MOLLY SANDERS | Université Paris 7- Diderot (original) (raw)
Papers by MOLLY SANDERS
Partis de Guayaquil le 14 août 1836, nous arrivâmes en vue de l'île d'Hawaii (Owhyhee), dans la n... more Partis de Guayaquil le 14 août 1836, nous arrivâmes en vue de l'île d'Hawaii (Owhyhee), dans la nuit du 29 septembre. Depuis le matin nos yeux se portaient avec impatience dans la direction où nous supposions que l'île devait se trouver. A en croire les relations de tous les voyageurs, nous devions apercevoir, à une très grande distance, le sommet du Mouna Roa, cette montagne dont la cime mystérieuse n'avait depuis lui été visitée par aucun Européen. Il entrait dans les projets de notre relâche d'explorer ses gorges presque inaccessibles, de franchir les neiges qui la couronnent, et d'aller inscrire nos noms sur le pic le plus élevé ; c'était là, dans les derniers jours qui précédèrent notre arrivée, l'objet de presque tous nos entretiens. En vain les relations que nous avions sous les yeux nous citaient-elles les nombreux accidens auxquels nous allions nous trouver exposés ; en vain nous disait-on qu'un naturaliste anglais, M. Douglas, avait péri, dans une entreprise anglais, homme d'affaires de la dame Kapiolani, chef de ce district, vint nous annoncer que sa maîtresse était prête à nous recevoir ; nous nous empressâmes de nous rendre aux désirs de la noble dame, et nous la trouvâmes assise en dehors de la clôture qui entoure sa maison, à l'ombre d'un arbre à pain. C'était une femme de cinquante ans environ, d'une taille colossale, cinq pieds huit ou dix pouces au moins, très grasse et fort laide ; elle nous reçut très poliment. J'hésitai un instant si, suivant ce que j'avais lu dans les voyages de Cook, je ne la saluerais pas à l'ancienne mode du pays, en frottant mon nez contre le sien ; je cherchai dans ses gestes si quelque chose ne m'indiquerait pas que ce fût là son désir ; mais, ne remarquant rien dans son attitude qui me rendît le salut hawaiien obligatoire, je me contentai de prendre la main qu'elle m'offrit. Des siéges, de véritables chaises européennes, nous furent apportés, et nous nous assîmes autour de Kapiolani ; cinq ou six femmes d'honneur, vêtues d'immenses sacs qu'on appelle robes à Hawaii, et dans lesquelles elles semblaient fort embarrassées, se tenaient sur l'arrière-plan ; tout à l'entour de nous, la population de Kaava-Roa était étendue à plat ventre sur les rochers, le menton supporté par les deux mains, et attachant sur nous des regards fixes. Kapiolani était complètement vêtue à l'européenne ; une robe de mousseline anglaise à fleurs, une ceinture de soie bleue, des souliers, composaient sa toilette ; deux peignes d'écaille retenaient ses cheveux ; elle avait aux doigts trois ou quatre grosses bagues d'argent. Quant à la population qui nous entourait, c'était bien le plus bizarre assemblage qu'on pût voir : l'un avait pour tout vêtement un gilet sans boutons, celui-ci une chemise, celui-là un pantalon ; la plupart étaient nus, ne portant autour des reins
Partis de Guayaquil le 14 août 1836, nous arrivâmes en vue de l'île d'Hawaii (Owhyhee), dans la n... more Partis de Guayaquil le 14 août 1836, nous arrivâmes en vue de l'île d'Hawaii (Owhyhee), dans la nuit du 29 septembre. Depuis le matin nos yeux se portaient avec impatience dans la direction où nous supposions que l'île devait se trouver. A en croire les relations de tous les voyageurs, nous devions apercevoir, à une très grande distance, le sommet du Mouna Roa, cette montagne dont la cime mystérieuse n'avait depuis lui été visitée par aucun Européen. Il entrait dans les projets de notre relâche d'explorer ses gorges presque inaccessibles, de franchir les neiges qui la couronnent, et d'aller inscrire nos noms sur le pic le plus élevé ; c'était là, dans les derniers jours qui précédèrent notre arrivée, l'objet de presque tous nos entretiens. En vain les relations que nous avions sous les yeux nous citaient-elles les nombreux accidens auxquels nous allions nous trouver exposés ; en vain nous disait-on qu'un naturaliste anglais, M. Douglas, avait péri, dans une entreprise anglais, homme d'affaires de la dame Kapiolani, chef de ce district, vint nous annoncer que sa maîtresse était prête à nous recevoir ; nous nous empressâmes de nous rendre aux désirs de la noble dame, et nous la trouvâmes assise en dehors de la clôture qui entoure sa maison, à l'ombre d'un arbre à pain. C'était une femme de cinquante ans environ, d'une taille colossale, cinq pieds huit ou dix pouces au moins, très grasse et fort laide ; elle nous reçut très poliment. J'hésitai un instant si, suivant ce que j'avais lu dans les voyages de Cook, je ne la saluerais pas à l'ancienne mode du pays, en frottant mon nez contre le sien ; je cherchai dans ses gestes si quelque chose ne m'indiquerait pas que ce fût là son désir ; mais, ne remarquant rien dans son attitude qui me rendît le salut hawaiien obligatoire, je me contentai de prendre la main qu'elle m'offrit. Des siéges, de véritables chaises européennes, nous furent apportés, et nous nous assîmes autour de Kapiolani ; cinq ou six femmes d'honneur, vêtues d'immenses sacs qu'on appelle robes à Hawaii, et dans lesquelles elles semblaient fort embarrassées, se tenaient sur l'arrière-plan ; tout à l'entour de nous, la population de Kaava-Roa était étendue à plat ventre sur les rochers, le menton supporté par les deux mains, et attachant sur nous des regards fixes. Kapiolani était complètement vêtue à l'européenne ; une robe de mousseline anglaise à fleurs, une ceinture de soie bleue, des souliers, composaient sa toilette ; deux peignes d'écaille retenaient ses cheveux ; elle avait aux doigts trois ou quatre grosses bagues d'argent. Quant à la population qui nous entourait, c'était bien le plus bizarre assemblage qu'on pût voir : l'un avait pour tout vêtement un gilet sans boutons, celui-ci une chemise, celui-là un pantalon ; la plupart étaient nus, ne portant autour des reins