Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, marquis de Vaudreuil (original) (raw)
RIGAUD DE VAUDREUIL DE CAVAGNIAL, PIERRE DE, marquis de Vaudreuil, officier dans les troupes de la Marine et dernier gouverneur g�n�ral de la Nouvelle-France, n� � Qu�bec le 22 novembre 1698, quatri�me fils de Philippe de Rigaud de Vaudreuil, marquis de Vaudreuil, et de Louise-�lisabeth de Joybert de Soulanges et de Marson, d�c�d� � Paris le 4 ao�t 1778.
Descendant d�une famille f�odale de la noblesse languedocienne, le p�re de Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial servit dans les mousquetaires avant d�accepter sa nomination comme commandant des troupes de la Marine au Canada. Il devint, par la suite, gouverneur de Montr�al et, en 1703, il succ�da � Louis-Hector de Calli�re comme gouverneur g�n�ral de la Nouvelle-France. Il gouverna la colonie � une �poque troubl�e mais s�attira le respect et l�estime des Canadiens. Pierre allait b�n�ficier largement de la r�putation l�gendaire de son p�re.
� l��ge de dix ans, Pierre re�ut une commission d�enseigne dans les troupes de la Marine ; le 5 juillet 1711, il fut promu lieutenant et, la m�me ann�e, il se vit accorder dans la marine le grade de garde-marine. Deux ans plus tard, son p�re l�envoya porter � la cour les d�p�ches de l�ann�e. Sa m�re, qui y vivait depuis les quatre derni�res ann�es, avait obtenu le poste prestigieux de sous-gouvernante des enfants du duc de Berry. Elle fut en mesure d�influencer le ministre de la Marine relativement � la politique canadienne et, en m�me temps, de promouvoir les int�r�ts de sa famille. Pierre rentra � Qu�bec en 1715 avec le grade de capitaine, bien au fait des m�canismes de l�administration coloniale et de la mani�re de s�y prendre avec les fonctionnaires qui prenaient les d�cisions importantes.
� Qu�bec, sous la tutelle de son p�re, il apprit comment venir � bout de l�intrigue, ph�nom�ne end�mique commun � toutes les colonies fran�aises. Plus important encore, il acquit une compr�hension tr�s pouss�e des mesures adopt�es par son p�re pour la d�fense des int�r�ts de la Nouvelle-France contre les menaces que repr�sentaient les colonies britanniques au sud et la Hudson�s Bay Company au nord. En 1721, il accompagna un groupe d�officiers sup�rieurs dans une tourn�e d�inspection au lac Ontario. � partir du fort Frontenac (Kingston, Ontario), ils c�toy�rent la rive nord du lac, examinant les sites possibles de forts. Au fort Niagara (pr�s de Youngstown, New York), ils conf�r�rent avec les chefs tsonnontouans et onontagu�s. Cette exp�rience de l��loquence et de la diplomatie indiennes allait se r�v�ler pr�cieuse au jeune capitaine. Au retour, le parti longea la rive sud du lac ; ainsi Cavagnial acquit une connaissance de premi�re main d�une zone vitale dans le syst�me de d�fense �tendu du Canada.
En 1725, le gouverneur g�n�ral Vaudreuil mourait. Sa veuve traversa en France et, l�ann�e suivante, elle r�ussit � obtenir pour son fils la nomination de major des troupes au Canada. Bien qu�il d�t maintenant soutenir le fardeau de l�administration des affaires de sa famille au Canada, il se montra assidu dans l�accomplissement de ses t�ches et mit de l�avant plusieurs r�formes administratives depuis longtemps n�cessaires.
En 1727, il obtint un cong� pour aller en France, afin d�y aider sa m�re � disposer de la succession de son p�re, mais il abandonna ce projet quand on apprit que les Renards avaient attaqu� un d�tachement fran�ais sur le Missouri, tuant un officier et sept soldats. Le gouverneur g�n�ral Beauharnois jugea que ce geste exigeait une puissante riposte de la part des Fran�ais. Il donna au capitaine Constant Le Marchand de Lignery le commandement d�un grand corps d�arm�e charg� d��craser une fois pour toutes cette tribu. Cavagnial fit partie de l�exp�dition, qui n�accomplit pas grand-chose, mais qui repr�senta pour lui une exp�rience valable dans les questions de logistique et de difficult�s inh�rentes � la guerre dans les territoires sauvages et lointains.
Revenu � Qu�bec en 1728, Cavagnial traversa en France avec son fr�re cadet, Fran�ois-Pierre de Rigaud de Vaudreuil. Il impressionna Maurepas, ministre de la Marine, et fut nomm� au grade d�aide-major des troupes de la Marine. � partir de ce moment, il consid�ra Maurepas comme son protecteur. En 1730, il re�ut la croix de Saint-Louis et une promotion dans la marine, au grade de lieutenant de vaisseau. Quand il devint �vident que le poste de gouverneur de Montr�al deviendrait vacant sous peu � le titulaire, Jean Bouillet de La Chassaigne, �tant presque moribond � Cavagnial pr�senta un plaidoyer au ministre pour qu�on lui en accord�t la succession. Cette fois, ses aspirations furent d��ues, mais, deux ans plus tard, en 1733, ann�e o� le gouverneur de Trois-Rivi�res, Josu� Dubois Berthelot de Beaucours, re�ut le gouvernement de Montr�al, Cavagnial fut nomm� pour combler la vacance ainsi cr��e. Il apprit vite � dispenser avec sagesse les modestes faveurs dont il avait la libre disposition, se b�tissant un cercle de fid�les partisans. Sa r�ussite � ce poste peu important de gouverneur peut �tre �valu�e d�une fa�on n�gative : les neuf ans qu�il passa � Trois-Rivi�res furent singuli�rement d�pourvus d�incidents f�cheux.
Quand sa m�re mourut, en 1740, Cavagnial demanda un cong� et, l�ann�e suivante, il partit pour la France. Il y arriva � un moment des plus favorables. Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, gouverneur de la Louisiane, bris� par quatre d�cennies de combats incessants pour �tablir solidement cette colonie, avait demand� son rappel. � l�heure m�me o� Maurepas cherchait quelqu�un qui p�t le remplacer convenablement, Cavagnial parut � la cour. En avril, le ministre prit sa d�cision et Cavagnial re�ut sa nomination officielle le 1er juillet 1742. Cette nomination repr�sentait une importante promotion dans le service du roi, mais le marquis de Vaudreuil (nouvelle d�signation utilis�e par Cavagnial lui-m�me) visait d�j� plus haut. Il n�y vit qu�un marchepied vers la r�alisation de sa grande ambition : acc�der un jour prochain au gouvernement g�n�ral de la Nouvelle-France.
Il mit � la voile � Rochefort le 1er janvier 1743, en compagnie de Jeanne-Charlotte de Fleury Deschambault, de 15 ans son a�n�e, la veuve appauvrie du lieutenant de roi � Qu�bec, Fran�ois Le Verrier de Rousson. Ils durent �tre en relations avant de s�embarquer pour ce voyage, qui comportait des risques, mais la travers�e leur fournit certainement l�occasion de se conna�tre beaucoup mieux l�un l�autre. Apr�s une navigation de quatre mois, ils d�barqu�rent � La Nouvelle-Orl�ans le 10 mai. Que Vaudreuil ait �t� un homme prudent, qui n�aimait point la pr�cipitation, cela se manifeste dans le fait qu�il attendit encore trois ans, jusqu�en novembre 1746, avant d��pouser Mme Le Verrier, alors �g�e de 63 ans. Ils allaient rester profond�ment attach�s l�un � l�autre pendant les 17 ann�es qui suivraient.
Vaudreuil d�couvrit vite que son haut poste, accept� avec tant d�empressement, ne serait pas de tout repos. Il avait la responsabilit� de maintenir la souverainet� fran�aise sur l�int�rieur du continent, depuis les Appalaches et la Floride, � l�est, jusqu�� la Nouvelle-Espagne, � l�ouest, et du golfe du Mexique � la rivi�re des Illinois. Sauf pour les �tablissements agricoles �chelonn�s le long du Mississippi, du sud de la Nouvelle-Orl�ans � Natchez (Mississippi), et dans le pays des Illinois, la pr�sence fran�aise n��tait assur�e parmi les diverses nations indiennes, dont beaucoup �taient hostiles, que par des postes de traite entour�s de palissades, d�fendus par des garnisons form�es d�un commandant et de quelques hommes des troupes r�guli�res, qui d�sertaient � la premi�re occasion. La population blanche de la colonie comptait, au total, moins de 6 000 personnes. La Nouvelle-Orl�ans, centre administratif de ce simulacre d�empire, se situait � l�extr�mit� de deux longues voies de communication, toutes deux vuln�rables. L�une s�allongeait � travers le dangereux passage des Bahamas (d�troit de Floride) et, par del� l�Atlantique, jusqu�� Rochefort ; l�autre remontait le Mississippi et, par del� les Grands Lacs, jusqu�� Qu�bec. Il fallait des mois pour atteindre l�une ou l�autre destination. Une menace s�rieuse � la s�curit� de la colonie d�t-elle surgir, le gouverneur aurait � se d�brouiller du mieux qu�il pourrait pour faire face � la situation.
Vaudreuil savait aussi qu�un gouverneur de colonie n��tait qu�un �l�ment de l�administration coloniale, quelque important que f�t cet �l�ment. Th�oriquement subordonn� au gouverneur g�n�ral de la Nouvelle-France, qui r�sidait � Qu�bec, le gouverneur de la Louisiane, � cause de la distance et de la lenteur des communications, jouissait en fait d�une autorit� propre, faisant rapport directement au ministre de la Marine et recevant ses ordres directement aussi. Au-dessus de lui, le ministre et son adjoint, le premier commis, devaient �tre cultiv�s avec soin, apais�s, influenc�s, convaincus et, surtout, favorablement impressionn�s. Sous lui, des fonctionnaires subalternes et des officiers, qu�il devait maintenir dans leur devoir, dont il devait gagner la loyaut� et l�appui, et d�jouer l�hostilit�. Le gouverneur devait trouver les moyens de se faire craindre et respecter d�eux. Il se trouvait d�s lors, et de toutes sortes de mani�res, soumis aux pressions et aux jeux d�influence, souventes fois cach�s. L�intrigue et la chicane faisaient rage partout au sein du gouvernement byzantin de Louis XV.
Tout gouverneur de la Louisiane devait se rappeler constamment le r�le assign� � cette colonie dans les desseins politiques de l�Empire fran�ais. La Louisiane n�avait d�abord �t� �tablie que pour des raisons purement politiques et militaires, soit freiner l�expansion des Anglo-Am�ricains vers l�ouest. Aussi, on avait esp�r� qu��ventuellement l��conomie de la colonie progresserait au point d�appara�tre sous un jour favorable dans les bilans de l�Empire. La couronne, qui ne se relevait d�une crise financi�re que pour tomber dans une autre, chercha toujours � atteindre ses objectifs au moindre co�t. Les besoins des colons �taient rarement pris en consid�ration. Vaudreuil devait mettre en �uvre toutes les mesures requises, malgr� des ressources invariablement insuffisantes. �tant lui-m�me n� dans une colonie, il �prouvait une grande sympathie pour les colons et cherchait � les aider par tous les moyens possibles. Trop souvent ces deux objectifs � poursuite de la politique de l�Empire et am�lioration des conditions de vie des Cr�oles � s�ils n�entraient pas en conflit, s�excluaient l�un l�autre.
Bienville, le pr�d�cesseur de Vaudreuil, avait veill� aux int�r�ts de la colonie depuis la p�riode de sa fondation. Il avait fait des prodiges, simplement pour �viter qu�elle �chou�t enti�rement, mais il avait �t� incapable de faire des miracles. Il voulut � c��tait humain � faire croire au ministre qu�en la quittant il laissait la colonie en s�curit� et les nations indiennes solidement align�es sur les int�r�ts de la France, � la suite de sa r�cente campagne contre les redoutables Chicachas. Vaudreuil vit les choses d�un autre �il. Politiquement, il lui �tait de bonne guerre de d�crire sous un mauvais jour la situation dont il avait h�rit�. Il informa le ministre qu�il restaurerait rapidement la discipline au sein des troupes et mettrait fin aux abus qui avaient cours tant parmi les civils que parmi les militaires. Sur l��tat de l��conomie, il se montra assez optimiste et judicieux. C�est la menace de l�ext�rieur qui l�inqui�tait le plus, et il en tenait son pr�d�cesseur responsable. Peut-�tre se sentirait-il plus enclin � l�indulgence, quelques ann�es plus tard, apr�s avoir bataill� pour faire face aux probl�mes complexes qui avaient mis � l��preuve les talents indiscutables de Bienville. Mais il n�exag�rait pas en informant le ministre que l�influence fran�aise parmi les nations indiennes �tait au plus bas, en particulier chez les puissants Cherokees et Chicachas, et que les colons britanniques semaient la discorde au sein de toutes les tribus, gr�ce � leurs marchandises de traite � rabais, de mani�re � se les attacher l�une apr�s l�autre.
Moins d�un an apr�s son arriv�e, la situation prit une acuit� particuli�re, du fait de l�ouverture des hostilit�s entre la France et la Grande-Bretagne, marquant les d�buts de la guerre de la Succession d�Autriche. Vaudreuil chercha � convaincre les Chactas d�attaquer les Chicachas, alli�s des Britanniques. Les Chactas, d�all�geance fran�aise � un moment donn�, s�y refus�rent. Une faction, au sein de la tribu, sous la direction du chef Matahachitoux (Soulier Rouge), avait �t� gagn�e aux Britanniques de la Caroline et de la G�orgie par le moyen de riches cadeaux et de marchandises de traite � bon march�. Il y avait grand danger que la nation enti�re pass�t du c�t� britannique, laissant le sud de la colonie ouvert � des attaques d�vastatrices auxquelles ses faibles d�fenses ne lui eussent pas permis de r�sister. La garnison de la Louisiane comprenait 835 hommes et officiers, dont 149 mercenaires suisses. La milice pouvait lever au plus 400 hommes, de 200 � 300 esclaves noirs pouvaient servir � des t�ches diverses, sans combattre, et de 500 � 600 Indiens alli�s pouvaient �tre recrut�s dans les petites tribus. Pour empirer les choses, trop souvent les navires portant les ravitaillements de France n�arrivaient pas � destination. La situation se d�t�riora � ce point, dans les avant-postes, que les officiers �taient durement press�s de donner � manger � leurs hommes, sur le bord de la mutinerie. L�attitude du commissaire g�n�ral S�bastien-Fran�ois-Ange Le Normant de M�zy, qui insistait pour qu�on respect�t � la lettre les restrictions budg�taires impos�es par le ministre, quelles qu�en fussent les cons�quences politiques ou militaires, n�all�gea en rien cette situation. Vaudreuil �crivit au ministre : � Mr. Le Normant ne cherche qu�a se faire un Merite aupres de vous de tous ces arrangemens de finance et de ses Epargnes, Le principe en est bon, Mais il ne faut pas quil soit prejuduciable au bien du service et a la tranquilit� de cete Colonie. �
Vaudreuil tint de fr�quentes conf�rences avec des d�l�gu�s des nations indiennes, dans ses efforts pour les tenir attach�es � l�alliance fran�aise et les attirer loin de l�influence britannique. Tout cela ne passa pas inaper�u chez le ministre ; en 1746, Vaudreuil fut promu � l�important grade de capitaine dans la marine. Vaudreuil informa le ministre que la colonie pourrait se d�velopper si les tribus indig�nes �taient amen�es � vivre en paix � une paix qui ne pourrait �tre obtenue qu�en �liminant l�influence des trafiquants de la Caroline. Pour y arriver, il fallait des marchandises de traite pour une valeur additionnelle de 100 000�, mais du fait que les approvisionnements assur�s par la couronne ne paraissaient jamais suffisants et que Le Normant tenait serr�s les cordons de la bourse, Vaudreuil, dans toutes ses rencontres, se trouvait entrav�. Manquant � la fois d�effectifs militaires et de marchandises de traite n�cessaires pour r�pondre � la menace britannique, Vaudreuil dut forc�ment recourir � d�autres moyens. L�influence de Matahachitoux sur les Chactas devait �tre contr�e, d�une fa�on ou d�une autre, pour �viter la subversion de la nation enti�re. Vaudreuil mit � prix la t�te du chef indien ; la r�compense offerte �tait suffisamment all�chante pour que, cinq mois plus tard, le chef f�t assassin� par quelques-uns de ses propres compatriotes. Vaudreuil r�ussit aussi � persuader les Chactas d�attaquer un parti de trafiquants de la Caroline et de piller leur convoi de 60 chevaux. Les gens de la Caroline ressentirent durement la perte de leurs marchandises et de leurs chevaux. Ils mirent du temps avant d�envoyer un autre convoi par del� les montagnes. Cet �pisode, s�il ne termina pas la bataille entre les deux puissances, n�en �carta pas moins le danger de la domination des tribus de la Louisiane par les Britanniques.
En mars 1748, le d�part de Le Normant pour Saint-Domingue (�le d�Ha�ti) dut procurer une grande satisfaction � Vaudreuil. Mais son soulagement allait �tre de courte dur�e. Le successeur de Le Normant, Honor� Michel de Villebois de La Rouvilli�re, qui s��tait mari� dans la puissante famille B�gon, se r�v�la beaucoup plus irritant pour Vaudreuil que ne l�avait �t� Le Normant. Cet homme, qui avait pass� sa vie � se quereller, commen�a, quelques mois apr�s son arriv�e, � adresser au ministre des tirades f�roces contre Vaudreuil. Malheureusement pour ce dernier, son vieux protecteur, Maurepas, avait �t� d�mis de ses fonctions en avril 1749 et remplac� par Antoine-Louis Rouill�, qui paraissait d�cid� � faire sentir aux fonctionnaires nomm�s par Maurepas qu�ils avaient un nouveau ma�tre. Il accepta les accusations de Michel pour argent comptant, en particulier l�affirmation que les troupes dans la colonie faisaient preuve d�insubordination et que Vaudreuil prot�geait ceux � qui il avait accord� des postes et qui se rendaient coupables de toutes sortes de crimes. D�sormais, Vaudreuil se vit constamment r�primand� et forc� de se d�fendre contre les accusations les plus vari�es. Il le fit sans permettre que cette dispute n��clat�t en public. Avec Michel, il adopta une attitude distante et polie, qui rendit le commissaire g�n�ral plus furieux encore. D�pit� du refus de Vaudreuil de se quereller ouvertement et de sa propre incapacit� de trouver un appui parmi les notables locaux, Michel fut en proie � une col�re int�rieure qui en vint � un point tel qu�� la mi-d�cembre 1752, une attaque d�apoplexie l�emporta. Vaudreuil envoya � Rouill� une note prudente, disant que la contribution de Michel au service colonial �tait bien connue du ministre et demandant que l�on fit quelque chose pour le fils du d�funt, encore au coll�ge.
Cet �pisode, quoique ennuyeux, avait �t� somme toute de peu d�importance dans les affaires de la colonie. Vaudreuil avait � se pr�occuper d�autres probl�mes, beaucoup plus s�rieux. � plusieurs centaines de milles au nord, le pays des Illinois s�av�rait la source de constantes inqui�tudes. Les colons y �taient peu nombreux, mais la r�gion constituait la cl� de vo�te de l�Empire fran�ais d�Am�rique. Officiellement sous la juridiction du gouverneur de la Louisiane, les �tablissements de l�Illinois �taient autant, sinon plus, sous la direction du gouverneur g�n�ral de Qu�bec. Ironiquement, le p�re de Vaudreuil avait fort mal accueilli le d�tachement de cette r�gion des territoires sous sa juridiction, en 1717, en vue de renforcer la Compagnie des Indes de John Law. Colonis�e par des Canadiens qui vivaient d�agriculture, de chasse et de la traite avec les Indiens [V. Antoine Giard ; Jean-Fran�ois Mercier], la r�gion entretenait des liens �conomiques tant avec Montr�al qu�avec La Nouvelle-Orl�ans. Les marchands montr�alais dominaient la traite des fourrures mais les surplus de farine de ce territoire, les peaux de gros animaux et le produit des mines de plomb locales �taient envoy�s � La Nouvelle-Orl�ans.
Les �tablissements de l�Illinois �taient �galement vitaux pour la s�curit� des voies de communication entre le Canada et la basse Louisiane. Les d�sordres des coureurs de bois canadiens ren�gats au sein des tribus illinoises et de celles qui habitaient le long du Missouri causaient l�un des plus graves probl�mes, dans cette r�gion. Ils cr�aient une situation que les trafiquants britanniques, comme le craignait Vaudreuil, ne tarderaient pas � exploiter � leur profit, si on n�y mettait point ordre. Le gouverneur alla plus loin, en soutenant que la traite dans toute la vall�e du Mississippi appartenait de droit aux colons de la Louisiane, les Canadiens y �tant des intrus.
Vaudreuil devait accepter le fait que le prix des marchandises de traite �tait moindre � Montr�al qu�� La Nouvelle-Orl�ans et que la traite des fourrures au Canada connaissait une organisation plus efficace. Dans sa correspondance avec le gouverneur g�n�ral Beauharnois, r�sidant � Qu�bec, il proposa qu�on autoris�t les Canadiens � trafiquer le castor et les fourrures fines dans la haute Louisiane, mais qu�on envoy�t les peaux des cervid�s et des bisons � La Nouvelle-Orl�ans. Il entreprit de mettre sur pied une compagnie form�e de 20 des principaux trafiquants du pays des Illinois et proposa de leur octroyer le monopole de la traite sur le Missouri. La compagnie devait accepter de construire un fort et d�entretenir un d�tachement de soldats pour maintenir l�ordre dans la r�gion. Pour Vaudreuil, ce projet paraissait si raisonnable et si bien con�u pour faire progresser les int�r�ts de l�Empire fran�ais en Am�rique qu�il le mit en branle avant d�en informer Beauharnois, tout � fait confiant de recevoir l�appui tant du gouverneur g�n�ral que du ministre. Or Beauharnois en prit ombrage, d�clarant que c��tait l� une usurpation de son autorit�, si bien que le district retourna par la suite sous la gouverne de Qu�bec.
Vaudreuil chercha � �viter d�autres conflits avec Qu�bec en obtenant une d�limitation des juridictions territoriales tant du Canada que de la Louisiane. En 1746, La Jonqui�re [Taffanel], nomm� en remplacement de Beauharnois, re�ut instructions de r�gler rapidement ce probl�me. Au m�me moment, le ministre commen�ait � �tre convaincu qu�il serait plus �conomique de placer le pays des Illinois sous la juridiction de Qu�bec, d�autant que son �loignement de La Nouvelle-Orl�ans emp�chait les autorit�s de la Louisiane de le g�rer efficacement. Il jugea aussi que ce territoire grevait le budget de la Louisiane et que le d�tachement de deux compagnies des troupes r�guli�res pour les envoyer � quelque mille milles au nord affaiblissait le pauvre syst�me d�fensif du sud de la colonie. Quant aux aspects �conomiques, les fourrures de la r�gion seraient dirig�es sur Montr�al, et le bl� sur La Nouvelle-Orl�ans, sans pr�judice de la juridiction administrative.
C�est � Roland-Michel Barrin de La Galissoni�re, provisoirement en poste en l�absence de La Jonqui�re, qu�il revint de r�gler le probl�me. En septembre 1749, il pr�para un plan d�taill� pour la d�fense de la souverainet� fran�aise en Am�rique du Nord contre l�agression des Anglo-Am�ricains. D�accord avec Vaudreuil sur l�importance vitale du pays des Illinois, il d�clara toutefois que cette r�gion devait d�pendre du Canada tant pour sa d�fense que pour sa mise en valeur. La Galissoni�re ne se pr�occupait que des grandes lignes de la politique de la m�tropole ; Vaudreuil, par ailleurs, �tait peu dispos� � abandonner l�autorit� qu�il d�tenait sur la haute Louisiane et les possibilit�s qu�elle lui offrait d�avoir plus de faveurs � distribuer. Aussi s�opposa-t-il fortement � l�annexion du pays des Illinois par le Canada.
Quand il fallut prendre une d�cision, en 1749, Rouill� fit un compromis. On laissa l�administration des �tablissements du pays des Illinois � la Louisiane, mais on pla�a la vall�e de l�Ohio et les postes de la Ouabache (Wabash) sous la d�pendance du commandant de D�troit. Vaudreuil s��tait depuis longtemps inqui�t� d�une menace possible, de la part des Britanniques, sur la r�gion de l�Ohio. En 1744, il avait pr�n� la construction d�un fort sur l�Ohio, � quelque 30 milles de son embouchure, mais Maurepas avait tergivers�. Entre-temps, des trafiquants de la Pennsylvanie avaient commenc� � s�infiltrer dans la vall�e. Sans une forte pr�sence fran�aise et une ample provision de marchandises de traite � un prix concurrentiel, Vaudreuil ne pouvait faire grand-chose pour mettre un frein � ces incursions. Il craignait que les Britanniques, apr�s avoir b�ti un fort sur l�Ohio, ne gagnassent l�all�geance de toutes les tribus et qu�il ne dev�nt impossible de les y d�loger. L�exp�dition de Pierre-Joseph C�loron de Blainville dans la vall�e de l�Ohio, en 1749, r�v�la justement � quel point ce danger �tait devenu s�rieux. Vaudreuil fit alors appel � La Jonqui�re pour qu�il recour�t � l�arm�e afin de chasser les Britanniques, mais le gouverneur g�n�ral s�y refusa. Tout ce que Vaudreuil pouvait faire, c��tait de renforcer la garnison du pays des Illinois de six compagnies suppl�mentaires, d�envoyer des officiers de confiance pour tenter de retenir les alli�s d�faillants de passer du c�t� des Britanniques, et de faire des plans pour la restauration du fort de Chartres (pr�s de Prairie du Rocher, Illinois), qui tombait en ruine.
En 1752, l�audacieuse attaque de Charles-Michel Mouet de Langlade, qui, � la t�te de 200 ou 250 coureurs de bois, Outaouais et Sauteux de Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), fit irruption sur la base des trafiquants britanniques � Pickawillany (Piqua, Ohio), chez les Miamis, d�montra l�efficacit� qu�e�t pu avoir l�action propos�e par Vaudreuil. Ils tu�rent Memeskia (La Demoiselle, Old Britain), le chef de la faction d�vou�e aux int�r�ts britanniques, et 20 de ses compagnons, s�empar�rent de cinq ou six trafiquants britanniques et se retir�rent rapidement. L�influence des Britanniques s��croula dans toute cette r�gion. Certaines des bandes qui trafiquaient avec eux abandonn�rent leurs villages, par crainte d�un pareil traitement. Une demi-douzaine de nations, dont l�all�geance fran�aise �tait devenue douteuse, envoy�rent d�s lors des partis de guerre contre les villages qui avaient fait alliance avec les trafiquants britanniques. Vaudreuil put affirmer, dans un rapport, que les tribus de la vall�e de l�Ohio faisaient toutes des ouvertures aux Fran�ais, dans l�espoir de rentrer dans leurs bonnes gr�ces. Il lan�a, cependant, un avertissement : la situation restait encore fluctuante. Pour maintenir la domination fran�aise sur la r�gion, il fallait un fort sur l�Ohio [V. Claude-Pierre P�caudy de Contrec�ur].
La plus grande r�ussite de Vaudreuil, en Louisiane, s�av�ra peut-�tre sa contribution � l��tablissement, pour la premi�re fois dans l�histoire de cette colonie, d�une relative prosp�rit� �conomique. En 1744, les colons avaient connu la famine ; les terres �taient n�glig�es, et le manque de march�s ext�rieurs autant que de moyens d�exp�dier par mer les produits avait r�duit les colons � une agriculture de pure subsistance. La solution de Vaudreuil � ce probl�me fut de trouver acc�s aux march�s des colonies espagnoles de Cuba et du Mexique. La marine britannique se fit sa complice inconsciente dans cette entreprise. Les administrateurs des colonies espagnoles, devant les graves p�nuries caus�es par la guerre, durent accepter les propositions de Vaudreuil d�admettre les produits agricoles louisianais, qui apparaissaient en bonne partie sur leur liste de produits de contrebande. La Balise, � l�embouchure du Mississippi, devint un entrep�t o� les navires espagnols prenaient en charge les vivres fran�ais en vue de leur transbordement � La Havane, � Saint-Domingue et � Veracruz (Mexique). Vaudreuil �valuait � 750 000� approximativement l�apport de ce commerce pendant les ann�es 1742 � 1744. Quand la guerre prit fin, ce trafic tomba d�une fa�on dramatique, pour revivre peu apr�s. Les colonies espagnoles jug�rent qu�elles ne pouvaient plus s�en passer.
En 1743, Vaudreuil acheta une plantation en pleine activit�, avec 30 esclaves, sur la rive du lac Pontchartrain, au prix de 30 000�. Il l�am�liora assid�ment, de fa�on � accro�tre ses revenus, son salaire de 12 000� par ann�e seulement �tant tout � fait insuffisant pour soutenir son style de vie fastueux. Il avait aussi l�intention d�encourager, par son exemple, les autres planteurs. En quittant la colonie, il vendit cette propri�t� pour la somme de 300 000�, mais cette augmentation � dix fois le prix d�achat � est vraisemblablement attribuable, jusqu�� un certain point, � l�inflation occasionn�e par la guerre.
Vaudreuil encouragea fortement la production de l�indigo, en Louisiane, et r�ussit � en accro�tre consid�rablement la qualit�. De 1743 � 1750, le prix de ce produit doubla, et il �tait tellement en demande que le parlement britannique dut obligatoirement subventionner l�indigo de la Caroline. Cette subvention eut pour cons�quence un florissant commerce de contrebande entre La Nouvelle-Orl�ans et Charleston (Caroline du Sud). Les Louisianais se retrouv�rent avec un march� suppl�mentaire, lucratif de surcro�t, pour leur indigo, et les exportateurs de la Caroline empoch�rent les subventions britanniques, les uns et les autres prosp�rant. On produisit aussi en vue de l�exportation, et en quantit�s de plus en plus grandes, le bois de construction, la poix, le goudron, la t�r�benthine, le tabac, le riz et les peaux. En 1750, une centaine de navires rel�ch�rent � La Balise, en provenance des Antilles fran�aises et espagnoles, du Mexique et de la France. En 1751, les exportations de la colonie s��levaient � 1 000 000�. En 1753, la valeur en avait doubl�. Vaudreuil pouvait s�attribuer en partie le m�rite de ces r�alisations.
Un autre apport de premi�re grandeur � la prosp�rit� de la colonie, dont Vaudreuil pouvait aussi s�attribuer le m�rite, r�side dans le fait que, de 1742 � 1752, le budget tripla, passant de 322 798� � 930 767�. La plus grande partie de cet argent �tait d�pens�e dans la colonie, pour la solde des troupes et le salaire des fonctionnaires, pour la construction de fortifications et les subventions au clerg�, pour les pr�sents distribu�s aux Indiens, le bien-�tre social et une multitude d�autres choses. La plus grande partie aboutissait dans les poches des colons, qui jouissaient d�sormais d�une honn�te s�curit� �conomique, quelques-uns d�entre eux �tant relativement riches. Vaudreuil lui-m�me donna l�exemple, dans la colonie, des d�penses d�apparat. Il recevait avec faste, tenait table ouverte pour les officiers et les notables, et sut rendre fort d�sirable le fait d�avoir ses entr�es dans le cercle qu�il pr�sidait, et pernicieux de s�attirer son d�plaisir et d�en �tre exclu.
Tout au long de ces ann�es, Vaudreuil esp�ra qu�un jour prochain il serait nomm� gouverneur g�n�ral de la Nouvelle-France, et il vivait dans cette attente. Cela avait �t�, pendant longtemps, le but principal de sa vie. Apprenant que La Jonqui�re, et non pas lui, avait �t� nomm�, en 1746, en remplacement de Beauharnois, il en �prouva une terrible d�ception. La Jonqui�re, toutefois, le rassura en disant qu�il n�avait accept� ce poste � Qu�bec que pour un mandat de trois ans, et que Maurepas avait affirm� que Vaudreuil lui succ�derait. Mais Maurepas fut ensuite d�mis de ses fonctions. En 1752, on nomma Duquesne pour remplacer La Jonqui�re, d�c�d�. Vaudreuil commen�a � craindre que son tour ne f�t d�finitivement pass�. Sa famille s�en montra outrag�e. Son fr�re Fran�ois-Pierre lui �crivit, disant qu�il �tait s�r, maintenant, que Vaudreuil abandonnerait le service. Il ajoutait que, m�me s�il ne devait avoir que 4 000� de pension annuelle, Vaudreuil pourrait vivre � l�aise dans le Languedoc, sans avoir de compte � rendre � personne. Quel immense soulagement dut lui apporter la lettre de Rouill�, dat�e du 8 juin 1752, qui l�informait de son remplacement, comme gouverneur de la Louisiane, par Louis Billouart de Kerl�rec. Ordre lui �tait donn� de rester � La Nouvelle-Orl�ans assez longtemps pour instruire Kerl�rec des affaires de la colonie, puis de rentrer en France, d�o�, en temps opportun, il partirait pour Qu�bec.
Vaudreuil avait m�rit� les acclamations des colons de la Louisiane. Il laissait la colonie dans un �tat de s�curit� et de prosp�rit� bien plus grand que celui dans lequel il l�avait trouv�e. Il avait acquis une exp�rience consid�rable et inestimable dans ses n�gociations avec les nations indiennes. Il avait aussi d�velopp� une conscience aigu� de la menace grandissante que repr�sentaient les colonies britanniques. Le 24 janvier 1753, le navire de Kerl�rec arriva � La Balise. Le 8 mai, Vaudreuil et sa suite quittaient La Nouvelle-Orl�ans. D�barqu� � Rochefort le 4 ao�t 1753, Vaudreuil �lut ensuite domicile � Paris.
On n��mit la commission nommant Vaudreuil gouverneur g�n�ral de la Nouvelle-France que le 1er janvier 1755. Pendant les quelque 20 mois qu�il passa en France, il y eut une �chauffour�e dans la vall�e de l�Ohio entre le major George Washington, � la t�te d�un parti de miliciens coloniaux, et un d�tachement de la garnison du fort Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie) [V. Louis Coulon de Villiers]. Cet accrochage marqua le d�but des hostilit�s, entre la Grande-Bretagne et la France, qui allaient s��tendre � quatre continents pendant les neuf ann�es suivantes. Ni Vaudreuil ni le gouvernement fran�ais ne se faisaient d�illusions sur leur capacit� de vaincre les Britanniques en Am�rique. La t�che de Vaudreuil, d�s lors, serait d�emp�cher l�ennemi de s�emparer de la Nouvelle-France.
Pour renforcer les d�fenses de Louisbourg, �le Royale (�le du Cap-Breton), et du Canada contre l�attaque pr�visible des Britanniques, le gouvernement fran�ais d�tacha, en 1755, six de ses 395 bataillons d�infanterie du minist�re de la Guerre et les pla�a sous l�autorit� du minist�re de la Marine. Le mar�chal de camp Jean-Armand de Dieskau re�ut le commandement des bataillons de l�arm�e au Canada. La r�daction de sa commission, qui serait �mise le 1er mars 1755, fut entreprise avec le soin le plus minutieux. On en fit plusieurs projets, de fa�on � s�assurer que tous les concern�s comprissent clairement et acceptassent que le commandant de ces bataillons �tait sous le commandement supr�me du gouverneur g�n�ral. On pr�voyait la possibilit� de conflits entre eux ; aussi Pierre Arnaud de Laporte, premier commis de la Marine, fit-il de tr�s sinc�res efforts pour supprimer toutes les causes possibles de querelles en d�finissant, dans le d�tail, les sph�res respectives d�autorit�. � Dieskau, on demandait d�ex�cuter sans discuter les ordres du gouverneur g�n�ral ; de celui-ci, on s�attendait qu�il consult�t Dieskau au moment d��tablir sa strat�gie. Entre hommes sens�s, l�arrangement e�t fonctionn� raisonnablement bien.
Vaudreuil, accompagn� de sa femme, mit � la voile pour Qu�bec � Brest, le 3 mai 1755, avec les navires qui portaient Dieskau et les six bataillons de l�arm�e. Le convoi �chappa � l�escadre du vice-amiral Edward Boscawen, d�p�ch�e par l�Amiraut� britannique, avant que la guerre e�t �t� d�clar�e, pour l�intercepter et s�en emparer ou pour le couler ; il arriva � Qu�bec le 23 juin. Une semaine plus t�t, les Britanniques aux ordres de Robert Monckton s��taient empar�s du fort Beaus�jour (pr�s de Sackville, Nouveau-Brunswick), et une arm�e command�e par le major g�n�ral Edward Braddock avait travers� les Alleghanys, progressant lentement mais d�une fa�on r�guli�re vers le fort Duquesne. D�autres effectifs anglo-am�ricains se regroupaient en vue d�attaquer les forts fran�ais du Niagara et du lac Champlain.
En qualit� de gouverneur g�n�ral, Vaudreuil �tait responsable en dernier ressort de tout ce qui se passait � l�int�rieur du vaste territoire sous sa juridiction. Les fonctionnaires qui lui �taient subordonn�s, en particulier l�intendant, avaient la charge de l�administration civile, des finances et de la justice. Le grave probl�me de l�approvisionnement de l�arm�e et des populations civiles �tait aussi du ressort de l�intendant. Bigot, doit-on dire, assumait cette t�che avec efficacit�, bien qu�� des co�ts accablants pour la couronne. Il s�arrangeait toujours pour fournir aux troupes ce qu�elles requ�raient. Tout au cours de la guerre, les relations entre Vaudreuil et Bigot, un homme charmant, � n�en pas douter, demeur�rent bonnes. Apr�s son am�re d�ception en Louisiane avec Le Normant et Michel, qui l�avaient contrecarr� en toute occasion, ce dut �tre un grand soulagement de travailler avec quelqu�un d�aussi complaisant et efficace que Bigot. Vaudreuil �tait bien au courant que l�intendant amassait une fortune personnelle, mais celui-ci faisait ce qu�il avait � faire, lib�rant le gouverneur de toute inqui�tude relative aux probl�mes de logistique. De toute mani�re, un gouverneur g�n�ral n��tait pas suppos� se m�ler des questions de finances.
Les affaires militaires et les relations avec les nations indiennes, sur l�appui desquelles il devait beaucoup compter au point de vue militaire, ressortissaient au gouverneur. Si quelque chose devait ne pas tourner rond dans ces domaines, il en serait tenu seul responsable. La principale pr�occupation de Vaudreuil, � partir du moment o� il mit pied � terre � Qu�bec, devait �tre la conduite de la guerre.
Toute sa strat�gie consistait � profiter au maximum des voies de communication int�rieures : le Saint-Laurent, les Grands Lacs, le Richelieu et le lac Champlain. Les Anglo-Am�ricains pouvaient, il le savait bien, grouper des forces bien sup�rieures en nombre � celles dont il disposait, mais il y avait une limite au nombre de celles qu�ils pouvaient utilement d�ployer le long des voies d�invasion. Le ravitaillement et son exp�dition, les routes et les moyens de transport constituaient autant de facteurs qui leur imposaient des limites. Il comptait aussi sur la d�sunion des coloniaux am�ricains, sur leur inaptitude � faire la guerre et, au contraire, sur la capacit� de ses troupes de frapper rapidement, �t� comme hiver, sur n�importe quel point de la fronti�re. Il pouvait transporter son arm�e par eau beaucoup plus rapidement qu�ils ne pouvaient faire avancer les leurs sur des routes ouvertes � travers les for�ts. Ainsi il pouvait attaquer les ennemis, leur infliger une d�faite sur un front et ensuite porter l�arm�e sur un autre point menac�, � temps pour les arr�ter de nouveau. Il avait aussi recours aux miliciens canadiens et aux auxiliaires indiens pour semer la destruction dans les �tablissements am�ricains, for�ant l�ennemi � immobiliser d�importants effectifs aux fins de la d�fense. La f�rocit� de cette petite guerre, � laquelle les Canadiens excellaient [V. Joseph Marin de La Malgue ; Joseph-Michel Legardeur de Croisille et de Montesson], terrorisait les Am�ricains et affectait gravement leur moral. En outre, les prisonniers qu�on ramenait en ces occasions fournissaient � Vaudreuil des renseignements sur les intentions de l�ennemi et les dispositions prises par lui. Il pouvait alors organiser des attaques destructrices contre les bases et les convois de ravitaillement, rendant difficile l�organisation d�un assaut. Combien efficaces et d�vastateurs pouvaient �tre les Canadiens et les Indiens, tant contre les unit�s de la milice am�ricaine que contre les troupes r�guli�res britanniques, on en a la preuve dans la destruction de l�arm�e de Braddock, � quelques milles du fort Duquesne, en juillet 1755 [V. Jean-Daniel Dumas].
Au cours des trois ann�es suivantes, Vaudreuil recourut avec beaucoup d�efficacit� � ces tactiques. Le major g�n�ral William Johnson, qui effectuait une avance vers le lac Champlain, fut repouss� en 1755, bien qu�avec moins de succ�s que Vaudreuil n�avait esp�r�. L�ann�e suivante, les troupes de Montcalm d�truisirent la base am�ricaine fortifi�e de Chouaguen (ou Oswego ; aujourd�hui Oswego, New York), ce qui valut aux Fran�ais la ma�trise des Grands Lacs. En 1757, le fort George (�galement appel� fort William Henry ; maintenant Lake George, New York) fut captur� apr�s un court si�ge et ras� � ce qui �liminait pour une autre ann�e la possibilit� d�une attaque ennemie � partir de ce quartier. Il ne fut jamais question de conserver les bases dont on s�emparait ainsi, les op�rations �tant purement d�fensives. Vaudreuil consid�rait l�attaque comme la meilleure d�fense.
Cette menace ext�rieure, si grave f�t-elle, se r�v�la plus facile � affronter que les probl�mes auxquels Vaudreuil avait � faire face au sein des bataillons fran�ais, et plus particuli�rement parmi les officiers d��tat-major. Pendant la campagne de 1755 contre l�arm�e de Johnson, Dieskau n�avait pas tenu compte des ordres de Vaudreuil de garder ses troupes group�es en un seul corps et avait tent� de surprendre l�ennemi avec moins de la moiti� des hommes � sa disposition. C��tait un risque calcul�, et il ne r�ussit qu�en partie. Les Am�ricains rest�rent ma�tres du champ de bataille et Dieskau fut fait prisonnier. Vaudreuil informa le ministre que les Canadiens avaient perdu confiance dans la comp�tence des officiers d��tat-major fran�ais pour la conduite des op�rations militaires sur le champ de bataille. Les conditions au Canada, insista-t-il, diff�raient sensiblement de celles auxquelles les troupes fran�aises �taient habitu�es, et leurs officiers ne voulaient pas tenir compte des conseils, ni m�me des ordres. En cons�quence, il demandait au ministre de ne point envoyer d�officier g�n�ral pour remplacer Dieskau. Cette requ�te fut repouss�e.
En octobre 1755, Andr� Doreil, le commissaire des guerres, dans une d�p�che au ministre de la Guerre, faisait le commentaire suivant sur les probl�mes et sur le caract�re de Vaudreuil : � C�est un g�n�ral qui a les intentions bonnes, droittes, qui est doux bienfaisant, d�un abord facile et d�une politesse toujours pr�venante, mais les circonstances et la besogne presente sont un peu trop fortes pour sa t�te, il a besoin d�un Conseiller, d�gag� des vues particulieres et qui luy suggere le courage d�esprit. � Doreil continuait en exprimant l�espoir que le commandant qu�on enverrait au printemps pour remplacer Dieskau f�t � d�un esprit liant et d�un caract�re doux �, parce qu�une telle personne saurait � gouverner � le gouverneur. Doreil n��tait certainement pas le meilleur juge des caract�res, le sien m�me laissant beaucoup � d�sirer, mais il y avait du vrai dans ce qu�il �crivit.
Le ministre de la Guerre e�t-il entrepris de trouver quelqu�un qui poss�d�t les qualit�s exactement contraires � celles qu��num�rait Doreil, il n�e�t pu mieux choisir que le marquis de Montcalm, qui n�avait jamais command� plus d�un r�giment avant d��tre nomm� commandant des bataillons fran�ais du Canada. Le ministre de la Marine �crivit � Vaudreuil : � M. le Mr de Montcalm n�a que les m�mes pouvoirs qu�avoit M. de Dieskau, et on luy a donn� les m�mes instructions qu�a luy. Ce n�est que sous votre autorit� qu�il peut exercer le commandement qui lui est confi�. Et il vous sera subordonn� en tout. � Montcalm re�ut instructions d�avoir � �tablir et � maintenir de bonnes relations avec Vaudreuil, mais il fit rapidement voir que cela d�passait ses forces. Il avait un esprit vif et caustique, et plus encore un temp�rament emport� qu�il ne parvenait pas � ma�triser. Si sa bravoure personnelle ne peut �tre mise en doute, il �tait un d�faitiste inv�t�r�, convaincu que chaque campagne dans laquelle il �tait engag� tournerait mal, et cherchait toujours � faire retomber le bl�me sur d�autres �paules que les siennes. Il souffrait beaucoup d��tre forc� de recevoir ses ordres d�un officier de la Marine, il �tait violemment en d�saccord avec Vaudreuil sur les questions de strat�gie et se montrait extr�mement critique devant la mani�re de combattre des Canadiens. Il ne se faisait pas scrupule de critiquer Vaudreuil en pr�sence de ses subordonn�s et de ses serviteurs, et ses paroles �taient, bien s�r, rapidement rapport�es � Vaudreuil, qui tant bien que mal s�arrangeait encore pour se montrer poli � son endroit au vu et au su de tous.
Au del� des apparences, toutefois, l��tat d�esprit de Vaudreuil �tait loin d��tre bon. � la v�rit�, il n�en pouvait plus et il �tait sur le point de perdre son sang-froid. Quelques mois apr�s son arriv�e � Qu�bec, il avait enti�rement perdu ses illusions, devant la situation qu�il devait affronter. Au point, � vrai dire, que les premiers navires en partance pour la France, au printemps de 1756, portaient une requ�te urgente de sa part pour obtenir qu�on le rappel�t. Il l�envoya vraisemblablement � son fr�re a�n� Jean, vicomte de Vaudreuil, pour qu�il la pr�sent�t au ministre. Comme aucune communication de ce genre, ni aucune mention d�icelle, n�appara�t dans la correspondance officielle, il semble �vident que le destinataire d�cida de ne pas y donner suite. L�e�t-il fait, la carri�re de Vaudreuil se f�t sans doute termin�e abruptement. Le 26 octobre 1756, sa sant� �tant mauvaise, il �crivit � son ami Calanne, � Saint-Domingue, une lettre, intercept�e par les Britanniques, qui r�v�lait � quel point son moral �tait bas. Apr�s avoir mentionn� la prise de Chouaguen, il ajoutait : � Le Canada est a present un chaos. Si je ne repasais pas en france je deviendrois fol. je n�ai pas eu un mot de reponse sur mon retour que jai demande fortement au commencement de lann�e. Comme on ne mauroit pas plus dobligation si je devenois impotant dans ce pays ci et quon ne me dira seurement pas grand merci des services essentiels que jy rends je repasserai sans permission Si ma sant� l�exige. on fait la guerre a present en Canada comme en france avec autant de suitte et dequipage il ny a que les pauvres Canadiens qui ne sont pas dans le Cas �tant toujours en partie avec les sauvages et essuyant tout le feu. �
Dans ses d�p�ches au ministre de la Marine, que Montcalm trouva le moyen de faire intercepter et copier, Vaudreuil portait les Canadiens aux nues mais critiquait les bataillons fran�ais en g�n�ral et le commandement de Montcalm en particulier. Il fut extr�mement irrit� de ce que Montcalm n�e�t pas obtemp�r� � ses ordres, en 1757, de poursuivre plus avant et d�aller d�truire le fort Lydius (aussi appel� fort Edward ; maintenant Fort Edward, New York) apr�s la chute du fort George. Il se plaignit que trop d�officiers fran�ais refusaient de servir dans les partis de guerre canadiens, sous pr�texte qu�ils n��taient pas venus au Canada pour mener cette sorte de guerre. Tout ce qu�ils consentaient � faire, c��tait d�attendre que l�ennemi v�nt � eux, en esp�rant alors �viter une d�faite. Il rapporta aussi que les miliciens canadiens, chez qui les soldats fran�ais avaient des billets de logement pendant l�hiver, acceptaient mal d��tre appel�s � se joindre � des partis de guerre pendant que les soldats restaient � l�arri�re, au coin du feu. Il accusa les officiers fran�ais de soutirer des rations en gonflant exag�r�ment les effectifs de leurs r�giments, de disposer de ces surplus et d�en empocher les revenus. D�autres sources apportent la preuve du fondement de ces accusations. � la fin de la guerre, plusieurs de ces officiers cherch�rent � convertir l�argent de papier de la colonie en lettres de change pour des montants qui exc�daient de beaucoup la solde et les gratifications touch�es. Vaudreuil affirma plus tard qu�il avait, de concert avec Bigot, �mis des ordres � contre lesquels Montcalm avait vivement protest� � pour mettre fin � ces abus. Leurs efforts � cet �gard obtinrent peu de succ�s. C�est l�attitude des officiers fran�ais � l�endroit des Canadiens qui provoqua le plus la col�re de Vaudreuil. Lui, et d�autres aussi, rapport�rent que les troupes fran�aises se comportaient comme si elles eussent �t� en territoire ennemi, pillant les habitants et les maltraitant impun�ment. Il informa le ministre que rien ne ferait plus de bien � la colonie, d�s la paix d�clar�e, que le rappel de ces troupes.
L�ann�e 1758 marqua le point tournant de la guerre et vit le conflit qui couvait depuis longtemps entre Vaudreuil et Montcalm �clater au grand jour. Le gouvernement britannique �tait plus que jamais d�termin� � �liminer la puissance fran�aise en Am�rique du Nord. De nombreux renforts de troupes r�guli�res britanniques travers�rent l�Atlantique, et des attaques furent pr�par�es contre Louisbourg, Carillon (Ticonderoga, New York), les forts Frontenac (Kingston, Ontario) et Duquesne. Louisbourg tint assez longtemps pour emp�cher l�arm�e d� Amherst, qui en fit le si�ge, d�attaquer Qu�bec cette m�me ann�e. � Carillon, Montcalm, bien qu�il se batt�t presque � un contre quatre, remporta une �tonnante victoire contre le major g�n�ral Abercromby. Un corps d�arm�e am�ricain, sous les ordres du lieutenant-colonel Bradstreet, d�truisit le fort Frontenac au cours d�une attaque surprise. Vaudreuil s��tait fi� aux Iroquois qui devaient le tenir inform� des mouvements de l�ennemi dans cette r�gion, mais, n�ayant jamais accept� la pr�sence de ce fort sur une terre qu�ils consid�raient comme leur appartenant, ils omirent de le pr�venir. La garnison du fort Duquesne, command�e par Fran�ois-Marie Le Marchand de Lignery, livra un brillant combat d�attente contre une troupe ennemie tr�s sup�rieure en nombre, aux ordres du g�n�ral de brigade John Forbes, et lui infligea de lourdes pertes, mais dut finalement se retirer en haut de la rivi�re Allegheny. Le syst�me d�fensif ext�rieur de Vaudreuil avait commenc� de s��crouler, mais l�ennemi �tait encore retenu bien loin du c�ur de la colonie. Cependant, Vaudreuil savait que l�assaut serait renouvel� l�ann�e suivante. Il informa le ministre que deux choses seulement pouvaient sauver la colonie : la fin h�tive de la guerre ou l�envoi de tr�s importants renforts, en hommes et en mat�riel, au printemps. Il chargea le major Michel-Jean-Hugues P�an de porter ses d�p�ches � la cour, de fa�on � sensibiliser le ministre sur l�urgence de la situation. La d�cision, d�s lors, ne lui appartenait plus.
Pour ce qui est du conflit avec Montcalm, il devait s�en occuper lui-m�me. Avant la campagne de Carillon, Montcalm avait critiqu� les ordres de Vaudreuil et l�avait ridiculis� ouvertement. Apr�s sa victoire, il porta de graves accusations, particuli�rement f�roces, contre le gouverneur g�n�ral et les troupes canadiennes, accusations qu�aucun officier sup�rieur ne pouvait appuyer ni ignorer. Montcalm d�clara aussi qu�il demanderait son rappel en France. Vaudreuil, trop heureux d�appuyer cette requ�te, envoya au ministre un vigoureux plaidoyer pour que Montcalm f�t promu lieutenant g�n�ral et qu�on employ�t ses incontestables talents en Europe. Il accorda � Bougainville et � Doreil la permission de passer en France, � l�automne de 1758, pour y repr�senter les vues de Montcalm sur la situation du moment. � leur arriv�e, ils trouv�rent un nouveau ministre de la Marine, Nicolas-Ren� Berryer, le quatri�me des cinq qui occup�rent ce poste pendant la guerre ; le mar�chal de Belle-Isle, vieillard d�cr�pit et vieil ami de Montcalm, �tait le nouveau ministre de la Guerre, le troisi�me depuis le d�but des hostilit�s. Le gouvernement fran�ais e�t pu difficilement se trouver dans un plus grand d�sarroi.
Berryer refusa d�entendre P�an, mais la requ�te de Vaudreuil, demandant le remplacement de Montcalm par L�vis, avec raisons � l�appui, fut examin�e avec soin et accept�e. Toutefois, la d�cision devait �tre soumise au roi, qui la rejeta, d�cr�tant, pour des motifs non formul�s, que Montcalm devait rester au Canada. Il fut promu lieutenant g�n�ral le 20 octobre 1758, ce qui cr�ait une situation anormale. Comme le fit valoir le ministre de la Marine en recommandant le rappel de Montcalm, un lieutenant g�n�ral �tait, hi�rarchiquement, au-dessus du gouverneur g�n�ral d�une colonie. Montcalm, par cons�quent, devait se voir confier le commandement de toutes les forces arm�es, encore que la responsabilit� de la s�curit� de la colonie incomb�t toujours � Vaudreuil, en tant que gouverneur g�n�ral. Les modalit�s du commandement �taient d�s lors d�sesp�r�ment confuses entre deux hommes qui ne pouvaient pas se sentir l�un l�autre.
Pendant ce temps, � Qu�bec, Montcalm se disputait avec Vaudreuil sur la strat�gie � employer en 1759. Il demandait qu�on incorpor�t les meilleurs hommes de la milice dans l�arm�e r�guli�re et qu�on abandonn�t les forts de l�ouest et du sud du lac Champlain, de fa�on � concentrer tous les effectifs disponibles pour la d�fense du c�ur de la colonie. Il fit aussi des recommandations pour la d�fense du bas du fleuve. Vaudreuil accepta d�incorporer la milice dans l�arm�e r�guli�re, mais il refusa d�abandonner les postes avanc�s. Il fit valoir que d�agir ainsi permettrait � l�ennemi de marcher sans opposition sur la colonie du Saint-Laurent, o� le sort de la Nouvelle-France se d�ciderait en une seule bataille contre une arm�e jouissant d�une sup�riorit� num�rique �crasante. Son intention �tait de s�opposer pied par pied � l�avance de l�ennemi, de fa�on � le retarder le plus possible et dans l�espoir que les m�res patries mettraient fin � la guerre avant l�envahissement du c�ur de la colonie.
� la mi-mai 1759, Bougainville rentra � Qu�bec, accompagn� de neuf navires marchands, suivis de pr�s d�un autre convoi de 17 navires [V. Jacques Kanon]. Ces arrivages vinrent soulager la grave p�nurie de vivres des mois pr�c�dents et apport�rent suffisamment de ravitaillement pour la prochaine campagne. Tout au cours de la guerre, la question des approvisionnements avait �t� une source d�ennuis. Des navires s��taient toujours pr�sent�s devant Qu�bec en nombre suffisant � plus de 40 en 1758 � pour r�pondre aux besoins de l�arm�e et de la population civile. Le v�ritable probl�me en �tait un de distribution. Une partie importante des approvisionnements disparaissait Dieu sait o�, et les habitants h�sitaient beaucoup � donner leurs produits en �change d�une monnaie de papier d�une valeur douteuse.
Montcalm se montra au comble de la joie en apprenant sa promotion et il promit des miracles. Vaudreuil ne pouvait qu��tre d�prim�. Il fut constern� aussi de ce que, sur l�avis de Montcalm, son plaidoyer en faveur de l�envoi de puissants renforts e�t �t� repouss�. Seulement 336 mis�rables recrues d�barqu�rent � Qu�bec. Et encore Vaudreuil recevait-il l�ordre de tenir l�ennemi en �chec et de conserver la ma�trise de la plus grande partie possible de la colonie, de mani�re � renforcer le pouvoir de marchandage de la France quand le temps serait venu de n�gocier un r�glement de paix. Le ministre, ayant d�j� not� que Montcalm d�tenait un grade sup�rieur � Vaudreuil, continuait de s�adresser � celui-ci comme � l�officier responsable. Montcalm ne tenta pas de s�emparer du commandement, ni de la responsabilit� inh�rente de ce qui pouvait arriver par la suite. Il �tait bien content de laisser cela � Vaudreuil. Ce fut une pi�tre consolation pour ce dernier d�apprendre qu�on lui avait accord� la grand-croix de Saint-Louis, accompagn�e d�une gratification de 10 000� ; il avait �t� nomm� commandeur de l�ordre en 1757. Il n�eut, toutefois, gu�re le temps de s�apitoyer sur son sort, car, � la fin de mai 1759, on apprenait qu�une grande flotte britannique remontait le Saint-Laurent. D�une fa�on inexplicable, les dispositifs de d�fense dont Montcalm et lui avaient discut� n�avaient pas �t� mis en place [V. Gabriel Pellegrin]. L�eussent-ils �t�, la flotte britannique e�t pu subir des dommages consid�rables avant d�atteindre Qu�bec. Vaudreuil doit �tre tenu responsable de cette omission.
Vaudreuil donna provisoirement le commandement de toutes les forces arm�es et de la ville elle-m�me � Montcalm, qui, fort bien second� par L�vis, r�ussit � tenir l�arm�e de Wolfe en �chec pendant tout l��t�. En septembre, les Britanniques �taient d�courag�s, les Fran�ais et les Canadiens jubilaient, croyant que l�ennemi serait forc� de se retirer dans peu de jours et que la campagne se terminerait glorieusement. Alors, Wolfe fit rapidement passer le gros de son arm�e d�aval en amont de Qu�bec, il la fit d�barquer dans la nuit du 12 septembre et, au point du jour, il l�avait align�e � moins d�un mille des murs de la ville. On a d�pens� beaucoup d�encre pour discuter qui devait �tre bl�m�, du c�t� fran�ais, pour ce renversement de situation. En fait, Vaudreuil et Montcalm eussent-ils d�sir� tendre un pi�ge � l�arm�e de Wolfe et la mettre en position d��tre enti�rement d�truite, ils n�eussent pu esp�rer la voir dans un endroit plus convenable � leurs desseins que celui que Wolfe avait choisi. Montcalm, cependant, se laissa gagner par la panique. Sans prendre le temps d��valuer la situation, de consulter Vaudreuil ou son propre �tat-major, il se lan�a, avec le tiers seulement des forces dont il disposait, dans une attaque mal con�ue et encore plus mal dirig�e. En moins d�une heure son arm�e taill�e en pi�ces avait fui le champ de bataille, et lui-m�me �tait mortellement bless�.
Dans une d�p�che au ministre, Vaudreuil affirma plus tard que, en apprenant la position des Britanniques, il avait envoy� une note � Montcalm, lui demandant de ne rien pr�cipiter, d�attendre plut�t que toutes les troupes fussent rang�es en ordre de bataille. � son arriv�e sur les hauteurs, tout �tait termin�. Il soutint avoir vainement tent� de rallier les troupes en fuite. Seuls les Canadiens r�pondirent � son appel. Subissant de lourdes pertes, ils tinrent les Britanniques en �chec sur le flanc droit, ce qui permit aux troupes r�guli�res de traverser la Saint-Charles sans encombre. Ensuite Vaudreuil entreprit d�instaurer un certain ordre. Il fit remettre une note � Montcalm, qui �tait entre les mains des chirurgiens � Qu�bec et n�en avait que pour quelques heures � vivre, lui demandant son id�e sur ce qu�on pouvait faire. Montcalm r�pondit qu�il devait chercher � obtenir des conditions pour la capitulation de toute la colonie, ou lancer une nouvelle attaque, ou encore remonter le fleuve pour rallier la troupe d��lite de 3 000 hommes de Bougainville � la rivi�re Jacques-Cartier. Vaudreuil voulait lancer une autre attaque, � l�aurore, le lendemain. Les pertes britanniques avaient �t� aussi grandes que celles des Fran�ais, qui �taient encore sup�rieurs en nombre dans une proportion de trois contre un, et qui tenaient encore la ville fortifi�e. Il convoqua un conseil de guerre, auquel assist�rent Bigot, Pierre-Andr� Gohin de Montreuil, Nicolas Sarrebource Maladre de Pontleroy, Jean-Daniel Dumas et les commandants des corps d�arm�e. Les officiers n�avaient pas assez d�estomac pour se lancer dans une nouvelle bataille ; seul Bigot la d�sirait. Unanimement, les militaires vot�rent pour la retraite sur la Jacques-Cartier. Vaudreuil dut s�y r�soudre. On ne pouvait gu�re esp�rer une attaque victorieuse d�une arm�e vaincue command�e par de tels officiers, et une nouvelle d�faite e�t �t� fatale. Vaudreuil donna donc des ordres pour que l�on se repli�t sur la Jacques-Cartier, � la faveur de la nuit. Les canons furent enclou�s, les tentes, l��quipement et les provisions, abandonn�s. Vaudreuil envoya un mot � Montcalm, l�informant de sa d�cision et exprimant tr�s sinc�rement l�espoir qu�il se remettrait de ses blessures. Au commandant de la garnison de Qu�bec, Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay, il envoya un ordre, r�dig� plus t�t par Montcalm, lui demandant de tenir aussi longtemps qu�il pourrait, mais l�autorisant � rendre la ville plut�t que de soutenir une attaque qui e�t amen� les ennemis, selon les lois de la guerre, � ne point faire quartier � ses habitants. Il envoya aussi un mot, sur ces �v�nements, � L�vis, qui se trouvait � Montr�al. L�vis quitta Montr�al � l�instant, arriva � la Jacques-Cartier le 17 et, imm�diatement, entreprit de restaurer l�ordre au sein de l�arm�e d�moralis�e.
Vaudreuil et L�vis tomb�rent d�accord que la situation pouvait encore �tre r�tablie si on pouvait emp�cher les Britanniques d�occuper Qu�bec. Vaudreuil envoya � Ramezay un ordre, qui annulait le pr�c�dent, de tenir et de ne pas capituler, et l�informant que des approvisionnements et des renforts lui parviendraient dans les quelques heures suivantes. Ramezay ne tint pas compte de cet ordre et rendit Qu�bec le 18. Sans cela, l�arm�e britannique e�t d� lever le si�ge dans les jours suivants et partir avec la flotte, qui n�aurait os� courir le risque d��tre bloqu�e sur le fleuve par l�arriv�e soudaine de l�hiver. Vaudreuil envoya � Ramezay une note br�ve et acerbe, l�informant qu�il aurait � rendre compte au roi personnellement de son geste ; Vaudreuil, lui, ne le pouvait pas. Il n�y avait plus rien � faire, sinon d�envoyer un message en France, avec un plaidoyer d�sesp�r� pour l�envoi de puissants renforts t�t au d�but de l�ann�e suivante, de fa�on qu�ils arrivassent avant que la flotte britannique ne transport�t � Qu�bec une nouvelle arm�e. Vaudreuil arriva � Montr�al le 1er octobre, et, en novembre, L�vis se replia avec ses troupes abattues pour aller le rejoindre, pendant que trois arm�es britanniques se pr�paraient � marcher sur cette place non fortifi�e, dernier reste de la puissance fran�aise en Am�rique, � l�est du Mississippi.
Vaudreuil, qui avait toujours maintenu de bons rapports avec L�vis, lui laissa les pr�paratifs et la direction de la prochaine campagne, en lui apportant toute l�aide possible. Quand, en avril 1760, Vaudreuil ordonna aux miliciens canadiens de rallier l�arm�e pour marcher sur Qu�bec, ils r�pondirent bien. L�vis remporta une brillante victoire sur l�arm�e britannique aux ordres de Murray, devant les murs de Qu�bec, mais la flotte et les renforts attendus de France n�arriv�rent point. Les troupes fran�aises, et les grenadiers eux-m�mes, tout autant que les Canadiens des troupes de la Marine et de la milice, voyant toute r�sistance d�sormais inutile � elle ne pouvait mener qu�au vain sacrifice de leurs vies, qu�� la rapine et � la destruction d�un plus grand nombre encore de fermes et de r�coltes, avec la perspective prochaine de l�hiver et de la famine � commenc�rent � d�serter en masse.
Quand les arm�es britanniques, qui avaient fait leur avance par le Saint-Laurent et le lac Champlain, se trouv�rent aux portes de Montr�al, leurs canons point�s en direction de la ville, Vaudreuil, dans la nuit du 6 septembre 1760, convoqua un conseil de guerre auquel assist�rent les officiers sup�rieurs et Bigot. Ils s�accord�rent tous � juger la situation sans espoir et discut�rent des conditions � demander � Amherst pour la capitulation du Canada, de l�Acadie et des postes de l�Ouest, aussi �loign�s au sud que le pays des Illinois. Vaudreuil en r�digea ensuite les clauses avec grand soin, ayant � l�esprit deux objectifs principaux : d�abord, la protection des droits des Canadiens concernant leur religion, leurs biens et leurs lois, m�me dans l��ventualit� o� le Canada ne serait pas rendu � la couronne fran�aise � la fin de la guerre ; puis, les traditionnels honneurs de la guerre aux troupes sous son commandement et leur passage, en toute s�curit�, en France. Ensuite, on d�puta Bougainville aupr�s d�Amherst, au matin, pour demander une tr�ve jusqu�au 1er octobre. Si, � cette date, on n�avait point re�u la nouvelle du r�tablissement de la paix en Europe, les Fran�ais capituleraient. La journ�e enti�re du 7 septembre se passa en n�gociations. Amherst refusa de suspendre les armes jusqu�� la fin du mois. Il accepta la plupart des conditions propos�es par Vaudreuil, r�pondit d�une fa�on �quivoque � quelques-unes, la question de la religion en particulier ; il insista cependant pour que les soldats de l�arm�e r�guli�re comme ceux des troupes de la Marine ne servissent plus au cours de cette guerre, et il leur refusa fort incivilement les honneurs de la guerre. Bougainville allait et venait d�un camp � l�autre, Vaudreuil essayant toujours d�obtenir d�Amherst des conditions plus g�n�reuses, mais sans r�sultat.
� la fin de la nuit, quand L�vis et ses officiers sup�rieurs apprirent l�intransigeance d�Amherst, qui refusait de les obliger, ils protest�rent dans les termes les plus forts aupr�s de Vaudreuil, tant verbalement que par �crit. L�vis demanda la rupture des n�gociations et la permission de Vaudreuil de faire une sortie sur l�ennemi avec les 2 400 hommes qui leur restaient, ou � tout le moins l�autorisation de se retirer dans l��le Sainte-H�l�ne, pr�s de la ville, pour y d�fier Amherst, plut�t que d�accepter des conditions qui priveraient la France de dix bataillons, sans mentionner la ruine de leurs propres carri�res. Vaudreuil et Montcalm avaient ant�rieurement re�u des ordres de la cour � l�effet qu�ils devaient � tout prix sauvegarder l�honneur de l�arm�e. Les conditions auxquelles Augustin de Boschenry de Drucour avait rendu Louisbourg avaient �t� jug�es humiliantes, et le roi avait clairement laiss� entendre qu�il ne souffrirait plus semblable affront.
Vaudreuil avait maintenant � prendre une cruelle d�cision. Donner le champ libre � L�vis sauverait l�honneur et plairait � Louis XV, mais au prix du massacre de ce qui restait des troupes r�guli�res, de la destruction de Montr�al, de souffrances incalculables du peuple canadien, qu�on abandonnerait ainsi � la merci de l�ennemi, lequel n�aurait nulle raison de faire quartier ou d��prouver quelque scrupule. Les Britanniques avaient d�j� prouv�, en Irlande, dans les Highlands d��cosse et en Acadie, � quel point ils pouvaient �tre impitoyables sous la provocation. Faisant montre � la fois de sens commun et de force de caract�re, Vaudreuil rejeta la demande de L�vis et lui ordonna de se soumettre aux conditions d�Amherst. Dans un dernier geste de d�fi, avant que ses troupes ne d�posassent leurs armes sur le Champ de Mars, L�vis donna l�ordre de br�ler les drapeaux des r�giments. Plus tard ce m�me jour, 8 septembre, les Britanniques entraient � Montr�al.
Le 18 octobre, Vaudreuil partit de Qu�bec sur un navire britannique et d�barqua � Brest le 28 novembre. Il savait bien que c��tait au prix de sa carri�re, qui ne pouvait maintenant se terminer que dans la honte, qu�il avait agi de fa�on � �pargner les Canadiens. S�il e�t quelques doutes � ce sujet, ils furent lev�s quand, au d�but de d�cembre, alors qu�il �tait encore � Brest, une missive du ministre l�informait de l��tonnement du roi en apprenant que sa colonie, le Canada, avait �t� rendue � l�ennemi. Les protestations de L�vis et de ses officiers �taient cit�es pour d�montrer que, malgr� la disproportion des combattants en pr�sence, une derni�re attaque ou, � tout le moins, la r�sistance � l�assaut de l�ennemi contre les positions fran�aises e�t oblig� Amherst � consentir des conditions plus honorables � l�arm�e de Sa Majest�.
Le vicomte de Vaudreuil fit imm�diatement savoir au duc de Choiseul, ministre de la Marine, son vif d�pit de voir son fr�re ainsi trait�. Choiseul r�pliqua avec courtoisie, comme toujours, qu�il avait �t� oblig� d�exprimer le d�plaisir du roi au sujet de la capitulation de Montr�al, que l�ancien gouverneur g�n�ral ne devait pas prendre cette affaire trop � c�ur, et qu�il serait toujours heureux de rendre justice au z�le et aux longues ann�es de service du fr�re du vicomte. Cette r�ponse, toutefois, s�av�ra une mince consolation pour Vaudreuil, puisqu�elle ne l�emp�cha pas d��tre impliqu� dans l�Affaire du Canada.
Le gouvernement devait trouver un bouc �missaire pour la perte de son empire en Am�rique du Nord et pour les factures �normes qu�il avait accumul�es afin d�en assurer la d�fense. Les minist�res de la Marine et de la Guerre, il fallait s�y attendre, ne prendraient point leur part de bl�me. Montcalm �tait mort, et le roi ne permettrait pas que les bataillons de l�arm�e fussent tenus pour coupables. Restaient Vaudreuil et Bigot : le choix s�imposait. Le 17 novembre 1761, Bigot fut envoy� � la Bastille. Vaudreuil l�y suivit le 30 mars 1762, mais fut remis en libert� provisoire le 18 mai.
Pendant son long proc�s, interminable, une p�nible maladie frappa son �pouse. Ses souffrances dur�rent six mois et ne se termin�rent qu�avec sa mort, � l�automne de 1763. Le fr�re de Vaudreuil, Louis-Philippe, mourut aussi au cours de ces m�mes mois. Vaudreuil avoua que ces afflictions, ajout�es � tout ce qu�il avait eu � traverser depuis son arriv�e en France, lui avaient fait penser que la vie ne valait plus gu�re la peine d��tre v�cue. M�me si rien ne pouvait le consoler de la perte de sa femme, il se sentit revivre quand, le 10 d�cembre 1763, les juges du tribunal le disculp�rent. Le roi lui permit alors d��tre investi de la grand-croix de l�ordre de Saint-Louis ; il lui accorda en outre un suppl�ment de pension de 6 000�, en compensation de tout ce qu�il avait souffert pendant qu�il �tait impliqu� dans l�Affaire du Canada. Dans une lettre du 22 mars 1764, Vaudreuil rapporte que la noblesse, les ministres, les princes m�mes avaient manifest� le plaisir que leur causait sa justification. Pour couronner le tout, il avait d�n� avec le duc de Choiseul, qui lui r�v�la n�avoir jamais ajout� foi aux accusations port�es contre lui par un des ministres de la Marine du temps, Berryer, et qu�il �tait tr�s heureux de voir son nom finalement blanchi.
Vaudreuil pouvait d�s lors consid�rer avec plus de s�r�nit� le d�roulement de sa carri�re. Il avait atteint le plus haut degr� hi�rarchique dans le service aux colonies et il touchait une pension qui lui permettait de vivre modestement, mais dignement. Pendant les 14 ann�es qui suivirent, il connut le calme de la retraite, dans sa maison de Paris, rue des Tournelles, dans le quartier latin, o� il mourut le 4 ao�t 1778.
Pierre de Rigaud, marquis de Vaudreuil, �tait de toute �vidence une personne nerveuse, au temp�rament complexe, qui �touffait ses �motions et ne laissait quiconque dans son entourage soup�onner le trouble qui l�agitait int�rieurement. Sa crise de nerfs de 1756, ann�e o� il demanda d��tre rappel�, m�me si cela e�t mis fin � sa carri�re, en est la preuve. Les circonstances de ses longues fr�quentations et de son mariage tardif avec une femme sans fortune, alors dans la soixantaine et de 15 ans son a�n�e, paraissent �tranges aussi, m�me si l�on consid�re l��poque et l�ambiance.
Son r�le de commandant en chef de la Nouvelle-France, d�j� compliqu� par la longue et acerbe rivalit� opposant les troupes r�guli�res et celles de la Marine, fut empoisonn� par la vendetta personnelle men�e contre lui par Montcalm. Il ne pouvait pas �tre bl�m� pour la d�faite finale et la perte de la colonie. Il faut plut�t lui attribuer en bonne partie le m�rite de la t�nacit� de la colonie qui r�sista aussi longtemps contre des forces tr�s sup�rieures. Sa vraie mesure, cependant, il la donna quand, passant pardessus les sentiments de L�vis, il insista pour que Montr�al capitul�t, de fa�on � �pargner au peuple canadien des morts et des destructions inutiles. Ce geste demandait une grande force de caract�re, puisqu�il devait savoir, en agissant ainsi, qu�il mettait en p�ril sa carri�re et tout ce pour quoi il s��tait si longtemps battu. L�vis r�suma honn�tement et bri�vement cette affaire quand, � son arriv�e � La Rochelle, le 27 novembre 1760, il �crivit au ministre de la Marine : � Sans chercher a donner des Eloges d�plac�es je crois pouvoir dire que M. le Mis de Vaudreuil a mis en usage jusqu�au dernier moment toutes les resources dont la prudence et l�Experience humaine peuvent estre capables. �
W. J. Eccles