Nicolas Fernandez-Bouveret | Université Toulouse II Jean Jaurès (original) (raw)

Drafts by Nicolas Fernandez-Bouveret

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture : Ogunbadejo, Oye. « Soviet Policies in Africa ». African Affairs 79, nᵒ 316. 1980. p. 297-325.

En 1980, alors que l’Union soviétique vient, en une décennie, de prendre une influence de premier... more En 1980, alors que l’Union soviétique vient, en une décennie, de prendre une influence de premier ordre sur le continent africain, Oye Ogunbadejo, maître de conférence au Département des Sciences politiques de l’Université d’Ife au Nigeria, rédige un article analysant l’intérêt porté par la grande puissance communiste pour l’Afrique. Publié par les Presses universitaires d’Oxford dans les African Affairs, l’article d’Oye Ogunbadejo explique, d’un point de vue africain et éloigné de la logique des blocs, la stratégie soviétique en Afrique durant les années khrouchtchéviennes et brejnéviennes.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture : Norbert Elias. La Société des individus. Francfort, Suhrkamp, 1987 (trad. Paris, Fayard, 1991).

La Société des individus, publiée en allemand en 1987, condense, au détour de trois textes datant... more La Société des individus, publiée en allemand en 1987, condense, au détour de trois textes datant respectivement de 1939, des années 1940 – 1950 et de 1987, l’évolution de la pensée socio-historique de Norbert Elias. L’auteur du diptyque consacré au processus de civilisation, de La Civilisation des mœurs à La Dynamique de l’Occident, entend sortir de l’impasse idéologique et conceptuelle des « deux sociologies » de son époque, ballottées entre holisme et individualisme, pour proposer une théorie fondée sur le temps long et les processus d’interdépendances. Ainsi, en décrivant cette dynamique d’interdépendance entre les individus composant toute société humaine, Elias ambitionne de dépasser la dichotomie entre « individu » et « société ». Il défend que c’est l’inscription de l’individu dans un réseau de relations qui confère à l’être humain sa nature d’« être social […] qui a besoin de la société des autres hommes ». Dialectiquement, si une société donnée conditionne l’habitus social des êtres qui la forme, ces individus contribuent à l’évolution historique de celle-là.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture :  Piero Gleijeses. Conflicting Missions: Havana, Washington, and Africa, 1959-1976.  Chapel Hill, NC: University of North Carolina Press, 2002.

En 2002, Piero Gleijeses écrivit un chapitre auparavant relativement méconnu de l’histoire contem... more En 2002, Piero Gleijeses écrivit un chapitre auparavant relativement méconnu de l’histoire contemporaine de Cuba. A l’orée du nouveau millénaire, alors que l’effondrement de l’Union soviétique faisait poindre une chimérique « fin de l’histoire », les historiens s’attelaient à réécrire et repenser les évènements ayant fait trébucher la marche de l’Humanité au long du « court XXe siècle. » Les grandes eschatologies ayant été balayées, et la logique des grands récits déshérités, pour un temps, il s’agissait, pour de nombreux historiens, de « repenser l’histoire de la Guerre Froide » dans une perspective téléologique. Dialectiquement, toute thèse crée les conditions intellectuels propices à la naissances de son antithèses. A la croisée des siècles, au matin des années 2000, une historiographie désireuse de remettre en cause ce renouveau du millénarisme, posa la question de l’objectivité et de la pertinente scientifique de ce postulat. Et si, comme l’affirmait Alfred Grosser, l’Histoire de la Guerre Froide écrite alors représentait, de facto, une « histoire des vainqueurs ? » C’est dans cette perspective critique que Piero Gleisejes écrivit son ouvrage Conflicting Missions: Havana, Washington, and Africa, 1959-1976.

Research paper thumbnail of Compte rendu de lecture :  FURET François, « Histoire quantitative et construction du fait historique », Annales ESC, 26-1, 1971, p. 63-75.

En 1971, François Furet publia dans la célèbre revue Annales. Économies, sociétés, civilisations,... more En 1971, François Furet publia dans la célèbre revue Annales. Économies, sociétés, civilisations, un article de réflexion historiographique, nommé « L'histoire quantitative et la construction du fait historique », consacré à cette méthode de « description des phénomènes historiques » qui connaît alors, selon les termes de M.-N. Borghetti, son « apogée ». Furet fut, selon l’historien américain M. S. Christofferson, « l’historien de la Révolution [française] le plus influent de sa génération ». Figure emblématique du renouveau historiographique libéral concernant les événements révolutionnaires et leurs héritages idéologiques, celui-ci s’opposa à l’historiographie classique, « jacobino-marxiste », de la Révolution. En outre, ses travaux voient dans le « dérapage » des années jacobines les prémisses du totalitarisme stalinien. Selon E. Nolte, Furet, apporta, qui plus est, une nouvelle « compréhension historico-génétique » des phénomènes totalitaires du XXe siècle, voyant dans les fascismes italiens et allemands des réactions au communisme soviétique. Alors qu’il publie cet article, Furet ne fait que commencer à avoir l’aura qu’il eut, par la suite, dans les milieux intellectuels. A travers le présent article, il s’agit, pour F. Furet, de constituer une analyse critique de l’histoire quantitative ; histoire fondée, selon la définition de M.-N. Borghetti sur « la collecte d’observations et de données mesurables. »

Research paper thumbnail of Compte rendu d’article COX Kevin, « Une lecture anglophone et marxiste », EspacesTemps.net, Livres, 20.11.2006.

En 2006, Kevin Cox présenta sur EspacesTemps.net1 – une revue scientifique interdisciplinaire aya... more En 2006, Kevin Cox présenta sur EspacesTemps.net1 – une revue scientifique interdisciplinaire ayant pour champ d’étude principal les sciences sociales – une lecture critique du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés dirigé par les géographes français Jacques Lévy et Michel Lussault.2 Kevin Cox est un éminent géographe, professeur émérite de géographie à l’université d’Ohio. Affirmant lui-même que « le marxisme constitue l’élément structurant de [sa] vie intellectuelle »3, il s’est spécialisé dans l’étude de la géographie politique urbaine dans les sociétés capitalistes avancées, des relations entre échelle et politique dans le cadre de la mondialisation, de l’économie politique sud-africaine, de l’épistémologie de la discipline géographique et, plus récemment, dans l’étude de la politique du développement local. Il s’agit pour le géographe, à travers cette publication, de délivrer une lecture critique d’un point de vue anglophone et marxiste du Dictionnaire précédemment cité. Relevant les qualités et l’intérêt intrinsèque de l’ouvrage pour un géographe anglo-saxon, Kevin Cox émet, a fortiori, deux critiques majeures concernant une relative ignorance, de la part des auteurs, de la « géographie spatiale-quantitative », ainsi que leurs conceptions quelque peu caricaturales, selon lui, de la géographie marxiste dont-il se réclame.

Research paper thumbnail of Le Prince et l'écrit (XIIe - XIVe siècle)

Le Moyen Âge central ouest-européen voit défiler des souverains, des princes, des rois, dont l’or... more Le Moyen Âge central ouest-européen voit défiler des souverains, des princes, des rois, dont l’oreille semble perpétuellement à l’écoute du cœur, encore battant, de Salomon. Le roi biblique y fait figure d’exemple parmi les exemples, celui du roi sage.
Le système féodal se résorbe face à la centralisation croissante du pouvoir au sein d’États à la tête desquels trône la figure du Prince. Cette centralisation du pouvoir est corrélative, vectrice et, en même temps, impulsée par ce que J. Le Goff et J. Verger conceptualisèrent comme une « Renaissance du XIIe siècle » ; période durant laquelle les historiens voient poindre une « révolution de l’écrit », une véritable mutation qualitative et quantitative des écrits. Le recours à l’écrit pour gouverner s’intensifie. L’usage pragmatique de l’écrit se renforce. La culture lettrée devient un élément clé de la domination sociale d’une élite lettrée. A la tête de cette élite, la figure du Prince, monarque – en Angleterre, en France, dans la Péninsule Ibérique et en Sicile – ou théocrate – dans les États pontificaux – se doit de comprendre l’importance de l’écrit afin de légitimer son pouvoir. Comme l’explique J. Morsel, « l’écrit renforce la position de domination de la couche écrivante sur la couche muette », mais le Prince, trônant au-dessus de cette couche dominante, doit légitimer son pouvoir par une excellence certaine dans sa maîtrise de la culture écrite.

Research paper thumbnail of Les cultes publics dans les cités de l’Italie et des provinces (218 av. J.-C. - 250 apr. J.-C.)

A. Bertrand qualifia, dans une formule oxymorique, l’horizon cultuel des colonies italiennes et p... more A. Bertrand qualifia, dans une formule oxymorique, l’horizon cultuel des colonies italiennes et provinciales comme étant à la fois « si loin » et « si proche » de Rome. (« Si loin, si proches ? L’horizon romain des colonies italiennes et provinciales au prisme de la religion, de la deuxième guerre punique à l’empire des Sévères », Pallas, 2019) Grâce à cette formule, l’historienne entend démontrer que, malgré l’éloignement géographique, les colonies, fruits de l’impérialisme romain, sont dotées de structures religieuses semblables.
De la politique expansionniste romaine découla la constitution de colonies et de municipes. Si leur mise en place constitue, dans les deux cas, le fruit de conquêtes, ces deux termes désignent deux organisations municipales différentes. Une colonie était une cité fondée par Rome sur des terres confisquées au peuple vaincu et redistribuées à des colons. Les colonies pouvaient être romaines et latines. Dans le premier cas, des citoyens romains, conservant leur citoyenneté romaine, la peuplait. Dans le second cas, les habitants avaient la citoyenneté latine et seule l’exercice des magistratures ouvrait les portes de la citoyenneté romaine. Une municipe, quant à elle, était une cité qui, bien qu’annexée par l’Urbs, conservait une grande autonomie. Suite à la guerre sociale (90 – 88 av. n.è..), les cités italiennes devinrent progressivement des municipes. A partir du Ier siècle, les municipes crées furent foncièrement régies par le droit latin. Ces cités étaient dotées de « polis-religion », selon le concept de R. Gordon (« Religion in the Roman Empire. The Civic Compromise and its Limits », dans M. Beard, J. North (dir.), Pagan Priests ? Religion and Power in the Ancient World, Londres, 1990). Elles pratiquaient leurs religions civiques propres, matérialisées par des cultes publics, perçus comme fondamentaux dans l’exercice de leur pietas, leur piété collective. La période étudiée dans la présente analyse s’étendra de – 218 av. de n.è. et le début de la deuxième guerre punique à 250 de n.è. et la réaffirmation de l’importance du culte impérial par l’empereur Trajan Dèce.

Research paper thumbnail of Travail et travailleuses en Europe occidentale (1830 - 1930)

L’historiographie consacrée à la place de la femme dans le monde du travail, apparue à l’orée des... more L’historiographie consacrée à la place de la femme dans le monde du travail, apparue à l’orée des années 1970, cherche à mettre la lumière sur une question longtemps occultée par les historiens : « la surexploitation des femmes cantonnées dans des secteurs spécifiques […] et sous payés », comme l’explique F. Thébaud (Écrire l’histoire des femmes et du genre. ENS, Lyon, 2007). Depuis ce renouveau historiographique, de nombreuses historiennes et historiens se sont emparés de la question des enjeux de genre au travail.
Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, le travail constitue une « activité humaine exigeant un effort soutenu, qui vise à la modification des éléments naturels, à la création et/ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées ». Malédiction décriée par les Anciens, de la tripartition médiévale, consacrant l’infériorité des laboratores, à la généalogie nietzschéenne, le travail devient, à l’orée du XIXe siècle et de ce que l’historiographie a longtemps surnommé la « Révolution industrielle », une activité valorisée et valorisante ouvrant les portes du confort matériel et personnel. Ceci est vrai quand l’on observe les faits en occultant de notre vision la moitié du ciel. Si le travail masculin fut porté aux nues par l’idéologie dominante du « long XIXe siècle » d’E. Hobsbawm, ce n’était pas le cas pour le travail féminin. Celui-ci était décrié, discrédité, jugé contre-naturel dans les villes d’Europe occidentale, de Grande-Bretagne, de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne. La travailleuse, celle qui vend sa force de travail pour obtenir un salaire, avait mauvaise réputation. Là n’était pas sa place. Pourtant, les faits sont têtus. « Les femmes ont toujours travaillé » selon S. Schweitzer, en grande majorité dans le secteur primaire au XIXe siècle, certes, mais leur place en tant que salariées, ouvrières et domestiques ne fit que croître corrélativement aux mutations de l’emploi dans les sociétés industrielles.

Research paper thumbnail of Les espaces ruraux d’Asie du Sud-Est : permanences et mutations

P. Gourou définissait l’Asie du Sud-Est comme la région des « civilisations du végétal » (L’utili... more P. Gourou définissait l’Asie du Sud-Est comme la région des « civilisations du végétal » (L’utilisation du sol en Indochine française, Paris, Publications du Centre d’études en politique étrangère, 1940) ; Ho Chi Minh lui-même n’avait-il pas comparé les forêts tropicales de l’Asie des Moussons à de l’or ? C’est dire la place de premier plan qu’occupe la forêt, et par extension, les espaces ruraux en Asie du Sud-Est.
Dans son acception universitaire classique, définie par R. Brunet et sa Géographie universelle (1990), l’Asie du Sud-Est se compose de onze pays. Il s’agit, en Asie du Sud-Est continentale, cet « angle de l’Asie » selon les termes d’Élisée Reclus, du Myanmar, de la Thaïlande, du Laos, du Cambodge, du Vietnam ainsi que de la partie septentrionale de la Malaisie ; cette dernière faisant office de transition « tout en nuances » (R. De Koninck. L’Asie du Sud-Est. Paris. Masson, 1994) vers l’Asie du Sud-Est insulaire et le sultanat de Brunei, l’Indonésie, les Philippines, la cité-État de Singapour et le Timor-Leste. Si les espaces ruraux peuvent apparaître pour les observateurs comme en déclin face à l’ampleur du phénomène d’urbanisation et de métropolisation dans la région, ceux-ci demeurent d’une importance capitale d’un point de vue démographique et économique. Ces espaces ruraux sont anthropisés, sans cesse modifiés par les sociétés humaines. Si la géographie, en tant que discipline universitaire a longtemps considéré les espaces ruraux en négatif des espaces urbains, nous pouvons définir ceux-ci par le positif. Les espaces ruraux se caractérisent par leur fonction nourricière, rentière et environnementale, même si leur multifonctionnalité ne cesse de croître dans les pays émergents de la région. Ces espaces se définissent par une diversité géographique, entre plaines densément peuplées et montagnes aux densités démographiques moindres. Ces espaces sont, à l’instar du reste de l’Asie du Sud-Est, bouleversés par l’intégration de la région à l’« économie-monde » – pour reprendre un concept braudélien. Si des permanences demeurent, de nombreuses mutations accompagnent les espaces ruraux sud-est asiatiques dans la mondialisation.

Research paper thumbnail of Les débats historiographiques autour de la famine ukrainienne de 1931 - 1933

Il n’existe pas de consensus sur la « Famine Ukrainienne » de 1931-1933, le terme même de « Famin... more Il n’existe pas de consensus sur la « Famine Ukrainienne » de 1931-1933, le terme même de « Famine Ukrainienne » demeure sujet à débat. Il est difficile de ne pas tomber rapidement dans des interprétations conçues à partir de notre propre vision du régime soviétique. Si le courant défendant la thèse du génocide de l’Holodomor est le plus médiatisé et diffusé dans les milieux universitaires, il n’est pour autant pas majoritaire parmi les chercheuses et chercheurs sur le sujet. Les mémoires ne sont pas apaisées. Ainsi si la Guerre Froide est achevée, ses cendres sont encore chaudes. Ce sujet doit permettre d’interroger la question de l’engagement, de la construction idéologique de la pensée de l’historien et cette influence sur son travail.

Research paper thumbnail of Les Tziganes en Europe de 1856 à nos jours

S’attacher à l’étude du monde tzigane et son histoire c’est se détacher des mythes qui l’entoure.... more S’attacher à l’étude du monde tzigane et son histoire c’est se détacher des mythes qui l’entoure. Loin du « bohémien romantique » issu des fantasmes des poètes du XIXe siècle, loin de la caricature du « voleur de poule » mue par la peur de l’inconnu dans les campagnes du début du XXe siècle, notre analyse de la « tziganité », en tant que fait historique, anthropologique et sociologique, se contentera, s’il en est, d’une rigueur scientifique afin de saisir toute la complexité d’un sujet au contenu politique vif.

Research paper thumbnail of L’empereur, l’armée et le pouvoir à Rome

De la dernière guerre civile ayant accompagné la chute de la République romaine naquit, en 27 av.... more De la dernière guerre civile ayant accompagné la chute de la République romaine naquit, en 27 av. J.-C., le Principat. Ainsi, il n'est en rien étonnant qu'un régime né d'une victoire militaire constitue, de facto, ce que M. Le Glay nomma une « autocratie militaire. » Son pouvoir personnel conquit, la menace de voir l'Empire romain à nouveau vaciller dans les affres de conflits intestins, contraignit Auguste à chercher à maintenir la concorde entre « les secteurs déterminants du système politique »-pour reprendre les termes de E. Flaig-c'est-à-dire le Sénat, le Peuple et l'armée. Alors que les menaces barbares planent toujours au-dessus de l'Empire et que la peur du retour de la guerre civile hante encore les esprits, l'Empereur doit, pour reprendre une expression de Suétone, « tenir le loup par les deux oreilles. » L'armée constitue alors un des instruments principaux du pouvoir impérial durant toute la période que l'historiographie considère traditionnellement comme celle du « Haut Empire romain » (27 av. J.-C.-235 apr. J.-C.). Les sources permettant à l'historien d'étudier la relation entre l'empereur, l'armée et la dialectique de leur pouvoir, sont multiples et bien plus abondantes que pour l'époque républicaine. Papyrus, inscriptions, ostraca, tablettes, stèles funéraires, dédicaces et sources littéraires constituent un riche vivier pour en saisir les dynamiques, les évolutions et les contradictions. Il s'agit de comprendre le rapport dialectique unissant l'empereur et son armée, entre force essentielle permettant d'assurer la pérennité du pouvoir impérial et redoutable contre-pouvoir pouvant mettre à mal la solidité de l'autocratie romaine. L'armée constitue une force légitimant le pouvoir de l'Empereur. Cette force lui permet d'asseoir son autorité à travers un Empire multiethnique s'étendant de la Péninsule ibérique au Proche-Orient. Si l'armée légitime le pouvoir d'un Empereur qui en est à sa tête, celle-ci peut, le cas échéant, le défaire. La contradiction du système impérial fait de l’armée tout autant un fervent soutien de l’autocratie de l’imperator qu’un véritable contre-pouvoir.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture. Robert Muchembled. La société policée, politique et politesse en France du XVIe au XXe siècle

Analyser les origines et l'histoire de la politesse en France ? C'est le pari de l'historien Robe... more Analyser les origines et l'histoire de la politesse en France ? C'est le pari de l'historien Robert Muchembled dans son ouvrage La société policée, politique et politesse en France du XVIe au XXe siècle, paru aux éditions du Seuil en 1998. Née dans le Pas-de-Calais en 1944, Robert Muchembled publie sa thèse Violence et Société. Comportements populaires et mentalités en Artois de 1400 à 1660 en 1985. Par la suite, il enseigne l'histoire moderne à Lille-III et Paris-XIII. Les recherches qu'il mène s'axent autour de l'histoire sociale et culturelle, ainsi que sur des phénomènes marginaux tels que la criminalité. Ici, l'auteur cherche étudier la question de la politesse et de ses implications politiques. Il veut par là même, passer en revue la diffusion du modèle culturel des élites vers les classes populaires et les agents intermédiaires qui permettent ce processus. Il insiste particulièrement sur la méthode de travail de l'historien qui doit user de divers outils et sources pour traiter son matériel. Il met en avant l'intérêt d'une approche pluri-disciplinaire dans la démarche de l'historien face à des points de vus qu'il juge trop spécifiques-il s'insurge, par exemple, de la vision purement statisticienne de l'étude des sociétés passées. Dans l'ouvrage étudié, Robert Muchembled se penche sur les mutations culturelles, particulièrement la politesse, en France depuis le XVI e siècle jusqu'à nos jours, qui ont forgées ce qu'il identifie comme une « identité française ». Pour répondre à ses interrogations, il prend le parti d'une déroulé chronologique de François I er aux années 2000. Dans une première partie consacrée à une période s'étalant de 1500 à 1715, Muchembled analyse la naissance puis la captation de politesse par la monarchie et la Cour comme outil d'affirmation de la monarchie. Dans un second temps, il étudie la diffusion de cette politesse vers le reste de la société, et son autonomisation vis-à-vis du pouvoir royal. La politesse comme norme sociale se pérennise après la fin de la monarchie et fait corps intégrante du langage politique de l'État-nation français.

Research paper thumbnail of Une laïcité, des laïcités

Au regard de son importance dans les débats qui ont fait l'histoire de la France en tant que Répu... more Au regard de son importance dans les débats qui ont fait l'histoire de la France en tant que République, on pourrait affirmer, à l'instar de Valentine Zuber, que la laïcité « est devenue le quatrième terme de la devise républicaine ». Deux cents ans d'histoire républicaine furent mus par une âpre lutte politique pour la laïcité. Ce concept, pourrons-nous dire, est désormais sanctifié, fédérant l'entièreté de l'hémisphère politique. D'aucun n'oserait alors remettre en question sa sacro-sainteté. La laïcité, dans sa conception universaliste et humaniste, héritée de l'esprit de 1789, est conçue comme régulatrice de l'ordre sociopolitique et repose sur quatre principes phares. Deux de ces principes concernent ses finalités, c'est-à-dire la garantie de la liberté de conscience et la protection contre toute forme de discrimination religieuse. Deux concernent les méthodes employées pour garantir ces mêmes finalités. Il s'agit de la neutralité de l'instance étatique vis-à-vis des cultes et de la séparation institutionnelle entre l'État et les Églises. En d'autres termes, la laïcité garantit ce que le philosophe Isaiah Berlin nommait les « libertés négatives » individuelles-l'absence d'entrave confessionnelle du sujet-par le biais d'une institution nationale et collective-l'État de droit. Ainsi Alfred Stepan parle de « double tolérance » : si le religieux perd sa primauté de la gestion de l'instance étatique, cette dernière ne doit pas interférer dans les affaires des croyants. Mais au-delà de ces principes phares naissent une diversité de conceptions. L'histoire de la France républicaine fut façonnée par un affrontement de laïcités plurielles. De 1789 à 1905, deux visions antagonistes se livrent batailles. La « laïcité séparatiste », 5 prônant une séparation stricte des institutions ecclésiastiques et étatiques, s'oppose à une « laïcité partenariale » concrétisant la coopération étroite entre les deux entités. L'année 1905 voit le triomphe de la conception universaliste et séparatiste de la laïcité. Cette conception fut, dès lors, dominante. En 1989, avec ce que l’on a communément nommé « l’affaire du foulard », s’opère un tournant. Une
conception identitaire de la laïcité vint s’opposer à l’hégémonie de la laïcité universaliste.

Research paper thumbnail of L’Europe de l’espoir à la division, 1945 – 47

En 1945, s’achève la Seconde Guerre mondiale et, avec la victoire de la « Grande Alliance » uniss... more En 1945, s’achève la Seconde Guerre mondiale et, avec la victoire de la « Grande Alliance » unissant le Royaume-Uni, les États-Unis et l’URSS, le « suicide de l’Europe. » Le Vieux Continent, harassé, divisé, mutilé, par la succession de deux guerres totales connaissait enfin la paix. Fallait-il du moins que celle-ci soit durable. Très vite pourtant, les antagonismes de l’entre-deux guerres reprirent le dessus. Le monde communiste, sorti considérablement renforcé par son rôle dans la libération de l’Europe, apparut bientôt comme une menace vis-à-vis de ce que la propagande capitaliste nommait le « monde libre. » L’espoir de voir fleurir des « jours heureux » et des « lendemains qui chantent » s’éteignait à mesure que les deux superpuissances, États-Unis et URSS, firent de l’Europe un enjeu central de leurs politiques internationales respectives. Les débats historiques sur les responsabilités du schisme au sein de la « Grande Alliance » demeurent vifs. L’historiographie occidentale fut, longtemps durant, un champ de bataille idéologique entre l’école « orthodoxe » affirmant que l’irruption de la Guerre Froide était due aux ambitions soviétiques en Europe, l’école « révisionniste » dénonçant l’impérialisme américain, et l’école « post-révisionniste » cherchant à comprendre les facteurs transcendantaux qui menèrent les deux camps à la discorde. Entre 1945 et 1947, une rupture historique transforma des Alliés de circonstances en ennemis viscéraux guidés par des idéologies et des intérêts géopolitiques opposés. L’Europe fut progressivement partagée en deux. Pourtant, au sortir de la guerre, l’espoir de revoir l’Europe unie dans la paix était bien réel Des vues antagonistes sur l’avenir du continent allaient pourtant en décider autrement. En 1947, la division fut scellée. La Guerre Froide entre les blocs capitalistes et communistes pouvait commencer.

Research paper thumbnail of Qu'appelle-t-on droite et gauche selon René Rémond ?

Les notions de gauche et de droite sont structurelles du champ politique français. Cette division... more Les notions de gauche et de droite sont structurelles du champ politique français. Cette division fondatrice est évolutive et mouvante. Si bien que, à l'instar de J. Julliard, nous pourrions appliquer la formule de Saint Augustin à propos du temps pour imager l'altérabilité de ce clivage : « quand on ne me demande pas ce qu'est le temps, je sais parfaitement ce que c'est, mais si on me le demande, je ne le sais plus. » Pourtant, des divergences historiques, idéologiques et politiques perpétuent cette division bipartite de la res politica française. Si, à l'ère de la globalisation néolibérale, les frontières entre ces deux sphères semblent se confondre, continuer de diviser la gestion de la chose publique en deux pôles dialectiquement interdépendants et antagonistes n'est pas synonyme d'hémiplégie politique. L'historien spécialiste de l'histoire politique de la France contemporaine, R. Rémond (1918-2007), l'a bien compris. Au lendemain des élections présidentielles de 2002, qui vit la gauche soutenir massivement J. Chirac contre le candidat d'extrême-droite, J.-M. Le Pen, R. Rémond est interrogé par la revue Le Débat (n°121, 09/10/2002) au sujet de la pertinence de la bipartition en ce début du XXI e siècle. Le clivage politique entre la gauche et la droite, s'il apparaît brouillé à l'orée du XXI e siècle, ne perd pas sa pertinence. Des divergences idéologiques, socio-économiques, politico-culturelles et historiques demeurent et perpétuent la bipartition de l'échiquier politique français. Ce clivage est en même temps fondateur et évolutif depuis 1789. S'il tend à se confondre, et que des lignes de force tendent à converger entre les grands représentants des deux axes du clivage, des démarcation fondamentales demeurent.

Research paper thumbnail of Compte rendu de lecture. Maxime Forest, George Mink (dir.) Post-communisme. Les sciences sociales à l’épreuve. L’Harmattan, Collection Pays de l’Est, 2004.

Quinze ans après la chute des démocraties populaires d'Europe de l'Est, diverses conférences eure... more Quinze ans après la chute des démocraties populaires d'Europe de l'Est, diverses conférences eurent lieu afin de célébrer les dix ans du CEFRES-le Centre Français de Recherche en Sciences sociales de Prague. Certaines d'entre elles furent retranscrites par écrit et compilées au sein de l'ouvrage collectif Post-communisme. Les sciences sociales à l'épreuve sous la direction de Maxime Forest et George Mink, paru chez L'Harmattan en 2004, alors que l'ère de ce que l'on a appelé « post-communisme » touchait à sa fin dans l'ex-bloc socialiste. Les anciennes démocraties populaires avait terminé leur intégration dans les institutions et la vie politique européenne. Contrairement à de nombreux ouvrages traitant de la question du post-communisme comme fait socio-politique à l'instar des travaux de François Fejtö, 1 Post-communisme. Les sciences sociales à l'épreuve, interroge la notion de « post-communisme » en tant que concept de sciences humaines et sociales. C'est l'occasion pour que la multi-pluridisciplinarité des sciences sociales soit mise à l'oeuvre lors de l'analyse de ce « fait social global » (M. Mauss) que constitua la transition des régimes du socialisme réel à la démocratie de marché.

Research paper thumbnail of Être chevalier aux temps féodaux

Corrélativement à ce que Georges Duby nomma la « révolution féodale », découle un triple processu... more Corrélativement à ce que Georges Duby nomma la « révolution féodale », découle un triple processus de transformation des structures de domination par l'appropriation des pouvoirs publics par les seigneurs, de transformation des structures sociales par l'élargissement de la base sociale de la classe dominante relative à l'élévation de la chevalerie, et de transformation des structures idéologiques par l'épanouissement d'une culture chevaleresque. L'essor de la féodalité à l'orée de l'An Mil-féodalité comprise en tant que système politique de relations inter-élites et en tant que formation socio-économique de prélèvement aristocratique sur le travail paysan permettant d'assurer la domination d'une classe nobiliaire, elle-même intégrée dans des réseaux de fidélité complexes-permet le développement d'une classe de guerriers dont le rôle social est militaire, et d'un modèle d'organisation sociale nouveau, « la société chevaleresque. » En diversifiant son utilisation des sources médiévales, littéraires, artistiques, numismatiques, archéologiques, Marc Bloch fut un des précurseurs de l'étude des mutations induites par la féodalité. Georges Duby et l'école des Annales, à laquelle il appartenait, révolutionnèrent l'étude de la chevalerie grâce à une conception pluri-disciplinaire de l'histoire, et l'introduction du concept de « représentation mentale » dans le but de saisir la légitimation idéologique des rapports sociaux féodaux. Plus récemment, les travaux de Piroska Nagy et Damien Boquet visèrent à saisir la puissance des affects dans la pérennisation de ce que Jérôme Baschet nomma la « civilisation féodale. »

Research paper thumbnail of Une critique de la croissance illimitée

Au lendemain de la Grande Guerre, autopsiant ce qui s'apparente à un cimetière européen, jonché d... more Au lendemain de la Grande Guerre, autopsiant ce qui s'apparente à un cimetière européen, jonché de quelques dix huit millions de morts, où la cendre s'est mêlée à l'air, le sang à la terre, et l'acier aux corps, Paul Valéry écrit : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Si, à la vue des paysages lunaires des lignes de front, Valéry y vit l'apothéose mortifère du suicide européen, nous pouvons, rétrospectivement, non plus y voir, la fin d'un cycle, mais l'entrée lugubre de l'Humanité dans ce que le géologue soviétique Alexei Petrovich Pavlov nomma, quatre ans après la fin du conflit, « l'Anthropocène. » Depuis les balbutiements de la Révolution Industrielle, l'espèce humaine, est progressivement devenue une « force géologique », capable de modifier, par son action, la lithosphère et la biosphère. La chute de la civilisation européenne d'antan, entérinée par une Seconde Guerre Mondiale durant laquelle l'industrie à tuer fit un bond de géant, entre extermination systématique de populations et expérimentation macabre de la puissance atomique, ne marque pas la fin de la « civilisation thermo-industrielle. » Bien au contraire. Celle-ci connaît son âge d'or après 1945, durant ce qu'une historiographie encore insensible aux questions écologiques, surnomma les « Trente Glorieuses Cette civilisation connaît son apogée aujourd'hui, à l'ère de la production et de la consommation de masse, infiltrant les moindres recoins de la planète, des centres aux périphéries de la globalisation capitalistique, des pays développés aux pays émergents.

Research paper thumbnail of Débat entre Marcel Cachin et Léon Blum au Congrès de Tours

Ce débat fondateur entre Marcel Cachin et Léon Blum constitue une source essentielle pour l’histo... more Ce débat fondateur entre Marcel Cachin et Léon Blum constitue une source essentielle pour l’historien désirant saisir les divergences irréconciliables entre les deux courants majeurs de la gauche française du XXe siècle, socialisme et communisme. Ce débat entérine une rupture endogène au mouvement socialiste français. Mais la cause de cette division est exogène, provenant des steppes glacées d’une Russie révolutionnaire. Deux conceptions de l’organisation d’un parti socialiste s’affrontent. La division entre mencheviques et bolcheviques s’est exportée en France, divisant révolutionnaires internationalistes, alignés sur les directives de Moscou, et démocrates défendant l’autonomie nationale du parti. Plus que géopolitique et organisationnelle, la discorde révèle deux conceptions antinomiques de l’avènement de la société nouvelle, entre réformes et révolution.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture : Ogunbadejo, Oye. « Soviet Policies in Africa ». African Affairs 79, nᵒ 316. 1980. p. 297-325.

En 1980, alors que l’Union soviétique vient, en une décennie, de prendre une influence de premier... more En 1980, alors que l’Union soviétique vient, en une décennie, de prendre une influence de premier ordre sur le continent africain, Oye Ogunbadejo, maître de conférence au Département des Sciences politiques de l’Université d’Ife au Nigeria, rédige un article analysant l’intérêt porté par la grande puissance communiste pour l’Afrique. Publié par les Presses universitaires d’Oxford dans les African Affairs, l’article d’Oye Ogunbadejo explique, d’un point de vue africain et éloigné de la logique des blocs, la stratégie soviétique en Afrique durant les années khrouchtchéviennes et brejnéviennes.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture : Norbert Elias. La Société des individus. Francfort, Suhrkamp, 1987 (trad. Paris, Fayard, 1991).

La Société des individus, publiée en allemand en 1987, condense, au détour de trois textes datant... more La Société des individus, publiée en allemand en 1987, condense, au détour de trois textes datant respectivement de 1939, des années 1940 – 1950 et de 1987, l’évolution de la pensée socio-historique de Norbert Elias. L’auteur du diptyque consacré au processus de civilisation, de La Civilisation des mœurs à La Dynamique de l’Occident, entend sortir de l’impasse idéologique et conceptuelle des « deux sociologies » de son époque, ballottées entre holisme et individualisme, pour proposer une théorie fondée sur le temps long et les processus d’interdépendances. Ainsi, en décrivant cette dynamique d’interdépendance entre les individus composant toute société humaine, Elias ambitionne de dépasser la dichotomie entre « individu » et « société ». Il défend que c’est l’inscription de l’individu dans un réseau de relations qui confère à l’être humain sa nature d’« être social […] qui a besoin de la société des autres hommes ». Dialectiquement, si une société donnée conditionne l’habitus social des êtres qui la forme, ces individus contribuent à l’évolution historique de celle-là.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture :  Piero Gleijeses. Conflicting Missions: Havana, Washington, and Africa, 1959-1976.  Chapel Hill, NC: University of North Carolina Press, 2002.

En 2002, Piero Gleijeses écrivit un chapitre auparavant relativement méconnu de l’histoire contem... more En 2002, Piero Gleijeses écrivit un chapitre auparavant relativement méconnu de l’histoire contemporaine de Cuba. A l’orée du nouveau millénaire, alors que l’effondrement de l’Union soviétique faisait poindre une chimérique « fin de l’histoire », les historiens s’attelaient à réécrire et repenser les évènements ayant fait trébucher la marche de l’Humanité au long du « court XXe siècle. » Les grandes eschatologies ayant été balayées, et la logique des grands récits déshérités, pour un temps, il s’agissait, pour de nombreux historiens, de « repenser l’histoire de la Guerre Froide » dans une perspective téléologique. Dialectiquement, toute thèse crée les conditions intellectuels propices à la naissances de son antithèses. A la croisée des siècles, au matin des années 2000, une historiographie désireuse de remettre en cause ce renouveau du millénarisme, posa la question de l’objectivité et de la pertinente scientifique de ce postulat. Et si, comme l’affirmait Alfred Grosser, l’Histoire de la Guerre Froide écrite alors représentait, de facto, une « histoire des vainqueurs ? » C’est dans cette perspective critique que Piero Gleisejes écrivit son ouvrage Conflicting Missions: Havana, Washington, and Africa, 1959-1976.

Research paper thumbnail of Compte rendu de lecture :  FURET François, « Histoire quantitative et construction du fait historique », Annales ESC, 26-1, 1971, p. 63-75.

En 1971, François Furet publia dans la célèbre revue Annales. Économies, sociétés, civilisations,... more En 1971, François Furet publia dans la célèbre revue Annales. Économies, sociétés, civilisations, un article de réflexion historiographique, nommé « L'histoire quantitative et la construction du fait historique », consacré à cette méthode de « description des phénomènes historiques » qui connaît alors, selon les termes de M.-N. Borghetti, son « apogée ». Furet fut, selon l’historien américain M. S. Christofferson, « l’historien de la Révolution [française] le plus influent de sa génération ». Figure emblématique du renouveau historiographique libéral concernant les événements révolutionnaires et leurs héritages idéologiques, celui-ci s’opposa à l’historiographie classique, « jacobino-marxiste », de la Révolution. En outre, ses travaux voient dans le « dérapage » des années jacobines les prémisses du totalitarisme stalinien. Selon E. Nolte, Furet, apporta, qui plus est, une nouvelle « compréhension historico-génétique » des phénomènes totalitaires du XXe siècle, voyant dans les fascismes italiens et allemands des réactions au communisme soviétique. Alors qu’il publie cet article, Furet ne fait que commencer à avoir l’aura qu’il eut, par la suite, dans les milieux intellectuels. A travers le présent article, il s’agit, pour F. Furet, de constituer une analyse critique de l’histoire quantitative ; histoire fondée, selon la définition de M.-N. Borghetti sur « la collecte d’observations et de données mesurables. »

Research paper thumbnail of Compte rendu d’article COX Kevin, « Une lecture anglophone et marxiste », EspacesTemps.net, Livres, 20.11.2006.

En 2006, Kevin Cox présenta sur EspacesTemps.net1 – une revue scientifique interdisciplinaire aya... more En 2006, Kevin Cox présenta sur EspacesTemps.net1 – une revue scientifique interdisciplinaire ayant pour champ d’étude principal les sciences sociales – une lecture critique du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés dirigé par les géographes français Jacques Lévy et Michel Lussault.2 Kevin Cox est un éminent géographe, professeur émérite de géographie à l’université d’Ohio. Affirmant lui-même que « le marxisme constitue l’élément structurant de [sa] vie intellectuelle »3, il s’est spécialisé dans l’étude de la géographie politique urbaine dans les sociétés capitalistes avancées, des relations entre échelle et politique dans le cadre de la mondialisation, de l’économie politique sud-africaine, de l’épistémologie de la discipline géographique et, plus récemment, dans l’étude de la politique du développement local. Il s’agit pour le géographe, à travers cette publication, de délivrer une lecture critique d’un point de vue anglophone et marxiste du Dictionnaire précédemment cité. Relevant les qualités et l’intérêt intrinsèque de l’ouvrage pour un géographe anglo-saxon, Kevin Cox émet, a fortiori, deux critiques majeures concernant une relative ignorance, de la part des auteurs, de la « géographie spatiale-quantitative », ainsi que leurs conceptions quelque peu caricaturales, selon lui, de la géographie marxiste dont-il se réclame.

Research paper thumbnail of Le Prince et l'écrit (XIIe - XIVe siècle)

Le Moyen Âge central ouest-européen voit défiler des souverains, des princes, des rois, dont l’or... more Le Moyen Âge central ouest-européen voit défiler des souverains, des princes, des rois, dont l’oreille semble perpétuellement à l’écoute du cœur, encore battant, de Salomon. Le roi biblique y fait figure d’exemple parmi les exemples, celui du roi sage.
Le système féodal se résorbe face à la centralisation croissante du pouvoir au sein d’États à la tête desquels trône la figure du Prince. Cette centralisation du pouvoir est corrélative, vectrice et, en même temps, impulsée par ce que J. Le Goff et J. Verger conceptualisèrent comme une « Renaissance du XIIe siècle » ; période durant laquelle les historiens voient poindre une « révolution de l’écrit », une véritable mutation qualitative et quantitative des écrits. Le recours à l’écrit pour gouverner s’intensifie. L’usage pragmatique de l’écrit se renforce. La culture lettrée devient un élément clé de la domination sociale d’une élite lettrée. A la tête de cette élite, la figure du Prince, monarque – en Angleterre, en France, dans la Péninsule Ibérique et en Sicile – ou théocrate – dans les États pontificaux – se doit de comprendre l’importance de l’écrit afin de légitimer son pouvoir. Comme l’explique J. Morsel, « l’écrit renforce la position de domination de la couche écrivante sur la couche muette », mais le Prince, trônant au-dessus de cette couche dominante, doit légitimer son pouvoir par une excellence certaine dans sa maîtrise de la culture écrite.

Research paper thumbnail of Les cultes publics dans les cités de l’Italie et des provinces (218 av. J.-C. - 250 apr. J.-C.)

A. Bertrand qualifia, dans une formule oxymorique, l’horizon cultuel des colonies italiennes et p... more A. Bertrand qualifia, dans une formule oxymorique, l’horizon cultuel des colonies italiennes et provinciales comme étant à la fois « si loin » et « si proche » de Rome. (« Si loin, si proches ? L’horizon romain des colonies italiennes et provinciales au prisme de la religion, de la deuxième guerre punique à l’empire des Sévères », Pallas, 2019) Grâce à cette formule, l’historienne entend démontrer que, malgré l’éloignement géographique, les colonies, fruits de l’impérialisme romain, sont dotées de structures religieuses semblables.
De la politique expansionniste romaine découla la constitution de colonies et de municipes. Si leur mise en place constitue, dans les deux cas, le fruit de conquêtes, ces deux termes désignent deux organisations municipales différentes. Une colonie était une cité fondée par Rome sur des terres confisquées au peuple vaincu et redistribuées à des colons. Les colonies pouvaient être romaines et latines. Dans le premier cas, des citoyens romains, conservant leur citoyenneté romaine, la peuplait. Dans le second cas, les habitants avaient la citoyenneté latine et seule l’exercice des magistratures ouvrait les portes de la citoyenneté romaine. Une municipe, quant à elle, était une cité qui, bien qu’annexée par l’Urbs, conservait une grande autonomie. Suite à la guerre sociale (90 – 88 av. n.è..), les cités italiennes devinrent progressivement des municipes. A partir du Ier siècle, les municipes crées furent foncièrement régies par le droit latin. Ces cités étaient dotées de « polis-religion », selon le concept de R. Gordon (« Religion in the Roman Empire. The Civic Compromise and its Limits », dans M. Beard, J. North (dir.), Pagan Priests ? Religion and Power in the Ancient World, Londres, 1990). Elles pratiquaient leurs religions civiques propres, matérialisées par des cultes publics, perçus comme fondamentaux dans l’exercice de leur pietas, leur piété collective. La période étudiée dans la présente analyse s’étendra de – 218 av. de n.è. et le début de la deuxième guerre punique à 250 de n.è. et la réaffirmation de l’importance du culte impérial par l’empereur Trajan Dèce.

Research paper thumbnail of Travail et travailleuses en Europe occidentale (1830 - 1930)

L’historiographie consacrée à la place de la femme dans le monde du travail, apparue à l’orée des... more L’historiographie consacrée à la place de la femme dans le monde du travail, apparue à l’orée des années 1970, cherche à mettre la lumière sur une question longtemps occultée par les historiens : « la surexploitation des femmes cantonnées dans des secteurs spécifiques […] et sous payés », comme l’explique F. Thébaud (Écrire l’histoire des femmes et du genre. ENS, Lyon, 2007). Depuis ce renouveau historiographique, de nombreuses historiennes et historiens se sont emparés de la question des enjeux de genre au travail.
Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, le travail constitue une « activité humaine exigeant un effort soutenu, qui vise à la modification des éléments naturels, à la création et/ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées ». Malédiction décriée par les Anciens, de la tripartition médiévale, consacrant l’infériorité des laboratores, à la généalogie nietzschéenne, le travail devient, à l’orée du XIXe siècle et de ce que l’historiographie a longtemps surnommé la « Révolution industrielle », une activité valorisée et valorisante ouvrant les portes du confort matériel et personnel. Ceci est vrai quand l’on observe les faits en occultant de notre vision la moitié du ciel. Si le travail masculin fut porté aux nues par l’idéologie dominante du « long XIXe siècle » d’E. Hobsbawm, ce n’était pas le cas pour le travail féminin. Celui-ci était décrié, discrédité, jugé contre-naturel dans les villes d’Europe occidentale, de Grande-Bretagne, de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne. La travailleuse, celle qui vend sa force de travail pour obtenir un salaire, avait mauvaise réputation. Là n’était pas sa place. Pourtant, les faits sont têtus. « Les femmes ont toujours travaillé » selon S. Schweitzer, en grande majorité dans le secteur primaire au XIXe siècle, certes, mais leur place en tant que salariées, ouvrières et domestiques ne fit que croître corrélativement aux mutations de l’emploi dans les sociétés industrielles.

Research paper thumbnail of Les espaces ruraux d’Asie du Sud-Est : permanences et mutations

P. Gourou définissait l’Asie du Sud-Est comme la région des « civilisations du végétal » (L’utili... more P. Gourou définissait l’Asie du Sud-Est comme la région des « civilisations du végétal » (L’utilisation du sol en Indochine française, Paris, Publications du Centre d’études en politique étrangère, 1940) ; Ho Chi Minh lui-même n’avait-il pas comparé les forêts tropicales de l’Asie des Moussons à de l’or ? C’est dire la place de premier plan qu’occupe la forêt, et par extension, les espaces ruraux en Asie du Sud-Est.
Dans son acception universitaire classique, définie par R. Brunet et sa Géographie universelle (1990), l’Asie du Sud-Est se compose de onze pays. Il s’agit, en Asie du Sud-Est continentale, cet « angle de l’Asie » selon les termes d’Élisée Reclus, du Myanmar, de la Thaïlande, du Laos, du Cambodge, du Vietnam ainsi que de la partie septentrionale de la Malaisie ; cette dernière faisant office de transition « tout en nuances » (R. De Koninck. L’Asie du Sud-Est. Paris. Masson, 1994) vers l’Asie du Sud-Est insulaire et le sultanat de Brunei, l’Indonésie, les Philippines, la cité-État de Singapour et le Timor-Leste. Si les espaces ruraux peuvent apparaître pour les observateurs comme en déclin face à l’ampleur du phénomène d’urbanisation et de métropolisation dans la région, ceux-ci demeurent d’une importance capitale d’un point de vue démographique et économique. Ces espaces ruraux sont anthropisés, sans cesse modifiés par les sociétés humaines. Si la géographie, en tant que discipline universitaire a longtemps considéré les espaces ruraux en négatif des espaces urbains, nous pouvons définir ceux-ci par le positif. Les espaces ruraux se caractérisent par leur fonction nourricière, rentière et environnementale, même si leur multifonctionnalité ne cesse de croître dans les pays émergents de la région. Ces espaces se définissent par une diversité géographique, entre plaines densément peuplées et montagnes aux densités démographiques moindres. Ces espaces sont, à l’instar du reste de l’Asie du Sud-Est, bouleversés par l’intégration de la région à l’« économie-monde » – pour reprendre un concept braudélien. Si des permanences demeurent, de nombreuses mutations accompagnent les espaces ruraux sud-est asiatiques dans la mondialisation.

Research paper thumbnail of Les débats historiographiques autour de la famine ukrainienne de 1931 - 1933

Il n’existe pas de consensus sur la « Famine Ukrainienne » de 1931-1933, le terme même de « Famin... more Il n’existe pas de consensus sur la « Famine Ukrainienne » de 1931-1933, le terme même de « Famine Ukrainienne » demeure sujet à débat. Il est difficile de ne pas tomber rapidement dans des interprétations conçues à partir de notre propre vision du régime soviétique. Si le courant défendant la thèse du génocide de l’Holodomor est le plus médiatisé et diffusé dans les milieux universitaires, il n’est pour autant pas majoritaire parmi les chercheuses et chercheurs sur le sujet. Les mémoires ne sont pas apaisées. Ainsi si la Guerre Froide est achevée, ses cendres sont encore chaudes. Ce sujet doit permettre d’interroger la question de l’engagement, de la construction idéologique de la pensée de l’historien et cette influence sur son travail.

Research paper thumbnail of Les Tziganes en Europe de 1856 à nos jours

S’attacher à l’étude du monde tzigane et son histoire c’est se détacher des mythes qui l’entoure.... more S’attacher à l’étude du monde tzigane et son histoire c’est se détacher des mythes qui l’entoure. Loin du « bohémien romantique » issu des fantasmes des poètes du XIXe siècle, loin de la caricature du « voleur de poule » mue par la peur de l’inconnu dans les campagnes du début du XXe siècle, notre analyse de la « tziganité », en tant que fait historique, anthropologique et sociologique, se contentera, s’il en est, d’une rigueur scientifique afin de saisir toute la complexité d’un sujet au contenu politique vif.

Research paper thumbnail of L’empereur, l’armée et le pouvoir à Rome

De la dernière guerre civile ayant accompagné la chute de la République romaine naquit, en 27 av.... more De la dernière guerre civile ayant accompagné la chute de la République romaine naquit, en 27 av. J.-C., le Principat. Ainsi, il n'est en rien étonnant qu'un régime né d'une victoire militaire constitue, de facto, ce que M. Le Glay nomma une « autocratie militaire. » Son pouvoir personnel conquit, la menace de voir l'Empire romain à nouveau vaciller dans les affres de conflits intestins, contraignit Auguste à chercher à maintenir la concorde entre « les secteurs déterminants du système politique »-pour reprendre les termes de E. Flaig-c'est-à-dire le Sénat, le Peuple et l'armée. Alors que les menaces barbares planent toujours au-dessus de l'Empire et que la peur du retour de la guerre civile hante encore les esprits, l'Empereur doit, pour reprendre une expression de Suétone, « tenir le loup par les deux oreilles. » L'armée constitue alors un des instruments principaux du pouvoir impérial durant toute la période que l'historiographie considère traditionnellement comme celle du « Haut Empire romain » (27 av. J.-C.-235 apr. J.-C.). Les sources permettant à l'historien d'étudier la relation entre l'empereur, l'armée et la dialectique de leur pouvoir, sont multiples et bien plus abondantes que pour l'époque républicaine. Papyrus, inscriptions, ostraca, tablettes, stèles funéraires, dédicaces et sources littéraires constituent un riche vivier pour en saisir les dynamiques, les évolutions et les contradictions. Il s'agit de comprendre le rapport dialectique unissant l'empereur et son armée, entre force essentielle permettant d'assurer la pérennité du pouvoir impérial et redoutable contre-pouvoir pouvant mettre à mal la solidité de l'autocratie romaine. L'armée constitue une force légitimant le pouvoir de l'Empereur. Cette force lui permet d'asseoir son autorité à travers un Empire multiethnique s'étendant de la Péninsule ibérique au Proche-Orient. Si l'armée légitime le pouvoir d'un Empereur qui en est à sa tête, celle-ci peut, le cas échéant, le défaire. La contradiction du système impérial fait de l’armée tout autant un fervent soutien de l’autocratie de l’imperator qu’un véritable contre-pouvoir.

Research paper thumbnail of Compte-rendu de lecture. Robert Muchembled. La société policée, politique et politesse en France du XVIe au XXe siècle

Analyser les origines et l'histoire de la politesse en France ? C'est le pari de l'historien Robe... more Analyser les origines et l'histoire de la politesse en France ? C'est le pari de l'historien Robert Muchembled dans son ouvrage La société policée, politique et politesse en France du XVIe au XXe siècle, paru aux éditions du Seuil en 1998. Née dans le Pas-de-Calais en 1944, Robert Muchembled publie sa thèse Violence et Société. Comportements populaires et mentalités en Artois de 1400 à 1660 en 1985. Par la suite, il enseigne l'histoire moderne à Lille-III et Paris-XIII. Les recherches qu'il mène s'axent autour de l'histoire sociale et culturelle, ainsi que sur des phénomènes marginaux tels que la criminalité. Ici, l'auteur cherche étudier la question de la politesse et de ses implications politiques. Il veut par là même, passer en revue la diffusion du modèle culturel des élites vers les classes populaires et les agents intermédiaires qui permettent ce processus. Il insiste particulièrement sur la méthode de travail de l'historien qui doit user de divers outils et sources pour traiter son matériel. Il met en avant l'intérêt d'une approche pluri-disciplinaire dans la démarche de l'historien face à des points de vus qu'il juge trop spécifiques-il s'insurge, par exemple, de la vision purement statisticienne de l'étude des sociétés passées. Dans l'ouvrage étudié, Robert Muchembled se penche sur les mutations culturelles, particulièrement la politesse, en France depuis le XVI e siècle jusqu'à nos jours, qui ont forgées ce qu'il identifie comme une « identité française ». Pour répondre à ses interrogations, il prend le parti d'une déroulé chronologique de François I er aux années 2000. Dans une première partie consacrée à une période s'étalant de 1500 à 1715, Muchembled analyse la naissance puis la captation de politesse par la monarchie et la Cour comme outil d'affirmation de la monarchie. Dans un second temps, il étudie la diffusion de cette politesse vers le reste de la société, et son autonomisation vis-à-vis du pouvoir royal. La politesse comme norme sociale se pérennise après la fin de la monarchie et fait corps intégrante du langage politique de l'État-nation français.

Research paper thumbnail of Une laïcité, des laïcités

Au regard de son importance dans les débats qui ont fait l'histoire de la France en tant que Répu... more Au regard de son importance dans les débats qui ont fait l'histoire de la France en tant que République, on pourrait affirmer, à l'instar de Valentine Zuber, que la laïcité « est devenue le quatrième terme de la devise républicaine ». Deux cents ans d'histoire républicaine furent mus par une âpre lutte politique pour la laïcité. Ce concept, pourrons-nous dire, est désormais sanctifié, fédérant l'entièreté de l'hémisphère politique. D'aucun n'oserait alors remettre en question sa sacro-sainteté. La laïcité, dans sa conception universaliste et humaniste, héritée de l'esprit de 1789, est conçue comme régulatrice de l'ordre sociopolitique et repose sur quatre principes phares. Deux de ces principes concernent ses finalités, c'est-à-dire la garantie de la liberté de conscience et la protection contre toute forme de discrimination religieuse. Deux concernent les méthodes employées pour garantir ces mêmes finalités. Il s'agit de la neutralité de l'instance étatique vis-à-vis des cultes et de la séparation institutionnelle entre l'État et les Églises. En d'autres termes, la laïcité garantit ce que le philosophe Isaiah Berlin nommait les « libertés négatives » individuelles-l'absence d'entrave confessionnelle du sujet-par le biais d'une institution nationale et collective-l'État de droit. Ainsi Alfred Stepan parle de « double tolérance » : si le religieux perd sa primauté de la gestion de l'instance étatique, cette dernière ne doit pas interférer dans les affaires des croyants. Mais au-delà de ces principes phares naissent une diversité de conceptions. L'histoire de la France républicaine fut façonnée par un affrontement de laïcités plurielles. De 1789 à 1905, deux visions antagonistes se livrent batailles. La « laïcité séparatiste », 5 prônant une séparation stricte des institutions ecclésiastiques et étatiques, s'oppose à une « laïcité partenariale » concrétisant la coopération étroite entre les deux entités. L'année 1905 voit le triomphe de la conception universaliste et séparatiste de la laïcité. Cette conception fut, dès lors, dominante. En 1989, avec ce que l’on a communément nommé « l’affaire du foulard », s’opère un tournant. Une
conception identitaire de la laïcité vint s’opposer à l’hégémonie de la laïcité universaliste.

Research paper thumbnail of L’Europe de l’espoir à la division, 1945 – 47

En 1945, s’achève la Seconde Guerre mondiale et, avec la victoire de la « Grande Alliance » uniss... more En 1945, s’achève la Seconde Guerre mondiale et, avec la victoire de la « Grande Alliance » unissant le Royaume-Uni, les États-Unis et l’URSS, le « suicide de l’Europe. » Le Vieux Continent, harassé, divisé, mutilé, par la succession de deux guerres totales connaissait enfin la paix. Fallait-il du moins que celle-ci soit durable. Très vite pourtant, les antagonismes de l’entre-deux guerres reprirent le dessus. Le monde communiste, sorti considérablement renforcé par son rôle dans la libération de l’Europe, apparut bientôt comme une menace vis-à-vis de ce que la propagande capitaliste nommait le « monde libre. » L’espoir de voir fleurir des « jours heureux » et des « lendemains qui chantent » s’éteignait à mesure que les deux superpuissances, États-Unis et URSS, firent de l’Europe un enjeu central de leurs politiques internationales respectives. Les débats historiques sur les responsabilités du schisme au sein de la « Grande Alliance » demeurent vifs. L’historiographie occidentale fut, longtemps durant, un champ de bataille idéologique entre l’école « orthodoxe » affirmant que l’irruption de la Guerre Froide était due aux ambitions soviétiques en Europe, l’école « révisionniste » dénonçant l’impérialisme américain, et l’école « post-révisionniste » cherchant à comprendre les facteurs transcendantaux qui menèrent les deux camps à la discorde. Entre 1945 et 1947, une rupture historique transforma des Alliés de circonstances en ennemis viscéraux guidés par des idéologies et des intérêts géopolitiques opposés. L’Europe fut progressivement partagée en deux. Pourtant, au sortir de la guerre, l’espoir de revoir l’Europe unie dans la paix était bien réel Des vues antagonistes sur l’avenir du continent allaient pourtant en décider autrement. En 1947, la division fut scellée. La Guerre Froide entre les blocs capitalistes et communistes pouvait commencer.

Research paper thumbnail of Qu'appelle-t-on droite et gauche selon René Rémond ?

Les notions de gauche et de droite sont structurelles du champ politique français. Cette division... more Les notions de gauche et de droite sont structurelles du champ politique français. Cette division fondatrice est évolutive et mouvante. Si bien que, à l'instar de J. Julliard, nous pourrions appliquer la formule de Saint Augustin à propos du temps pour imager l'altérabilité de ce clivage : « quand on ne me demande pas ce qu'est le temps, je sais parfaitement ce que c'est, mais si on me le demande, je ne le sais plus. » Pourtant, des divergences historiques, idéologiques et politiques perpétuent cette division bipartite de la res politica française. Si, à l'ère de la globalisation néolibérale, les frontières entre ces deux sphères semblent se confondre, continuer de diviser la gestion de la chose publique en deux pôles dialectiquement interdépendants et antagonistes n'est pas synonyme d'hémiplégie politique. L'historien spécialiste de l'histoire politique de la France contemporaine, R. Rémond (1918-2007), l'a bien compris. Au lendemain des élections présidentielles de 2002, qui vit la gauche soutenir massivement J. Chirac contre le candidat d'extrême-droite, J.-M. Le Pen, R. Rémond est interrogé par la revue Le Débat (n°121, 09/10/2002) au sujet de la pertinence de la bipartition en ce début du XXI e siècle. Le clivage politique entre la gauche et la droite, s'il apparaît brouillé à l'orée du XXI e siècle, ne perd pas sa pertinence. Des divergences idéologiques, socio-économiques, politico-culturelles et historiques demeurent et perpétuent la bipartition de l'échiquier politique français. Ce clivage est en même temps fondateur et évolutif depuis 1789. S'il tend à se confondre, et que des lignes de force tendent à converger entre les grands représentants des deux axes du clivage, des démarcation fondamentales demeurent.

Research paper thumbnail of Compte rendu de lecture. Maxime Forest, George Mink (dir.) Post-communisme. Les sciences sociales à l’épreuve. L’Harmattan, Collection Pays de l’Est, 2004.

Quinze ans après la chute des démocraties populaires d'Europe de l'Est, diverses conférences eure... more Quinze ans après la chute des démocraties populaires d'Europe de l'Est, diverses conférences eurent lieu afin de célébrer les dix ans du CEFRES-le Centre Français de Recherche en Sciences sociales de Prague. Certaines d'entre elles furent retranscrites par écrit et compilées au sein de l'ouvrage collectif Post-communisme. Les sciences sociales à l'épreuve sous la direction de Maxime Forest et George Mink, paru chez L'Harmattan en 2004, alors que l'ère de ce que l'on a appelé « post-communisme » touchait à sa fin dans l'ex-bloc socialiste. Les anciennes démocraties populaires avait terminé leur intégration dans les institutions et la vie politique européenne. Contrairement à de nombreux ouvrages traitant de la question du post-communisme comme fait socio-politique à l'instar des travaux de François Fejtö, 1 Post-communisme. Les sciences sociales à l'épreuve, interroge la notion de « post-communisme » en tant que concept de sciences humaines et sociales. C'est l'occasion pour que la multi-pluridisciplinarité des sciences sociales soit mise à l'oeuvre lors de l'analyse de ce « fait social global » (M. Mauss) que constitua la transition des régimes du socialisme réel à la démocratie de marché.

Research paper thumbnail of Être chevalier aux temps féodaux

Corrélativement à ce que Georges Duby nomma la « révolution féodale », découle un triple processu... more Corrélativement à ce que Georges Duby nomma la « révolution féodale », découle un triple processus de transformation des structures de domination par l'appropriation des pouvoirs publics par les seigneurs, de transformation des structures sociales par l'élargissement de la base sociale de la classe dominante relative à l'élévation de la chevalerie, et de transformation des structures idéologiques par l'épanouissement d'une culture chevaleresque. L'essor de la féodalité à l'orée de l'An Mil-féodalité comprise en tant que système politique de relations inter-élites et en tant que formation socio-économique de prélèvement aristocratique sur le travail paysan permettant d'assurer la domination d'une classe nobiliaire, elle-même intégrée dans des réseaux de fidélité complexes-permet le développement d'une classe de guerriers dont le rôle social est militaire, et d'un modèle d'organisation sociale nouveau, « la société chevaleresque. » En diversifiant son utilisation des sources médiévales, littéraires, artistiques, numismatiques, archéologiques, Marc Bloch fut un des précurseurs de l'étude des mutations induites par la féodalité. Georges Duby et l'école des Annales, à laquelle il appartenait, révolutionnèrent l'étude de la chevalerie grâce à une conception pluri-disciplinaire de l'histoire, et l'introduction du concept de « représentation mentale » dans le but de saisir la légitimation idéologique des rapports sociaux féodaux. Plus récemment, les travaux de Piroska Nagy et Damien Boquet visèrent à saisir la puissance des affects dans la pérennisation de ce que Jérôme Baschet nomma la « civilisation féodale. »

Research paper thumbnail of Une critique de la croissance illimitée

Au lendemain de la Grande Guerre, autopsiant ce qui s'apparente à un cimetière européen, jonché d... more Au lendemain de la Grande Guerre, autopsiant ce qui s'apparente à un cimetière européen, jonché de quelques dix huit millions de morts, où la cendre s'est mêlée à l'air, le sang à la terre, et l'acier aux corps, Paul Valéry écrit : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Si, à la vue des paysages lunaires des lignes de front, Valéry y vit l'apothéose mortifère du suicide européen, nous pouvons, rétrospectivement, non plus y voir, la fin d'un cycle, mais l'entrée lugubre de l'Humanité dans ce que le géologue soviétique Alexei Petrovich Pavlov nomma, quatre ans après la fin du conflit, « l'Anthropocène. » Depuis les balbutiements de la Révolution Industrielle, l'espèce humaine, est progressivement devenue une « force géologique », capable de modifier, par son action, la lithosphère et la biosphère. La chute de la civilisation européenne d'antan, entérinée par une Seconde Guerre Mondiale durant laquelle l'industrie à tuer fit un bond de géant, entre extermination systématique de populations et expérimentation macabre de la puissance atomique, ne marque pas la fin de la « civilisation thermo-industrielle. » Bien au contraire. Celle-ci connaît son âge d'or après 1945, durant ce qu'une historiographie encore insensible aux questions écologiques, surnomma les « Trente Glorieuses Cette civilisation connaît son apogée aujourd'hui, à l'ère de la production et de la consommation de masse, infiltrant les moindres recoins de la planète, des centres aux périphéries de la globalisation capitalistique, des pays développés aux pays émergents.

Research paper thumbnail of Débat entre Marcel Cachin et Léon Blum au Congrès de Tours

Ce débat fondateur entre Marcel Cachin et Léon Blum constitue une source essentielle pour l’histo... more Ce débat fondateur entre Marcel Cachin et Léon Blum constitue une source essentielle pour l’historien désirant saisir les divergences irréconciliables entre les deux courants majeurs de la gauche française du XXe siècle, socialisme et communisme. Ce débat entérine une rupture endogène au mouvement socialiste français. Mais la cause de cette division est exogène, provenant des steppes glacées d’une Russie révolutionnaire. Deux conceptions de l’organisation d’un parti socialiste s’affrontent. La division entre mencheviques et bolcheviques s’est exportée en France, divisant révolutionnaires internationalistes, alignés sur les directives de Moscou, et démocrates défendant l’autonomie nationale du parti. Plus que géopolitique et organisationnelle, la discorde révèle deux conceptions antinomiques de l’avènement de la société nouvelle, entre réformes et révolution.