Vanessa Rose | Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne (original) (raw)
Talks by Vanessa Rose
Musée du Louvre/Sorbonne-Université, 2019
Cette intervention propose de revenir sur le lien entre matière et pouvoir en questionnant les cé... more Cette intervention propose de revenir sur le lien entre matière et pouvoir en questionnant les céramiques architecturales du monde islamique. En effet, cette technique apparaît en islam au IX e siècle dans les palais du calife, puis la technique se développe et se diffuse dans l'empire. Cependant, les techniques employées, coûteuses et fastueuses, en font une matière réservée à certaines catégories sociales ou au souverain. Son usage est conditionné aux cités sièges du pouvoir mais la céramique architecturale peut également être uti-lisée comme cadeau diplomatique. Ce matériau, marqueur de richesse et de technologie, circule de façon restreinte. Nous proposons d'étudier en ce sens plusieurs exemples significatifs pris dans les mondes arabes, ottoman et persan, allant du Moyen-Age au XIX e siècle, retraçant ainsi l'histoire de cette technique liée au pouvoir dans le monde islamique. Au IX e siècle apparaissent à Samarra (Iraq), capitale de l'empire abbasside, les premières céramiques ar-chitecturales. Ce medium extrêmement raffiné offre de multiples facettes, des décors variés et utilise la technique du lustre métallique parant de reflets métalliques et colorés les murs du palais du calife. En effet, cette technologie est réservée au seul usage du calife qui en a l'exclusivité et participe à sa renommée et son prestige. Le matériel se diffuse à partir de la capitale notamment par le biais de cadeaux du souverain. C'est ainsi que le mihrab de la grande mosquée de Kairouan (Tunisie) reçoit son décor unique de carreaux lustrés. Au XV e comme au XVI e siècle sous l'empire Ottoman, la production de céramique architecturale se fait le reflet des jeux de pouvoir qui se trament entre puissances voisines. Au fil des conquêtes de leurs dirigeants, les artisans les plus fameux se voient contraints à une vie de nomadisme, dispensant leur savoir-faire de cour en cour tout en s'enrichissant des techniques locales. Les analyses archéométriques menées en laboratoires sur des céramiques à décors de glaçures colorées nous en disent long sur ces transferts stylistiques et techniques , et sur leur appropriation par les ateliers ottomans, dont les fameux ateliers d'Iznik, et leur évolution locale. Au XIX e siècle, sous l'influence du romantisme et de la révolution industrielle, les voyages en Orient se multi-plient. L'Europe découvre les arts de l'Islam, et en particulier les céramiques architecturales caractéristiques du monde iranien. Collecter et étudier ces carreaux devient, pour les musées européens, un enjeu majeur. Diplomates, scientifiques, marchands sont convoqués dans cette entreprise, et un véritable marché se met en place, caractérisé par une concurrence de plus en plus forte et par l'apparition de faux et d'imitations. Après avoir marqué l'importance des souverains, la céramique architecturale devient donc un élément central dans le savoir que construit alors l'Europe sur des mondes qu'elle désire dominer et qui nourrissent ses désirs. Ces différents aspects mettront en lumière le contexte de création de ces céramiques architecturales, les techniques employées, leur usage et leur impact sans précédent dans le domaine des arts décoratifs. Leur impact fut au-delà des frontières du monde islamique, leur technique pare les plus beaux monuments, des côtes persiques à la Méditerranée occidentale jusqu'en Europe du Nord. Leur collecte est recherchée par nombre de collectionneurs qui s'approprient ainsi un morceau de cette matière noble, apanage du souverain.
Si la pratique de la collection est ancienne, celle des circulations et transferts de biens cultu... more Si la pratique de la collection est ancienne, celle des circulations et transferts de biens culturels l'est aussi, notamment grâce au développement de la pratique archéologique. Au début du XX e siècle, les fouilles se multiplient et un traitement scientifique des découvertes et des données émerge. Les empires coloniaux euro-péens se partagent de grandes aires géographiques riches en patrimoine qu'ils exploitent en quête de vestiges des civilisations antiques et de biens qui font l'objet d'un intérêt nouveau comme les arts de l'Islam. Si les voyageurs s'étaient intéressés depuis longtemps aux pays d'Islam, leur intérêt archéologique se développe. Ainsi, en Iraq, les archéologues se pressent. Le pays est sous domination ottomane et les archéologues eu-ropéens connaissent les civilisations millénaires de la Mésopotamie mais découvrent également les vestiges abbassides de l'Islam médiévale. C'est le cas de la capitale éphémère de l'empire abbasside, Samarra, lieu connu des voyageurs européens depuis le XIX e siècle et site archéologique dès le début du XX e siècle. La capitale oubliée, construite entre 836 et 892, devient l'enjeu d'une bataille entre Français et Allemands qui revendiquent l'exclusivité de la fouille aux autorités ottomanes. Si le français Henry Viollet est le premier à fouiller en 1909, l'équipe allemande d'Ernst Herzfeld et Friedrich Sarre remporte les droits dès 1910. Le palais califal somptueux révèle des trésors d'arts décoratifs : peintures, stucs, nacres, verres, bois… Les artefacts révélés sont stockés en Iraq, certains partent pour l'Allemagne tandis qu'une partie est prélevée par les autorités ottomanes sur place. Mais la première guerre mondiale se déclenche après plusieurs campagnes de fouilles fructueuses et les biens sont saisis par les Britanniques qui prennent le contrôle de l'Iraq. Les caisses sont acheminées à Basra puis partent pour Londres. Des caisses sont perdues, égarées, oubliées… les autres arrivent dans la capitale britannique après la guerre. Les biens sont considérés comme des saisies des biens allemands. La question se pose de leur devenir et c'est finalement le gouvernement qui prendra la décision de répartir ces biens dans les grandes collections occidentales. Dans le jeu des relations géopolitiques et de ses bouleversements au lendemain de la grande guerre, les collections occidentales se répartissent les biens saisis par le biais de dons et d'échange de pièces. Si cette répartition est encore problématique quant à ses termes exacts, la seconde guerre mondiale rebat les cartes et brouille encore la dispersion de cette collection, puis la guerre froide achève de perdre la trace de certaines pièces. En effet, les mouvements politiques et les guerres qui ont affecté le monde et les grandes puissances européennes au cours de la première moitié du XX e siècle essentiellement ont transformé le visage des collections. Les collections ont été échangées, dispersées, perdues… De leur création à leurs fouilles et à leurs lieux actuels d'exposition, l'histoire est mouvementée. Cette communication proposera d'étudier la constitution de cette collection présente dans de nombreux pays aujourd'hui dans des quantités et des qualités très aléatoires et qui expose les enjeux de la collection publique et ses fortunes historiques et politiques. Elle est à la fois représentative des débuts de l'archéologie mais aussi de la naissance des collections constituées au début du XX e siècle et de leur nouveau visage dans la seconde moitié du XX e siècle. Cette collection est aussi le récit d'une histoire, celle des arts décoratifs palatiaux en Islam, et permet aujourd'hui leur étude et leur compréhension.
Musée du Louvre/Sorbonne-Université, 2019
Cette intervention propose de revenir sur le lien entre matière et pouvoir en questionnant les cé... more Cette intervention propose de revenir sur le lien entre matière et pouvoir en questionnant les céramiques architecturales du monde islamique. En effet, cette technique apparaît en islam au IX e siècle dans les palais du calife, puis la technique se développe et se diffuse dans l'empire. Cependant, les techniques employées, coûteuses et fastueuses, en font une matière réservée à certaines catégories sociales ou au souverain. Son usage est conditionné aux cités sièges du pouvoir mais la céramique architecturale peut également être uti-lisée comme cadeau diplomatique. Ce matériau, marqueur de richesse et de technologie, circule de façon restreinte. Nous proposons d'étudier en ce sens plusieurs exemples significatifs pris dans les mondes arabes, ottoman et persan, allant du Moyen-Age au XIX e siècle, retraçant ainsi l'histoire de cette technique liée au pouvoir dans le monde islamique. Au IX e siècle apparaissent à Samarra (Iraq), capitale de l'empire abbasside, les premières céramiques ar-chitecturales. Ce medium extrêmement raffiné offre de multiples facettes, des décors variés et utilise la technique du lustre métallique parant de reflets métalliques et colorés les murs du palais du calife. En effet, cette technologie est réservée au seul usage du calife qui en a l'exclusivité et participe à sa renommée et son prestige. Le matériel se diffuse à partir de la capitale notamment par le biais de cadeaux du souverain. C'est ainsi que le mihrab de la grande mosquée de Kairouan (Tunisie) reçoit son décor unique de carreaux lustrés. Au XV e comme au XVI e siècle sous l'empire Ottoman, la production de céramique architecturale se fait le reflet des jeux de pouvoir qui se trament entre puissances voisines. Au fil des conquêtes de leurs dirigeants, les artisans les plus fameux se voient contraints à une vie de nomadisme, dispensant leur savoir-faire de cour en cour tout en s'enrichissant des techniques locales. Les analyses archéométriques menées en laboratoires sur des céramiques à décors de glaçures colorées nous en disent long sur ces transferts stylistiques et techniques , et sur leur appropriation par les ateliers ottomans, dont les fameux ateliers d'Iznik, et leur évolution locale. Au XIX e siècle, sous l'influence du romantisme et de la révolution industrielle, les voyages en Orient se multi-plient. L'Europe découvre les arts de l'Islam, et en particulier les céramiques architecturales caractéristiques du monde iranien. Collecter et étudier ces carreaux devient, pour les musées européens, un enjeu majeur. Diplomates, scientifiques, marchands sont convoqués dans cette entreprise, et un véritable marché se met en place, caractérisé par une concurrence de plus en plus forte et par l'apparition de faux et d'imitations. Après avoir marqué l'importance des souverains, la céramique architecturale devient donc un élément central dans le savoir que construit alors l'Europe sur des mondes qu'elle désire dominer et qui nourrissent ses désirs. Ces différents aspects mettront en lumière le contexte de création de ces céramiques architecturales, les techniques employées, leur usage et leur impact sans précédent dans le domaine des arts décoratifs. Leur impact fut au-delà des frontières du monde islamique, leur technique pare les plus beaux monuments, des côtes persiques à la Méditerranée occidentale jusqu'en Europe du Nord. Leur collecte est recherchée par nombre de collectionneurs qui s'approprient ainsi un morceau de cette matière noble, apanage du souverain.
Si la pratique de la collection est ancienne, celle des circulations et transferts de biens cultu... more Si la pratique de la collection est ancienne, celle des circulations et transferts de biens culturels l'est aussi, notamment grâce au développement de la pratique archéologique. Au début du XX e siècle, les fouilles se multiplient et un traitement scientifique des découvertes et des données émerge. Les empires coloniaux euro-péens se partagent de grandes aires géographiques riches en patrimoine qu'ils exploitent en quête de vestiges des civilisations antiques et de biens qui font l'objet d'un intérêt nouveau comme les arts de l'Islam. Si les voyageurs s'étaient intéressés depuis longtemps aux pays d'Islam, leur intérêt archéologique se développe. Ainsi, en Iraq, les archéologues se pressent. Le pays est sous domination ottomane et les archéologues eu-ropéens connaissent les civilisations millénaires de la Mésopotamie mais découvrent également les vestiges abbassides de l'Islam médiévale. C'est le cas de la capitale éphémère de l'empire abbasside, Samarra, lieu connu des voyageurs européens depuis le XIX e siècle et site archéologique dès le début du XX e siècle. La capitale oubliée, construite entre 836 et 892, devient l'enjeu d'une bataille entre Français et Allemands qui revendiquent l'exclusivité de la fouille aux autorités ottomanes. Si le français Henry Viollet est le premier à fouiller en 1909, l'équipe allemande d'Ernst Herzfeld et Friedrich Sarre remporte les droits dès 1910. Le palais califal somptueux révèle des trésors d'arts décoratifs : peintures, stucs, nacres, verres, bois… Les artefacts révélés sont stockés en Iraq, certains partent pour l'Allemagne tandis qu'une partie est prélevée par les autorités ottomanes sur place. Mais la première guerre mondiale se déclenche après plusieurs campagnes de fouilles fructueuses et les biens sont saisis par les Britanniques qui prennent le contrôle de l'Iraq. Les caisses sont acheminées à Basra puis partent pour Londres. Des caisses sont perdues, égarées, oubliées… les autres arrivent dans la capitale britannique après la guerre. Les biens sont considérés comme des saisies des biens allemands. La question se pose de leur devenir et c'est finalement le gouvernement qui prendra la décision de répartir ces biens dans les grandes collections occidentales. Dans le jeu des relations géopolitiques et de ses bouleversements au lendemain de la grande guerre, les collections occidentales se répartissent les biens saisis par le biais de dons et d'échange de pièces. Si cette répartition est encore problématique quant à ses termes exacts, la seconde guerre mondiale rebat les cartes et brouille encore la dispersion de cette collection, puis la guerre froide achève de perdre la trace de certaines pièces. En effet, les mouvements politiques et les guerres qui ont affecté le monde et les grandes puissances européennes au cours de la première moitié du XX e siècle essentiellement ont transformé le visage des collections. Les collections ont été échangées, dispersées, perdues… De leur création à leurs fouilles et à leurs lieux actuels d'exposition, l'histoire est mouvementée. Cette communication proposera d'étudier la constitution de cette collection présente dans de nombreux pays aujourd'hui dans des quantités et des qualités très aléatoires et qui expose les enjeux de la collection publique et ses fortunes historiques et politiques. Elle est à la fois représentative des débuts de l'archéologie mais aussi de la naissance des collections constituées au début du XX e siècle et de leur nouveau visage dans la seconde moitié du XX e siècle. Cette collection est aussi le récit d'une histoire, celle des arts décoratifs palatiaux en Islam, et permet aujourd'hui leur étude et leur compréhension.
Histoire de l’art, 2022
Le site de Samarra en Irak, fut la capitale du califat abbasside entre 836 et 892. Les premières ... more Le site de Samarra en Irak, fut la capitale du califat abbasside entre 836 et 892. Les premières fouilles du site entre 1910 et 1913 sont réalisées par Henry Viollet puis Ernst Herzfeld qui rassemblent un important matériel archivistique et artistique. Documents et matériel de fouilles sont depuis dispersés. Ils demeurent largement inédits et permettent d'étudier le site malgré un terrain inaccessible. Ce matériel doit être rassemblé et croisé pour compléter la connaissance du site et plus largement écrire l'histoire de l'art des premiers siècles de l'Islam. Les données archéologiques, archivistiques et le matériel désormais dans les musées permettent de contextualiser et restituer la vie et la culture abbassides et l'évolution des techniques. Les archives offrent également un nouveau regard sur les débuts de la discipline de l'archéologie islamique.
Beiträge zur Islamischen Kunst und Archäologie Jahrbuch der Ernst Herzfeld-Gesellschaft e.V. Vol. 7, 2021
by Routes de L'Orient, JULIE BESSENAY-PROLONGE, Mathilde Mura, Jean-Jacques Herr, Salvatore Garfi, Karel Nováček, Lucie Robert, Vanessa Rose, Jérémie Schiettecatte, Gaëlle Thévenin, Zoé Vannier, and Amaury Havé
Archaeology of Conflict / Archaeology in Conflict, Jun 30, 2019
Archéologie des Conflits / Archéologie en Conflit - Documenter la Destruction au Moyen-Orient et ... more Archéologie des Conflits / Archéologie en Conflit - Documenter la Destruction au Moyen-Orient et en Asie Centrale
Archaeology of Conflict / Archaeology in Conflict - Documenting Destruction of Cultural Heritage in the Middle-East and Central Asia
Edited by Julie Bessenay-Prolonge, Jean-Jacques Herr, Mathilde Mura
Full HD pdf freely available on : https://rdorient.hypotheses.org/1030
Archaeology of Conflict / Archaeology in Conflict - Documenting Destruction of Cultural Heritage in the Middle-East and Central Asia, Routes de l’Orient , 2019
Annales islamologiques, 2017