsqu’Aragon entreprend l’écriture des Cloches de Bâle, puis du Monde réel, exprimant sa volonté d’offrir au réalisme socialiste une version française, et visant un lectorat élargi, il dispose de modèles populaires dont il n’hésitera pas à s’emparer. Destinées au plus grand nombre, la littérature populaire de la Belle époque, qu’il connaît par ses lectures d’enfance, puis par la production d’écrivain de sa propre mère, et l’écriture journalistique, qu’il pratique entre 1933 et 1934, apparaissent comme des sources possibles de régénération de l’art romanesque. Les articles traitant de faits-divers sanglants, écrits ou non par Aragon dans ces années (L’Humanité), préfigurent une tendance à la dramatisation spectaculaire de l’intrigue romanesque, et révèlent un goût du sanglant et du meurtre passionnel. Aragon utilise les faits divers pour impulser des bifurcations narratives ou se sert d’eux comme parenthèses dans un but de dénonciation politique. Les Beaux quartiers est le roman le plus marqué par l’esthétique feuilletonnesque : chapitres courts, coups de théâtres et effets de suspens localisés en fins de chapitres, alternance des intrigues, rencontres improbables et scènes de reconnaissances, figures mélodramatiques. L’histoire de Jeanne Cartuywels apparaît comme une variante du « roman de la victime » de la Belle Époque, où Jeanne elle-même s’inscrit dans une longue filiation de femmes séduites, trompées ou violées, tandis que Colombin, son agresseur et son tyran, revivifie le type du personnage roux, maléfique et sensuel, prisé par la littérature populaire. Aragon marche ainsi dans les traces des grands romanciers populaires, eux-mêmes héritiers du mélodrame. Mais il le fait avec ostentation : des commentaires de l’auteur dans son texte montrent qu’il n’est pas dupe des ficelles utilisées. Les romans de la dernière période (après La Semaine sainte, 1958) feront encore parfois référence au feuilleton et aux faits divers, mais toujours d’un point de vue critique, empêchant le lecteur de (re)plonger avec délice dans l’illusion référentielle.

Research paper thumbnail of « Petit boulot et sale boulot : le travail précaire entre témoignage et fiction littéraire », Dire le travail, numéro 103 de La Licorne, Presses Universitaires de Rennes, sous la direction de Jean-Paul Engelibert et Stéphane Bikialo, 2012, p. 73-88.

Les récits qui entendent représenter la précarité du travail contemporain sont de nature variée :... more Les récits qui entendent représenter la précarité du travail contemporain sont de nature variée : témoignages de militants (auteurs d’un livre unique), livres humoristiques de jeunes auteurs – parfois intellectuels précaires –, enquêtes fondées sur un journalisme d’immersion, romans inscrits dans une recherche littéraire novatrice. Temps machine (1992) de F. Bon, retraçant les missions d’intérim de l’auteur dans la première moitié des années 1980 et marqué par un lyrisme industriel original, a ouvert la voie à d’autres textes littérairement ambitieux : Composants de T. Beinstingel (2002) dépeint un univers déshumanisé, constitué de non-lieux (hangar, centre commercial, Fasthôtel), dans lequel l’intérimaire en vient à se confondre avec les objets qu’il manipule, des « composants » dont les dénominations décrivent une nouvelle langue poétique. Les écritures littéraires de la précarité opèrent un travail de distanciation, voire de poétisation, de l’énonciation, mais aussi une subversion de la temporalité réaliste, destinée à rendre compte, avec d’autres moyens que la mise en ordre chronologique, du travail temporaire comme expérience d’une temporalité (tel est le cas de La Centrale d’Elisabeth Filhol). Les témoignages, eux, touchent leurs lecteurs, en raison de l’empathie suscitée par la réception de ce genre : l’auteur y atteste de la vérité du propos, de l’exactitude des faits rapportés, mais aussi du fait qu’il est un témoin fiable, dans des récits assumés et adressés. Vecteurs d’expériences vécues par leurs auteurs, et en parallèle, d’une prise de connaissance par leurs lecteurs, les témoignages peuvent devenir littéraires sans que l’intentionnalité artistique soit prioritaire, ni même présente, dans le projet de l’auteur. Chez Daniel Martinez (Carnets d’un intérimaire), Lucien Samba-Kifwani (L’Intérimaire noir) ou Guillaume Tavard (Le Petit Grain de café argenté), les descriptions de lieux ou de gestes techniques, ou encore les portraits de collègues empruntent à la littérature réaliste : être « vrai » revient à « faire vrai » en utilisant des procédés réalistes éprouvés (la construction de personnage par faisceau de traits par exemple) et en opérant un tri à partir des données du réel en vue de produire certains effets sur autrui. L’écriture du (bon) témoignage suppose une conscientisation de l’expérience vécue et une volonté de la transmettre sur le mode le plus efficace.

Research paper thumbnail of « Aragon, monument national », La Vie des idées (ISSN : 2105-3030), 16 janvier 2013. URL : http://www.laviedesidees.fr/Aragon-monument-national.html

La parution dans la bibliothèque de la Pléiade des derniers romans d’Aragon (2012), les manifesta... more La parution dans la bibliothèque de la Pléiade des derniers romans d’Aragon (2012), les manifestations du trentenaire de sa disparition ou la publication de la monumentale biographie que lui consacre Pierre Juquin, confirment l’éclatante patrimonialisation nationale dont jouit désormais l’écrivain. Les nécessités de la commémoration obligent chacun à préciser les contours de « son » Aragon. Si les derniers romans ou les textes surréalistes exigent l’appui d’une culture savante et recourent abondamment à l’intertextualité, si la sophistication d’une prose souvent éblouissante – mais allusive et complexe – vise indéniablement le lecteur cultivé, le poète a su toucher des milliers d’auditeurs plus simples, plus « populaires », par le biais des mises en musique de Léo Ferré ou de Jean Ferrat. Son œuvre autant que sa vie sont devenues matière à projection et interprétation, ce qui est un effet de la classicisation. Tous les livres qu’il a fait paraître dans la dernière période de sa vie ont été salués comme des monuments : Le Fou d’Elsa en 1963, La Mise à mort en 1965, Blanche ou l’oubli en 1967, Henri Matisse Roman en 1971, jusqu’à Théâtre/Roman (1974). En livrant le corps immense de son œuvre, mais aussi tous ses papiers personnels et ceux d’Elsa Triolet à ce « grand art » qu’est la recherche (don au CNRS en 1977), Aragon a été l’artisan de sa propre postérité. Peu à peu, les voix discordantes qui ont accompagné la réception de ses œuvres sont mises en sourdine, cédant la place à l’unanimité de la reconnaissance littéraire.

Research paper thumbnail of « L’introuvable authenticité du récit ouvrier », Sociologie et sociétés, vol. XLVIII, n° 2, Automne 2016 : Sociologie narrative : le pouvoir du récit, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 45-62.

Partant de la définition de l’authentique écrivain prolétarien donné par Henry Poulaille dans les... more Partant de la définition de l’authentique écrivain prolétarien donné par Henry Poulaille dans les années 1930, cet article s’interroge sur la pérennité et la validité d’une telle conception aujourd’hui. Il est demandé à l’auteur ouvrier de raconter, de témoigner – et cette demande sociale, parfois explicitée, est tout d’abord replacée dans « l’ère du témoin » ou du « storytelling ». Or, il s’avère que la plupart des récits ouvriers publiés au tournant du XXIe siècle privilégient d’autres configurations que l’agencement narratif, qu’ils mêlent discours et récit, choisissant d’autres formes que le récit (le journal, le fragment, le portrait par exemple). La lisibilité et la diffusion éditoriale de ces récits exigent l’intervention de passeurs : sociologues, journalistes, enseignants, hommes et femmes de l’ombre éditoriale, sans lesquels ils restent lettres mortes, ce qui invalide l’idée d’une production spontanée ou totalement originale.

Research paper thumbnail of « Vérité et réalisme du témoignage: les récits de guerre de Maurice Genevoix », French Review, volume 90, number 1, October 2016, p. 146-161

Les récits de guerre de Maurice Genevoix, publiés entre 1916 et 1923 et réunis en 1950 sous le ti... more Les récits de guerre de Maurice Genevoix, publiés entre 1916 et 1923 et réunis en 1950 sous le titre de Ceux de 14, constituent certes des sources d’informations sur le déroulement réel de la Grande Guerre, mais ils sont aussi un exemple emblématique du témoignage, ce genre devenu progressivement majoritaire au XXe siècle. Si Genevoix est un témoin majeur de la Grande Guerre, c’est non seulement parce qu’il a évoqué comme nul autre l’expérience vécue par le soldat et parce qu’il a « voué » une partie de sa vie à témoigner – en raison d’une fidélité à soi-même et à ses camarades disparus –, mais aussi parce qu’il a contribué à définir l’esthétique même du genre. Genevoix devient écrivain dans l’expérience de la guerre, et pour cette raison trouve la forme à donner à ses récits : lecteur de Maupassant, il adapte l’esthétique naturaliste à son projet testimonial. Cette adaptation se fait sur un mode mineur et sans fracas, car elle est reprise de codes esthétiques connus, voire canoniques. Choisir de raconter « sa » guerre sur un mode naturaliste en 1916, puis rester fidèle à ce choix initial, enfin s’adresser aux « simples », inscrit l’écriture dans l’esthétique du « roman de la démocratie » (N . Wolf), qui garantit l’efficacité de la transmission et revêt aussi un sens idéologique – voire politique – profond.

Research paper thumbnail of Robes, cravates et casquettes : la mode dans Aurélien (1944) de Louis Aragon, Cahiers d’histoire : revue d’histoire critique n° 129 : Un usage politique du vêtement, octobre-décembre 2015, p. 73-92.

Dans Aurélien, qu’Aragon publie en 1944, les nombreuses descriptions de vêtements, en particulier... more Dans Aurélien, qu’Aragon publie en 1944, les nombreuses descriptions de vêtements, en particulier féminin, servent la reconstitution des années folles et participe de la poésie du roman. Des robes de mots habillent les mondaines et les élégantes ; elles se réfèrent aux créations des grands couturiers de l’époque, comme Paul Poiret ou Madeleine Vionnet. La mode masculine, elle, oppose les cravates des bourgeois à la casquette, isolée, d’un jeune ouvrier. Aragon se révèle, avant la lettre, un sociologue du vêtement, sensible à sa valeur de distinction.

Research paper thumbnail of « Aragon, un écrivain pas très catholique », Cahiers de l’Association Internationale des Études françaises, n° 69, mai 2017, p. 291-307.

Bien avant d’être une plume anticléricale virulente (pendant la période surréaliste), Aragon fut ... more Bien avant d’être une plume anticléricale virulente (pendant la période surréaliste), Aragon fut un enfant d’une « piété exaltée » (il prête cette croyance à Armand Barbentane dans Les Beaux Quartiers) et baigné d’une culture chrétienne foisonnante. Cet article examine l’expression de l’anticléricalisme dans les textes en prose d’Aragon : s’il explose dans les années 1928-1932, émerge peu à peu l’expression antagoniste d’une sympathie pour la foi catholique. La rupture entre une période marquée par l’anticatholicisme et une autre favorable à l’église n’est toutefois pas brutale, l’anticatholicisme des années surréalistes perdurant à l’intérieur du Monde réel. Le changement d’attitude à l’égard du catholicisme ne peut se comprendre en dehors de l’inflexion majeure de l’orientation politique du parti communiste à partir de 1936 : délaissant la ligne dite « classe contre classe », le parti oriente son action vers une politique d’union avec les autres partis de gauche. Cette ouverture politique ne fut pas sans effet sur la représentation du monde catholique dans l’œuvre d’Aragon. Pour comprendre comment l’écrivain est passé d’un anticatholicisme « primaire » à la peinture de personnages catholiques investis d’une grande positivité morale et politique, il importe de n’être pas manichéen et d’admettre que ses romans laissent entrevoir la complexité des positions, ne les rabattent pas l’une sur l’autre et font parfois coexister deux options, anti- et pro- catholiques.

Research paper thumbnail of « Le monde noir américain dans la vie et l’œuvre d’Aragon (1920-1945) », Présence africaine : Revue culturel du monde noir, n° 187-188 : Éloge de l’écrivain, 2013, p. 315-327.

Au cours de la période 1920-1945, Aragon a eu des velléités d’approfondissement de la culture noi... more Au cours de la période 1920-1945, Aragon a eu des velléités d’approfondissement de la culture noire-américaine, à laquelle plusieurs facteurs le prédisposaient à s’intéresser : son expérience personnelle (la fréquentation des bars de Montmartre ou Montparnasse dans les années 1920) qu’il prête au personnage éponyme Aurélien, son goût pour la musique de jazz et sa connaissance d’artistes qu’il cite ou portraiture dans son œuvre (Ada “Bricktop” Smith ou Buddy Gilmore), sa proximité avec Nancy Cunard, activiste de la cause de l’égalité des noirs et des blancs, enfin son voyage aux USA en 1939 où il rencontra Langston Hughes et Richard Wright. Dans Aurélien, les deux artistes noirs évoqués, l’un fictif (Tommy), l’autre réel (René Maran), sont une manière de rendre hommage aux talents “nègres”. Quant à la discussion entre Paul Denis et Aurélien, elle oppose deux façons d’envisager la question « raciale » et restitue l’état d’esprit d’une époque marquée par le colonialisme et le racisme ordinaire. En rendant compte des divergences idéologiques des deux personnages et des structures mentales des hommes de leur génération, Aragon dénonce les conceptions racistes d’Aurélien, dont l’épilogue nous apprend qu’il apportera son soutien à Pétain en 1940.

Research paper thumbnail of « “Papa Aragon” et le “parti de la jeunesse” : Les Lettres françaises du 15 mai au 21 mai 1968 », Recherches croisees Aragon-Elsa Triolet n° 14 : « Les Lettres francaises », sous la direction de Maryse Vassevière et de Luc Vigier, Presses Universitaires de Strasbourg, 2013, p. 73-94.

Au moment où éclate Mai 1968, le divorce peut sembler total entre le PCF et une partie de la jeun... more Au moment où éclate Mai 1968, le divorce peut sembler total entre le PCF et une partie de la jeunesse étudiante. La fronde de l’Union des étudiants communistes (l’UEC) est récente (1965). Au printemps, plusieurs interventions publiques manifestèrent l’incompréhension du parti communiste devant les problèmes de la jeunesse et son mépris de la composante libertaire du « Mouvement du 22 mars » (Nanterre). Le printemps des étudiants a également été ignoré par Les Lettres françaises, moins par volonté délibérée, qu’en raison d’une concentration de l’énergie rédactionnelle sur la Tchécoslovaquie. Ouvrant les colonnes des Lettres françaises aux étudiants dans un numéro spécial paru le 15 mai 1968 (n° 1234), laissant de nombreux universitaires et ses collaborateurs s’exprimer librement, Aragon fait preuve d’une certaine audace politique. Mais au moment où le numéro paraît, la ligne du parti a déjà bougé et le numéro des Lettres françaises accompagne plutôt qu’il ne précède ou ne suscite cette évolution. Enfin, si Aragon y intervient en politique, sa parole, elle, n’est pas une parole politique. Il endosse l’habit du poète, se montre indulgent devant l’arrogance juvénile, et cite presque dans son intégralité l’épilogue des Poètes. « À vous de dire ce que je vois » : ce dernier vers du poème (et des Poètes), exprime le passage d’un relais. Le tombeau est aussi passage de flambeau.

Research paper thumbnail of « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ...» paru dans : Recherches Croisées Elsa Triolet/Aragon n° 4, Paris : Les Belles lettres, 1992, (Les Annales litteraires de l’Université de Besancon, n° 472 ; Serie “Linguistique et Semiotiques”, n° 17), p. 221-290.

Éditeur catholique, Albert Béguin fut à l’origine de la collection des Cahiers du Rhône qui publi... more Éditeur catholique, Albert Béguin fut à l’origine de la collection des Cahiers du Rhône qui publia d’Aragon : Les Yeux d’Elsa et Brocéliande en 1942. Dans quelles circonstances les deux hommes se rencontrèrent-ils en 1921 ? Comment se retrouvèrent-ils aux heures sombres de l’Occupation, dans le même souci de lutter contre le nazisme, par les moyens de la poésie ? Comment enfin cette étonnante relation entre le communiste et le catholique prit-elle fin au moment de la Guerre froide ? Vingt-trois lettres inédites d’Aragon à Albert Béguin, publiées dans cet article, révèlent la profondeur de l’accord et l’authenticité de l’amitié qui unirent un temps celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas.

Research paper thumbnail of Usines en textes, écritures au travail : Témoigner du travail au tournant du XXIe siècle, Classiques Garnier, 2015, 261 p.

Usines en textes, écritures au travail : Témoigner du travail au tournant du XXIe siècle, Classiques Garnier,, 2015

Usines en textes, écritures au travail aborde des textes aux statuts divers, qui se situent aux f... more Usines en textes, écritures au travail aborde des textes aux statuts divers, qui se situent aux frontières de la littérature et du document, de la fiction et du témoignage. De plus en plus nombreux dans le contexte d’une mise à mort du travail générée par le système économique actuel, les « récits d’expérience laborieuse » qui y sont étudiés ont pour caractéristique d’être assumés, dans une énonciation personnelle, par des « prolétaires » d’aujourd’hui c’est-à-dire des hommes ou des femmes ne disposant que de leur force de travail et accomplissant les tâches les plus basses. Les témoins du travail qui entendent ainsi faire connaître leurs expériences, et souvent dénoncer leurs conditions de travail, s’inscrivent parfois explicitement dans la lignée de leurs devanciers, les écrivains prolétaires des années 1930. Mais l’écriture prolétarienne se trouve aujourd’hui reconfigurée dans le contexte d’un engouement éditorial pour les « romans du travail » ou les « romans d’entreprise » et celui d’une transitivité que les formes fictionnelles contemporaines s’assignent de nouveau à elles-mêmes depuis le milieu des années 1980. Le « livre d’ouvrier » redevient alors, modestement, un « créneau porteur » dans le monde éditorial, situation dont ont profité plusieurs des auteurs étudiés. Marcel Durand, Jean-Pierre Levaray, Vincent de Raeve, Robert Piccamiglio ou Daniel Martinez se situent sur des positions allant du militantisme à l’individualisme le plus affiché, et adoptent des postures allant de l’écrivain en quête de reconnaissance, à celle de porte-parole d’une « classe fantôme ». Le témoin ouvrier peut aussi être celui qui, n’ayant jamais écrit, prend une parole offerte et recueillie par un écrivain ou un sociologue (tel C. Corouge). De leur côté, des écrivains partis à la rencontre d’ouvriers, souvent après leur licenciement, intervenant sur zones sinistrées en Lorraine ou dans le Nord (Daewoo, Metaleurop), tel François Bon, Jean-Paul Goux ou Frédéric H. Fajardie, entendent redonner voix au chapitre à ceux qui l’ont rarement, dans une démarche d’engagement politique ; ce faisant, ils découvrent aussi la complexité de la collecte et du partage de la parole d’autrui, dont l’analyse occupe le dernier chapitre du livre (La voix transcrite et la littérature). Les journalistes faisant état d’une immersion dans le monde d’en bas (Florence Aubenas par exemple) ont pour objectif de témoigner pour ceux qui devraient franchir un grand pas pour seulement entrer dans la langue. Des pratiques culturelles récentes, les ateliers d’écriture, apparaissent comme une nouvelle forme d’engagement pour l’écrivain qui les anime. Elles donnent lieu à de nombreux spectacles théâtraux, activité qui devient substitution, instrument de lutte ou exutoire pour ceux qui ont perdu leur emploi. Les anciens topoï de la condition ouvrière, ennui, fatigue et cadences, accidents et maladies, routine ou sentiment de perdre sa vie à la gagner, se conjuguent aujourd’hui à de nouveaux thèmes : la facilité due à la robotisation, mais aussi l’intensification des tâches, l’antagonisme entre précaires et titulaires dans le nouveau contexte de la « lutte des places » ou les restructurations constantes. Les « plans sociaux » décrivent un grignotage inéluctable des emplois industriels ; l’usine désaffectée ou peu à peu transformée en friches par fermeture successive des ateliers est ainsi entrée en littérature par le biais de ces témoignages. Les formes courtes, chronique, journal, fragments et nouvelles sont privilégiées, ce qui peut tenir aux conditions de production de ces textes (certains sont écrits à l’usine même). Les modèles génériques adoptés relèvent de l’écriture journalistique, du réalisme du récit et de la tranche de vie. La persistance du modèle réaliste, avec son alternance entre narration et dialogue, tient à son efficacité autant qu’à sa relative transparence dans le cadre d’un projet de transmission d’une expérience, dire le vrai revenant à faire vrai. Les « tribulations », terme utilisé dans le titre du best-seller d’Anna Sam, caissière de supermarché (Les Tribulations d’une caissière, 2008), servent à décrire des productions étudiées en contrepoint aux textes « ouvriers » : il connote le caractère léger, humoristique et souvent sans prétention littéraire, de textes plus formatés en vue d’un succès éditorial, et dont le jeunisme affiché et le style tranchent sur le « style ouvrier ». Ce dernier peut s’appuyer sur le style « plat » revendiqué aujourd’hui comme socle de l’écriture démocratique. S’il laisse parfois entrevoir des clichés issus de discours sociaux ou des tics d’écriture, il est souvent ostentation d’un langage non formaté, nos auteurs revendiquant le droit à une parole non policée qui entend restituer la violence dont sont victimes les ouvriers comme corps social. La vulgarité de la parlure autant que la critique de la novlangue revêtent alors un sens politique. Trois textes sont l’objet d’une attention particulière, Grain de sable sous le capot (Marcel Durand), pour sa verve rabelaisienne et l’humour qui s’en dégage, Chroniques des années d’usine, pour la poésie des « petits bonheurs » que Robert Piccamiglio insuffle au monde de l’usine, et Journal d’un manœuvre, où Thierry Metz parle moins du travail de chantier qu’il ne le réinvente comme expérience poétique.

Research paper thumbnail of Lecteurs et lectures des Communistes d’Aragon, Presses Universitaires Franc-Comtoises, coll. Annales Littéraires n° 687, Série « Linguistique et sémiotiques » n° 38, 2000, 323 p.

Lecteurs et lectures des Communistes d’Aragon, livre issu d’une thèse soutenue en 1992, élit le p... more Lecteurs et lectures des Communistes d’Aragon, livre issu d’une thèse soutenue en 1992, élit le point de vue de la réception pour aborder un texte romanesque en prise sur une époque. L’approche combine différentes disciplines : histoire contemporaine, histoire littéraire et analyse des discours. Aragon publie une première fois sous la forme de fascicules entre 1949 et 1951, ce roman à thèse dont la diégèse se situe de février 1939 à juin 1940. Il entreprendra, non de compléter ce roman selon le projet initial (couvrir la période de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’en 1945), mais de le récrire quinze ans plus tard, la seconde version paraissant en 1966. La comparaison des deux versions, sans être le propos central de l’ouvrage, est abordée à plusieurs reprises sur des points importants (par exemple le traitement du personnage de Orfilat-Nizan). La première partie (La réception et son contexte) s’attache à décrire le contexte historique, sociologique et discursif de la période de publication : en pleine Guerre froide, le PCF durcit ses positions idéologiques, tandis qu’Aragon défend un art de parti sous l’emblème du réalisme et de l’héroïsme national. La place du PCF dans la société française de l’époque, ainsi que ses positions en matière culturelle permettent de comprendre les enjeux de la rencontre manquée entre Aragon et ses lecteurs, en juin 1949 : la fiction et l’élaboration littéraire sont escamotées par les lecteurs du fait de l’illusion référentielle et d’une perspective identificatoire forte liée aux événements récents (persécution des communistes en 1939-1940, participation à la Résistance). La réception du texte est donc historiquement et idéologiquement marquée. Dans la deuxième partie (Le Discours des experts) l’analyse d’une soixantaine d’articles de presse (jusqu’alors non identifiés), émanant des intellectuels et des cadres du parti, dégage certaines constantes de la rhétorique communiste de l’époque. Outre la reconnaissance de militants qui s’y voient comme en un miroir élogieux, ce roman a été prétexte à une (re)définition du rôle de l’écrivain communiste et de la production attendue de lui. Ce discours militant est envisagé sur le plan énonciatif : une certaine rhétorique le caractérise, avec une présence très forte de l’ennemi, face auquel se met en place un « nous » communautaire. L’étude des articles non communistes, en nombre restreint, montre une réception plus contrastée, même si la même réduction s’y opère au profit du référentiel et de l’idéologique : le roman est le plus souvent tenu pour un ouvrage de propagande. En dernier lieu (troisième partie : La Lecture fictive dans Les Communistes), l’étude du roman est menée par une entrée inédite : celle du lecteur fictif, soit le personnage représenté en train de lire journaux ou romans. La lecture est en effet une situation narrative importante du roman. Les lectures fictives permettent de caractériser le personnage romanesque, dont elles constituent un des traits sémiotiques fondamentaux. Par ailleurs, elles font émerger les riches réseaux intertextuels qui travaillent en profondeur le roman sous les espèces de l’allusion, de la mention, de la citation, avec valeur d’évaluation plus ou moins directe, positive ou négative : intertextes littéraires ou historiques, ils peuvent devenir des éléments de la psyché du personnage. Dans le même temps, les lectures fictives se posent comme lieu d’insertion de l’idéologique, puisque les personnages évaluent leur lecture. C’est donc la “ligne” du Parti qui s’inscrit de la sorte dans le roman, tandis que le lecteur fictif propose un modèle de comportement et d’actions au lecteur réel. Pourtant, le discours romanesque, en dépit de l’engagement et de l’ambition didactique qu’il revendique n’est pas monolithique : il élabore un patchwork, un univers langagier à la croisée des discours et des opinions publiques de la drôle de guerre. Le livre comporte une bibliographie, un index des noms propres et titres de journaux et de publications périodiques cités, ainsi d’une annexe (tableau de correspondances entre les deux versions du roman).

Research paper thumbnail of LAMEN, la LAngue du Management et de l’Économie à l’ère Néo-libérale

La Langue du management et de l’économie à l’ère néo-libérale : formes sociales et littéraires, Presses universitaires de Strasbourg, 2015

Catherine Vuillermot-Febvet et moi-même proposons un nouvel acronyme pour désigner un certain sec... more Catherine Vuillermot-Febvet et moi-même proposons un nouvel acronyme pour désigner un certain secteur de la langue contemporaine, à la suite de V. Klemperer et d'E. Hazan.

Research paper thumbnail of Mémoires de l’événement : Transmissions et constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècles)

Mémoires de l’événement : Transmissions et constructions littéraires des faits historiques (XIXe-... more Mémoires de l’événement : Transmissions et constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècles), sous la dir. de Corinne Grenouillet et d'A. Mangeon, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Configurations littéraires », 2020.

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Livre en ligne ici : https://books.openedition.org/pus/7226 Aragon, trente ans après, sous la di... more Livre en ligne ici : https://books.openedition.org/pus/7226

Aragon, trente ans après, sous la dir. d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principalli-Richard, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet », n° 15, 2014, 276 p.

Research paper thumbnail of Le Rayonnement international d’Aragon : un premier état des lieux

Le Rayonnement international d’Aragon : un premier état des lieux, sous la direction d'Erwan Ca... more Le Rayonnement international d’Aragon : un premier état des lieux, sous la direction d'Erwan Caulet, Corinne Grenouillet et Patricia Principalli-Richard, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet », n° 16, 2018, 288 p.

Research paper thumbnail of Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet numéros  9, 10, 11, 12, 13, 14

Presses universitaires de Strasbourg, 2001

Ces ouvrages sont en accès ouvert sur Open edition : https://books.openedition.org/

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Éditions du temps, 2002

Huit études sur Les Voyageurs de l’impériale [en collaboration avec Hervé Bismuth et Luc Vigier, ... more Huit études sur Les Voyageurs de l’impériale [en collaboration avec Hervé Bismuth et Luc Vigier, ouvrage coordonné par Corinne Grenouillet], Éditions du Temps, 2002, 160 p.