La maison Armagnac (original) (raw)

Armagnac est un mot, un nom dans l'histoire de France, un territoire du Sud-Ouest, un produit haut de gamme et enfin un dialecte du gascon employ� dans le centre de l'Aquitaine.
Ce qui nous int�resse pour lors c'est l'origine de cette appellation. Elle a �t� constitu�e � partir d'un surnom (cognomen) tr�s en vogue dans l'ancienne Germanie: Armin.

Il est form� par la racine (H)Ardt qui signifie puissant, fort, et de Minn(e), homme de guerre: Armin en vieux germanique signifiait: le puissant guerrier. Il est encore port� comme nom de famille de nos jours (cf. mar�chal von Armin). Rome avait eu � se plaindre d'un Armin, latinis� en Arminius, qui avait extermin� deux l�gions romaines command�es par Varus. L'empereur Auguste, si l'on en croit Su�tone, en avait des cauchemars qui avaient gravement alt�r� sa sant�.

En allemand moderne, Armin a �volu� en Herman(n) et, en fran�ais, Armin est devenu Armand. L'Armin qui nous int�resse �tait sans doute un chef de guerre franc qui a re�u du pouvoir m�rovingien un domaine en Novempopulanie. Qu'est-il devenu? Emport� vraisemblablement par le torrent de l'histoire...

Au Xe si�cle, les comtes de Fezensac, descendants des princes-ducs de Vasconie, avaient constitu� pour leurs pu�n�s un comt� d'Armagnac (le suffixe AcAcum du gallo-romain indique la possession): Armagnac signifie donc le domaine d'Armin.

Les comtes d'Arminiac ou d'Armingnac ou d'Armagnac allaient devenir une puissante famille f�odale. Lorsque l'on �voque la maison d'Armagnac-Fezensac, on est port�, tout naturellement, � penser � cette faction qui s'opposa � la maison de Bourgogne pendant la guerre de Cent Ans. Le grand �rudit Charles Samaran a pu �crire tr�s justement: �Les Armagnacs! Ces grands princes gascons dont la race s'�teignit avec le XVe si�cle... Qui ne se souvient de la guerre civile qui les opposa aux Bourguignons, puis leurs luttes insens�es contre les rois de France, de leur orgueil, de leurs d�bauches, de ce sombre drame enfin qu'ils jou�rent � la fin du XVe si�cle et dont on a pu dire qu'il �galait en horreur ce que raconte la l�gende thib�taine de la famille des Laios... C'�taient les derniers rejetons d'une race jadis victorieuse, sur qui semble s'�tre acharn�e la fatalit� antique... � Et pourtant lorsque la guerre de Cent Ans tourna � l'avantage de la Royaut� fran�aise, les comtes d'Armagnac pouvaient se f�liciter de leur bon choix, car ce conflit avait �t� pour eux b�n�fique. ils avaient agrandi leur domaine, d�j� consid�rable, leur fortune �tait immense... Ils �taient parmi les premiers des grands feudataires du royaume de France. Mais la destin�e a voulu qu'atteignant un des sommets de la puissance la chute irr�m�diable de cette maison n'en f�t que plus proche.

Les deux comtes, jean IV et son fils, furent les pitoyables acteurs de cette trag�die qui ruina un des plus prestigieux comt�s de la mouvance de France. Les comtes d'Armagnac-Fezensac �taient issus des ducs de Vasconie. Ces princes gascons, descendants directs de Sanche-Mitara, avaient r�gn� sans partage dans le Sud-Ouest fran�ais jusqu'� l'aube du Xle si�cle o� leur race s'�tait �teinte. Ces ducs, v�ritables souverains, r�gnaient par la ""gr�ce de Dieu," et nul ne contestait cette formule r�galienne, en particulier les premiers Cap�tiens, auxquels ils ne rendaient pas hommage et que, bien plus, ils consid�raient comme des parvenus. Ces ducs, parmi lesquels il faut distinguer Guillaume Sanche et son fils Sanche-Guillaume, furent des chefs de guerre et d'habiles politiques. Leur puissance �tait telle qu'ils pouvaient aider leurs parents de la maison royale de Navarre � repousser les assauts des musulmans d'Espagne et, dans le m�me temps, an�antir sur le flanc occidental de la Gascogne des troupes de Normands.

La bataille de Taller en l'an 982 (f�t�e avec �clat par la Soci�t� de Borda de Dax) fut le point fort de la puissance ducale gasconne. Le duc GuillaumeSanche avait sa Cutia dans son palais de Saint-Sever et lorsqu'il convoquait les grands de sa principaut�, archev�ques m�tropolitains d'Auch et de Bordeaux, �v�ques, comtes et barons accouraient aux ordres. Mais un mauvais g�nie a voulu que cette noble race de ducs de Vasconie s'�teignit au commencement du Xle si�cle.

C'est le comte d'Armagnac, Bernard, dit Tumapaler, qui h�rita du duch�; m�diocre politique, il en fut d�poss�d� par son cousin germain Gui-Geoffroy, comte de Bordeaux, et de Poitiers, � la suite de la bataille de la Castelle en 1063, pr�s de l'endroit o� allait s'�lever, trois si�cles plus tard, la bastide de Caz�res-sur-l'Adour. Bernard Tumapaler (du gascon tumo-pailh�s, encorneur de meules de paille) qui �tait l'anc�tre des comtes d'Armagnac-Fezensac avait eu maille � partir avec l'archev�que d'Auch, Austinde, qui fonda la ville de Nogaro et finit ses jours dans un couvent, o�, aigri et d�sabus�, il s'�tait retir�. Malgr� cet �chec, la maison d'Armagnac-Fezensac allait retrouver force et vigueur avec le temps, gr�ce � des alliances matrimoniales fructueuses, au butin de guerre contre les musulmans d'Espagne et aussi � quelques rapines dont les victimes �taient parfois les proches parents (Pardiac).

Quand arriva la guerre de Cent Ans, les comtes d'Armagnac �taient ma�tres de nombreux territoires s'�tendant en partie sur les actuels d�partements du Gers, des Landes, du Lot-et-Garonne, des Hautes-Pyr�n�es et m�me de l'Aveyron. Les Armagnac �taient apparent�s �troitement avec les familles royales de Navarre, de Castille et d'Aragon et � tous les grands f�odaux du Sud-Ouest. Bien que th�oriquement vassaux des ducs d'Aquitaine, qui �taient en m�me temps rois d'Angleterre, les Armagnac refus�rent de leur pr�ter assistance, se d�clar�rent neutres dans le conflit qui opposa la France � l'Angleterre.

L'arm�e fran�aise essuya d�faite apr�s d�faite et malgr� cela les comtes d'Armagnac finirent par devenir francophiles entra�nant avec eux leurs vassaux ce qui allait valoir � la Gascogne centrale et orientale de passer sous l'influence fran�aise. Est-ce par calcul politique, soif d'argent ou bien rancune � l'�gard d'une famille qui les avait d�poss�d�s du titre ducal, on ne le sait! Toujours est-il que les comtes d'Armagnac se jet�rent dans les bras des rois de France et allaient demeurer longtemps leur plus fid�le soutien. De leur c�t� les rois de France pour s'assurer de la p�rennit� de leurs alliances ne l�sin�rent pas sur les donations de villes, de seigneuries et combleront d'�cus et d'honneurs cette race guerri�re.

Cette mont�e vers la puissance fut parfois contrecarr�e par la maison parente mais rivale des Foix-B�arn. La bataille de Launac en 1362, qui vit l'�clatante victoire de Gaston Febus sur jean ler d'Armagnac et le versement par ce dernier d'une �norme ran�on au vainqueur, ne retarda gu�re l'irr�sistible marche en avant de la famille comtale. Quelques ann�es plus tard, gr�ce aux subsides des rois de France, les Armagnac avaient trouv� toute leur puissance. Gris�s par cela, ils reprirent � leur compte la formule r�galienne des ducs de Vasconie: ils se firent comtes d'Armagnac et Fezensac par la gr�ce de Dieu. On peut se douter que la formule r�galienne ne plut que mod�r�ment aux rois de France mais par prudence et calcul politique ils s'abstinrent d'interdire � leurs pr�cieux alli�s Gascons cette orgueilleuse devise.

Le d�clin

S'il est des hommes choy�s par le destin, Charles VII fut l'un de ceux-l�. � son av�nement, les Anglais occupaient la majeure partie du domaine royal. Le jeune roi de Bourges fut abreuv� d'humiliations, sa filiation royale fut m�me sujette � caution. Son avenir parut fix�. Il finit dans quelque couvent ou obscure prison dor�e. Mais servi par une femme et des hommes exceptionnels, il allait reconqu�rir en moins de 20 ans la totalit� de son royaume et lorsque la guerre de Cent Ans prit fin en 1453, sur une victoire compl�te, son arm�e �tait compos�e de troupes aguerries et son artillerie �tait la plus forte du monde. Charles VII avait go�t� � l'amertume de la pr�carit� de son �tat de roitelet contest�. Il s'en souvint et lorsque la puissance lui fut acquise il voulut r�gner sans partage et abaisser les grandes f�odalit�s.

Les grands du Royaume avaient-ils compris que leur r�gne allait s'achever? Il est permis de le penser. Les comtes d'Armagnac avaient soutenu le jeune roi Charles VII. Ils pouvaient donc l�gitimement esp�rer quelques reconnaissances de la Royaut� fran�aise. Charles VII �tait bien dispos� � leur �gard.

C'est � ce moment pr�cis -en 1425- que l'avant-dernier comte jean IV, t�te folle peut-�tre mais mauvais politique assur�ment, inquiet de la mont�e de la puissance royale, choisit de rendre hommage au roi de Castille, arguant de la communaut� d'origine des deux familles. Charles VII qui avait encore sur les bras la guerre franco-anglaise et qui ne voulait pas d'un second conflit avec la monarchie castillane, une puissance qui allait � son z�nith, ne put s'opposer militairement � cet hommage, mais garda rancune contre la maison d'Armagnac.

Quelques ann�es plus tard, jean IV d'Armagnac n�gocia secr�tement le mariage de son dernier enfant, isabelle, avec le jeune roi d'Angleterre. La cour d'Angleterre pensait raffermir la puissance anglaise compromise en recherchant une alliance avec une grande famille f�odale gasconne. Mais ces tractations furent d�couvertes et jean IV, inquiet des menaces pr�cises du roi de France, ne donna pas suite � ce projet de mariage.

En 1440, �clata la r�volte de la Praguerie, foment�e par les plus grands seigneurs du Royaume auxquels s'�tait joint le Dauphin, le futur Louis XI. jean d'Armagnac, qui ne rata d�cid�ment pas une occasion de d�plaire au roi de France, adh�ra avec enthousiasme.

Charles VII vint � bout des rebelles et il eut assez d'intelligence politique pour traiter les vaincus avec g�n�rosit�, mais il ordonna aux comtes d'Armagnac-Fezensac et Foix-B�arn de renoncer � leur formule r�galienne. Le comte de Foix feignit de s'y soumettre, mais jean IV pr�textant l'ant�riorit� de sa filiation royale sur celle du souverain refusa avec hauteur. Charles VII ulc�r� par tant d'insolence d�cida alors d'en finir avec le comte d'Armagnac. Il chargea son fils -qui �tait rentr� en bonnes gr�ces- de capturer le rebelle. jean IV ne se m�fia pas de son ancien complice de la Praguerie. Il fut assi�g� et captur� avec une partie de sa famille dans un de ses ch�teaux � l'Isle-Jourdain. Il fut emprisonn� � la citadelle de Carcassonne en 1443. il y resta trois ans, puis fut �largi � la suite d'une requ�te du roi de Castille, mais r�duit � l'impuissance jusqu'� sa mort qui survint en 1450.

jean IV d'Armagnac avait �t� mari� � isabelle de Navarre, troisi�me fille du roi Charles 111 de Navarre, dit le Noble. Il eut cinq enfants l�gitimes, par ordre de primog�niture: jean, vicomte de Lomagne, futur jean V; Marie qui �pousa le duc d'Alen�on; Ali�nor qui se maria avec Louis de Chalons de la famille d'Orange; Charles, vicomte de Fezensaguet et enfin isabelle qu'il pensa marier au roi d'Angleterre. Ainsi jean IV, m�diocre politique, par manque de simple bon sens a �t� l'artisan du d�p�rissement de sa maison, Il aurait pu recueillir les int�r�ts de l'aide efficace que ses anc�tres n'avaient pas m�nag�e aux rois de France. Au contraire, son orgueil, ses foucades, lui firent perdre l'amiti� du roi de France.

La chute

Pourtant rien n'�tait perdu lorsque le vicomte de Lomagne succ�da � son

p�re � la t�te du comt�. La mort de son p�re surprit le futur jean V en train de guerroyer en compagnie de son ami protecteur le dauphin Louis. Charles VII qui avait appr�ci� sa fougue sur les champs de bataille et sa loyaut� le confirma dans tous ses droits et ses biens mais lui interdit d'user de la formule r�galienne.

jean V avait trente ans. Il n'�tait pas encore mari�, chose �trange � cette �poque o� l'on mariait les enfants. C'�tait un homme de guerre. Ses mani�res sentaient le re�tre plus que le gentil comte. Les chroniques du temps le d�peignirent ainsi: �Le feu coulait dans ses veines. Il �tait aussi violent dans ses d�sirs qu'imp�rieux dans ses actions." il ressemblait en cela � son a�eul, Bernard VII, un moment ma�tre de Paris avant de finir sous le poignard des Bourguignons, et dont la devise, ,S'y daballe" (si je descend), faisait rentrer dans l'ob�issance les villes et les bourgs turbulents. Son aspect physique n'�tait pas s�duisant: il �tait de taille petite, trapu et m�me bedonnant, mais dou� d'une grande force corporelle. Il avait le cou enfonc�, surmont� d'un visage bourgeonn� avec des yeux bigles et le tout couronn� d'une tignasse rousse. Les Armagnac ont toujours �t� une race de guerriers aux r�actions tumultueuses et � la t�te un peu folle. jean V ne faisait pas exception � la r�gle et nous savons d�j� que le feu coulait dans ses veines et qu'il �tait violent dans ses d�sirs.

Or il advint que le nouveau comte d'Armagnac se trouva seul dans son ch�teau de Lectoure en compagnie de sa soeur isabelle d'une dizaine d'ann�es plus jeune que lui. Mathieu d'Escourchy, le chroniqueur de l'�poque, rapporte: ,Isabeau d'Armagnac estoit pour ces tems une des plus belles femmes du royaulme de France. ") Sans outrager sa m�moire, on peut avancer que si la beaut� lui avait �t� largement dispens�e, comme tous les Armagnac, elle avait la t�te un peu "faible".

Lorsque Jupiter veut perdre les hommes, il les rend fous! Cette maxime romaine pourrait s'appliquer � jean V d'Armagnac. �bloui par la beaut� de sa soeur, il osa d�clarer sa flamme � Isabelle et les chroniqueurs rapportent qu'ayant eu le funeste bonheur de faire partager sa passion les murs du ch�teau de Lectoure ne furent pas assez �pais pour �touffer les cris des deux enfants qui naquirent du crime du fr�re et de la soeur.

Le couronnement de Charles VII

On rapporte que Charles Vil les entendit de Paris et qu'il en fut fort courrouc�: ,Pource que c'est grand tort contre la Sainte Foy et pource que le dit Comte descendait de couronne royale." Il lui d�p�cha sur-le-champ de bonnes et discr�tes personnes pour lui remontrer sa faute, lui offrir d'interc�der aupr�s du pape pour obtenir le pardon et le mena�a de toute son ire ", auquel cas il se vouloir persister dans son abominable erreur".

jean V parut se soumettre aux ordres du roi. Le pape Nicolas qui avait appris l'inceste l'avait excommuni�. Il se r�solut � l'absoudre quand un habile juriste, envoy� par Charles Vil, r�ussit � le convaincre que le fr�re et la soeur avaient p�ch� dans l'inconscience de la jeunesse. Mais le comte d'Armagnac ne pouvait dominer sa honteuse passion. Il attendit quelques mois et un jour il fit courir le bruit qu'il avait obtenu une dispense du pape. Il fit c�l�brer par un de ses chapelains, circonvenu, son mariage avec isabelle. Un nouveau fruit de cette union contre nature mit le comble � la col�re du roi et � l'indignation de l'�glise. Le pape fulmina l'excommunication majeure.

Charles Vil lui envoya alors deux de ses parents, son oncle paternel, Bernard de Pardiac, comte de la Marche, et sa grand-tante, la vieille comtesse d'Albret. jean V re�ut fort mal ses deux parents, ne voulut rien entendre et mena�a son oncle d'une dague. Il resta sourd aux repr�sentants de Paris comme aux menaces de Rome.

Pris de folie

D�cid�ment atteint de folie, le comte d'Armagnac sembla m�me se jouer de leur col�re en les irritant par un nouveau tour. Il interdit � Philippe de Levis, nomm� par le roi avec l'assentiment de Rome, d'entrer en possession du si�ge �piscopal d'Auch devenu vacant; il tenta de faire �lire par le chapitre m�tropolitain un b�tard de son d�funt p�re pour le mettre � la place.

Charles Vil trouva la mesure comble. Il mit en branle pas moins de deux arm�es, command�es l'une par Antoine de Chabannes et Xaintrailles et l'autre par le comte de Clermont et le mar�chal de Loheac, illustres v�t�rans des guerres anglaises. Les deux arm�es pass�rent la Loire au mois de mai 1455. La premi�re se dirigeait vers le Rouergue, possession orientale des comtes d'Armagnac, et la seconde p�n�trait en Gascogne.

jean V battu

Jean V, ne pensant pas que le roi puisse mettre sa menace � ex�cution, envoya un de ses fid�les pour plaider sa cause mais le souverain et son conseil rest�rent inflexibles. Le comte d'Armagnac pris de court n'eut d'autre ressource que de se mettre en s�ret� chez son oncle maternel, le roi d'Aragon, en passant par les ports de la vall�e d'Aure. Quant � Isabelle, elle s'enfuit �galement et rejoignit le royaume d'Aragon en passant par la val d'Aran.

Pendant ce temps-l�, les deux arm�es royales arriv�rent facilement � leurs fins. Le Rouergue fut occup� apr�s une promenade militaire. Le mar�chal de Loheac ne mit que quelques semaines � prendre toutes les places qui relevaient du comte d'Armagnac. Il n'y eut de r�sistance notable qu'� Lectoure qui mit trois jours � se rendre.

jean V avec l'appui des montagnards organisa une r�sistance dans la vall�e d'Aure et harcela les troupes fran�aises. Apr�s quelques mois de gu�rilla, son oncle, jean II d'Aragon, lui conseilla d'aller en cour de Rome o� un nouveau pape, Calixte III, venait de monter sur le tr�ne de saint Pierre, Le comte d'Armagnac se mit en route pour obtenir son pardon. Il s'�tait fait pr�c�der par des hommes s�rs qui avaient pour mission de pr�parer sa venue et d'obtenir une audience du Saint-P�re.

La fausse dispense

Or, il y avait � cette �poque � la cour papale deux �tranges personnages: Antoine d'Alet, du dioc�se de Cambrai, conseiller r�f�rendaire, et Giovan de Volterra, notaire apostolique. Ayant appris la venue prochaine et la cause du comte d'Armagnac, nos deux simoniaques flair�rent la bonne affaire. Ils firent fabriquer par un scribe une fausse dispense et prirent contact avec les envoy�s du comte auxquels ils indiqu�rent que leur ma�tre pourrait se marier avec sa soeur, moyennant une dispense au quatri�me degr� qu'ils obtiendraient pour la somme de 24000 �cus d'or. Jean d'Armagnac, sur le chemin de Rome, fut averti par courrier express. Le comte, tout aveugl� par sa passion, consentit � cet arrangement et fit avance du tiers de la somme demand�e. Lorsqu'il arriva � Rome, il ne put obtenir le pr�cieux document malgr� les promesses r�it�r�es de verser le reliquat dans un temps tr�s bref.

L'extr�me cupidit� des deux faussaires les perdit. Calixte 111 �tant mort, son successeur Pie Il finit par apprendre que le comte d'Armagnac tentait d'obtenir une fausse dispense. Le souverain pontife ordonna une enqu�te. Les faussaires finirent par avouer. Antoine d'Alet et Giovan Voltera furent emprisonn�s; quant au scribe qui avait fabriqu� le faux il fut livr� au bras s�culier.

Le pardon du pape

Ilne restait plus au comte d'Armagnac qu'une solution. il se jeta aux pieds du souverain pontife pour obtenir son pardon. Le pape l'invectiva et le tan�a s�v�rement: ,Au nom de Dieu tout-puissant dont ton ignoble p�ch� a offens� la Majest� et dont ton repentir sinc�re implore la Mis�ricorde, nous t'enjoignons de ne plus jamais adresser la parole � ta soeur isabelle et de t'en tenir �loign� d'au moins sept lieues. Tu ne lui adresseras, ni lettres, ni messager et de permettre ces choses sur la foi du serment contract� sur le Corps du Christ. Enfin d�s qu'il te sera possible prends les armes contre les Turcs et, une ann�e enti�re, combats pour la Foi avec au moins cinquante lances. De plus tu donneras 5 000 �cus d'or pour la r�paration des �glises et la dot des jeunes filles pauvres."

Condamn� au bannissement

jean V se soumit et jura solennellement. Il mit un frein � sa honteuse passion. Mais il ne lui �tait plus possible de retourner sur ses terres. Le Parlement de Paris, sur saisine royale, l'avait condamn� au bannissement perp�tuel et � la confiscation de tous ses biens. Pie Il intervint pour obtenir sa gr�ce, mais Charles VII resta intraitable.

Le comte d'Armagnac se tourna vers sa famille d'Aragon qui lui offrit l'hospitalit�. Il prit la mer sur une gal�re florentine et d�barqua � Barcelone en mai 1461. il fut re�u en grande pompe par son cousin germain Don Carlos, prince de Viana, qui le conduisit aupr�s de son p�re, jean Il d'Aragon. Le monarque l'assura une nouvelle fois de sa haute protection. Il le d�fraya de ses d�penses et lui donna une garde de routiers aragonais et navarrais qui prirent leur quartier � Ainsa, la vieille capitale du Sobrarbe, tout pr�s de la vall�e d'Aure. De son repaire pyr�n�en, jean V guetta l'occasion de rentrer dans ses �tats. Il n'attendit pas longtemps. Charles VII mourut en juillet 1461.

Av�nement de Louis XVI

Lors de son av�nement, Louis XI n'oublia pas son ancien compagnon de guerre. Il lui accorda le pardon et lui fit rendre tous ses titres et tous ses biens. Pour se conformer au serment solennel, jur� en pr�sence du souverain pontife, jean V se tint �loign� de sa soeur isabelle, qui re�ut du comte d'Armagnac pleine souverainet� des Quatre-Vall�es (Aure, N'este, Barousse et Magnoac) qui faisaient partie du domaine comtal. En 1463, jean V renouvela cette donation, mais il stipula qu'elle serait nulle, "Si la Dame Isabelle se mariait ou entrait en religion,". Isabelle se conforma aux ordres du pape. Elle v�cut d�sormais dans ses �tats des Quatre-Vall�es. Afin d'oublier sa vie scandaleuse, elle versa dans la bigoterie tout en s'occupant des trois enfants qu'elle avait eu de son fr�re a�n� et qu'elle d�signait discr�tement comme ses neveux et ni�ces. Mais elle n'�tait pas au bout de ses peines...

Le comte d'Armagnac, revenu dans les faveurs du pouvoir royal, assagi par les �preuves de l'exil, ayant renonc� � sa funeste passion, m�ri par l'�ge, aurait pu mener tout bonnement une vie fastueuse de grand seigneur. Mais il �tait �crit sans doute que la maison d'Armagnac avait fait son temps et le destin implacable ne mesure pas les ann�es, La roue de la mauvaise fortune continua � tourner. Louis XI, qui �tait en droit d'attendre quelques reconnaissances de son ancien prot�g�, apprit par ses espions que le comte d'Armagnac complotait avec les grands du Royaume contre le souverain, qui avait repris la politique centralisatrice de son p�re. Il en con�ut une vive col�re mais cacha ses sentiments.

Complot de jean V

En 1465, lorsque le comte d'Armagnac attacha l'aiguillette de soie de la Ligue du Bien Public et se dirigea vers Paris � la t�te de 6000 hommes de cavalerie, Louis XI emp�tr� avec d'autres affaires fut oblig� de signer les trait�s de Saint-Maur et de Conflans qui rogn�rent les pouvoirs de la Monarchie. Le roi cacha mal sa fureur mais jura qu 1 il perdrait le comte d'Armagnac. Ce dernier, rentr� en triomphateur dans ses �tats, reprit la formule r�galienne et songea � prendre femme. Il se maria en 1468 avec Jeanne de Foix-B�arn. Mais, tapi dans son repaire de Plessis-les-Tours, Louis XI guetta le moment de la vengeance.

En 1469, profitant d'une tr�ve que lui accorda le duc de Bourgogne et avis� par ses agents secrets que des �missaires Anglais avaient �t� re�us au ch�teau comtal, le roi accusa jean V ,d'anglicherie", c'est-�-dire de f�lonie, et le fit d�cr�ter d'arrestation. Il chargea Antoine de Chabannes de capturer le f�lon. Dans un premier temps, jean V songea � r�sister dans sa place forte de Lectoure dont il avait fait renforcer les remparts. Mais il fut abandonn� par sa noblesse et m�me menac� par certains de ses barons qui lui intim�rent l'ordre de quitter Lectoure. Accompagn� par quelques fid�les et par la garde arago-navarraise, le comte et la comtesse d'Armagnac se r�solurent � prendre la fuite. La petite troupe manqua d'�tre surprise � Barcelonne-d'Armagnac (Barcelonne-du-Gers) par Chabannes. Le comte de Foix, menac� par Louis XI, refusa de recevoir son gendre et sa fille et c'est finalement par Fontarabie que les fugitifs purent se mettre en s�ret� et arriv�rent dans les �tats du roi d'Aragon.

Alli� au duc de Berri

Les troupes royales ravag�rent les �tats du comte d'Armagnac. Ce dernier avait regagn� derechef son repaire d'Ainsa. Avec l'appui de son oncle d'Aragon et la complicit� des Aurois, jean V recommen�a � harceler les troupes royales et �pia l'occasion de revenir sur ses terres. Cette occasion se pr�senta deux ans plus tard. Louis XI avait �t� oblig� de donner la Guyenne en apanage � son fr�re le duc de Berri. Ce prince d�s qu'il vit son fr�re de nouveau en difficult� avec le duc de Bourgogne leva l'�tendard de la r�volte. il s'allia avec le comte d'Armagnac et le fit lieutenant g�n�ral de Guyenne. Investi de ce titre, jean V leva des troupes et eut t�t fait de reprendre une � une ses places fortes. En 147", le duc de Berri mourut (sans doute empoisonn�) et la Guyenne retourna � la couronne.

Quelques mois plus tard, les habitants de Lectoure virent leur ville bloqu�e par trois arm�es. Louis XI avait �crit ses intentions au sujet de Lectoure: "Si je pouvois preindre Lectore elle seroit mienne de bon gain et seroit tenue par moi en bonne stibjection.," Ces trois arm�es �taient command�es par le s�n�chal de Beaucaire, le baron Caumont d'Olt et par Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, futur gendre du roi. Si l'on en croit les chroniques, pr�s de 30000 hommes bloquaient la citadelle du comte d'Armagnac. Malgr� ces forces impressionnantes pour l'�poque, la vieille cit� gasconne tint t�te aux assauts r�p�t�s des troupes royales. Alors vint le temps des pourparlers. il fut convenu que Jean V remettrait la ville et le ch�teau comtal et recevrait bonne et suffisante s�ret� pour aller se justifier aupr�s du roi... Ainsi fut fait.

Lorsque Jean V eut remis Lectoure et qu'il demanda le sauf-c(induit on lui rit au nez. Pierre de Beaujeu se moqua de lui puis le somma de la part de Louis XI de d�guerpir sur-le-champ et d'avoir � quitter le royaume sous trois jours.

La trag�die

Jean V feignit de quitter pr�cipitamment son ch�teau et la ville de Lectoure, accompagn� par les rires et quolibets des troupes royales. En fait il se cacha, parcourut ses �tats, ralluma les �nergies et profitant des mauvais souvenirs qu'avaient laiss�s les troupes royales il rallia ses barons et hommes d'armes. Il attendit que les arm�es royales se dispersent et par un coup de main audacieux r�ussit � prendre sans coup f�rir, avec l'aide des habitants, la ville de Lectoure et le ch�teau comtal et fit prisonnier Beaujeu lui-m�me. � cette nouvelle, Louis XI manqua de s'�touffer. Il jura par la "Pasque-I)ieu" qu'il tirerait vengeance du comte d'Armagnac. Ce dernier, d�cid�ment insens�, au lieu de se garder de son ennemi et de retenir le sire de Beaujeu (fort marri de sa d�confiture et pour lequel le roi avait sinc�rement de l'affection) lib�ra son prisonnier pensant que ce geste apaiserait le courroux du monarque qui n'avait qu'une id�e en t�te: an�antir la maison d'Armagnac.

Tout � sa fureur il s'occupa sp�cialement de former une arm�e qui partit de La Rochelle sous les ordres du cardinal de Jouffroy, assist� de Robert de Balzac, s�n�chal de l'Agenais, de jean d'Aillon, seigneur de Lude, ma�tre de l'artillerie, et d'un favori, Gaston du Lion (dit Gastounet en raison de sa petite taille), s�n�chal de Toulouse. D�s qu'il apprit l'arriv�e de cette puissante arm�e, le comte d'Armagnac, confiant dans sa bonne �toile, d�cida de r�sister dans sa forteresse de Lectoure, au lieu de regagner le refuge aragonais. Mal lui en prit...

D�s les premiers jours de l'ann�e 1473 les troupes royales assi�g�rent Lectoure et lorsqu'elles ne furent pas occup�es au si�ge elles ravag�rent l'arri�re-pays. La forteresse r�sista gr�ce � sa position privil�gi�e et la solidit� de ses remparts notablement renforc�s. Au bout de trois mois, il y eut des pourparlers. jean V consentit � se rendre aux conditions suivantes: ,Amnistie pour lui et tous ses gens, lesquels seront r�tablis dans leurs droits, terres et honneurs. La cit� de Lectoure conservera ses privil�ges et ne verrait ses remparts ni d�truits ni d�molis. On donnerait le sceau du Roi au comte d'Armagnac portant pouvoir de traiter en s�ret� de sa personne pour aller se justifier aupr�s du Roi et qu'on donnerait � la comtesse, son �pouse, certaines places pour y s�journer durant l'absence du comte. ""

. Ces articles sign�s et scell�s de part et d'autre et apr�s avoir jur� sur les saints Evangiles, messire Yves du Four au nom du cardinal de Jouffroy, rompit la sainte Hostie entre les deux remparts, en donna la moiti� au comte, re�ut l'autre en s'engageant sur le Corps du Christ de tenir l'accord. jean V, rassur� par un serment aussi solennel fait par un cardinal pour le roi de France, fit descendre l'artillerie et d�sarmer ses troupes. Le 4 mars 1473, on publia la paix. Le lendemain les fourriers de l'arm�e royale entr�rent pour marquer les logements des officiers. Le 6 mars, le comte remit le ch�teau entre les mains des envoy�s du cardinal et demanda les places qui avaient �t� d�sign�es pour le s�jour de la comtesse pendant qu'il ferait le voyage � la cour.

On ouvrit la grande porte et les troupes royales entr�rent dans Lectoure, enseignes d�ploy�es. Robert de Balzac, un des chefs de l'arm�e, se tenait en t�te. En arrivant � hauteur du ch�teau comtal un banal incident (certainement pr�m�dit�) survint entre des gens du comte et des francs-archers. Il y eut tumulte. aussit�t Robert de Balzac s'�cria: "Tuez, tuez tout, hormis les dames!", � ce signal les troupes royales se jet�rent sur les habitants de Lectoure et les hommes d'armes du comte qui avaient �t� d�sarm�s, et les massacr�rent. Le ch�teau comtal fut pris d'assaut par les hommes d'armes du s�n�chal de Baticaire. C'est alors qu'un autre franc-archer du nom de Pierre de Gorgias se rua sur le comte d'Armagnac et par deux fois lui per�a le coeur avec un poignard pendant qu'un autre franc-archer lui fracassait le cr�ne avec une hache d'arme. jean V s'�croula et expira en murmurant le nom de la Vierge. Son cadavre fut tra�n� dans la rue principale livr� aux outrages de la soldatesque.

Dans Lectoure le massacre continuait. La fureur des soldats s'�tendit jusqu'aux �glises et couvents qui furent pill�s et br�l�s. Le feu fut mis aux quatre coins de la cit� et, rapporte la chronique, "tout ce qui avait �chapp� au fer fut consomm�"" par le feu. La comtesse d'Armagnac et quelques gens de qualit� furent �pargn�s, mais les habitants qui ne purent s'�chapper furent �gorg�s. Puis l'on abattit les murailles et de l'antique oppidum des Lectorates; il ne resta que quelques murs noircis. Pendant plusieurs ann�es, l'endroit resta d�sert, puis la vie reprit petit � petit dans la cit� martyre. La comtesse d'Armagnac enceinte de sept mois fut tra�n�e au ch�teau de Buzet o�, si l'on en croit les chroniques, on la fit avorter de force, -pour ce qu'il ne reste rien du comte d'Armagnac.. Elle survivra malgr� tout et finira ses jours dans un couvent du Rouergue.

Peire de Gorgias re�ut pour le prix de son forfait un gobelet plein d'�cus d'or. Quant aux trois avorteurs, jehan de Guersendon, Castelnau de Bretenous et Olivier Le Roux, ils re�urent r�compenses et honneurs de la main du roi. L'arm�e royale mit en coupe r�gl�e tout le pays d'Armagnac et la cit� d'Auch fut mise � ran�on afin de payer les d�penses de l'arm�e. Pour payer sa quotepart, le chapitre m�tropolitain dut vendre sa pr�cieuse biblioth�que, plusieurs joyaux et des statues en argent. Le comt� d'abord confisqu� fut donn� en partie au sire de Beaujeu. Mais un arr�t du Parlement de Paris, cons�cutif � une d�cision des �tats g�n�raux du Royaume, r�unis � Tours en 1484, rendit le titre et une partie des biens au fr�re cadet de jean V, le vicomte de Fezensaguet: Charles d'Armagnac. Cependant ce dernier qui avait eu � souffrir des traitements des gens du roi �tait atteint de d�bilit� mentale et fut d�clar� incapable. Il mourut en 1497 sans post�rit� l�gitime. Et le chroniqueur conclut: �Ainsi y p�rit la maison d'Armagnac. C'estoit comme le Hohenstauffen Emperier des Allemagnes, une race qu'avoit trop v�cue."

Le comt� d'Armagnac fut mis sous s�questre et finalement �chut � la maison d'Albret et par l� revint � Henri de Navarre, futur Henri IV, qui le joignit en 1607 � la couronne de France, avec les autres fiefs gascons.

La Dame des Quatre-Vall�es La fin pitoyable d'isabelle

Quant � Isabelle, elle passa le reste de son existence dans ses vall�es montagnardes. Elle habita successivement le prieur� de Sarrancolin, La Barthe-deNeste et Castelnau-Magnoac o� elle termina sa triste vie. Assur�e des revenus de son domaine elle e�t pu mener une existence exempte de soucis. Mais c'�tait sans compter sur la rapacit� de Gaston de Lyon (l'un des chefs de l'arm�e royale) et de son �pouse la vicomtesse de Lavedan. Gaston et son �pouse guignaient depuis longtemps la souverainet� des Quatre-Vall�es. Avec l'aide des bandes de Lavedanais, Gaston ravagea la vall�e d'Aure, sous pr�texte d'affermir l'autorit� royale, et jeta le trouble dans les autres vall�es.

Un si�cle plus tard, Guillaume Mauran put �crire: -Et ce n'est l� qu'une partie de ses agissements, des violences et des crimes du vicomte et de la vicomtesse de Lavedan pour arriver � la possession des Quatre-Vall�es." Gaston et sa femme harcel�rent Isabelle, lui firent miroiter qu'en les instituant h�ritiers elle n'aurait plus les soucis de l'administration des Vall�es et du recouvrement de ses revenus. La dame des Quatre-Vall�es r�sista aux pressions des deux rapaces, puis finit par tomber malade. Son esprit vacilla, elle devint h�mipl�gique.

Lors des proc�s qui suivirent sa mort, des t�moins dignes de foi affirm�rent que ces infirmit�s �taient le fait d'un empoisonnement commis par un marmiton qui s'�tait enfui quelques heures apr�s le d�but de la maladie.

Gaston de Lyon et sa femme profit�rent de l'extr�me faiblesse de la malheureuse pour la faire transporter nuitamment devant le tr�sorier de la baronnie de Labarthe. ils se firent instituer l�gataires universels moyennant la somme de 12000 livres. La malheureuse ne verra jamais la couleur de cet argent. Bien plus, elle devra engager son livre d'heures et ses v�tements pour survivre, car Gaston de Lyon et sa femme empochaient les revenus des Vall�es, comme il �tait stipul� dans le contrat. Elle se plaignait am�rement: �Lou Gastounet qu� m'a troumpado (Gastounet m'a tromp�). Il a de moi un reconnaissance de dettes de 12000 livres et je n'ai pas encore touch� un sol.Et pourtant il a jur� sur le missel qu'il me restituerait ce titre apr�s l'avoir montr� au Roi, mais je crains fort qu'il ne me le rende jamais."

Comme ses plaintes commen�aient � �tre entendues en haut lieu, le s�n�chal de Toulouse et sa femme feignirent de s'int�resser � son sort, sans toutefois lui verser le moindre liard. ils lui envoy�rent un m�decin de Toulouse, un certain Pierre Minhon qui d�s son arriv�e lui fit boire un hypocras. Le r�sultat ne se fit pas attendre. L'�tat de sant� d'Isabelle se d�grada. Elle se plaignit de violentes douleurs au ventre puis expira dans de grandes souffrances le 4 ao�t 1476. Elle avait v�cu � peu pr�s 45 ans. Il ne fait pas de doute qu'elle mourut empoisonn�e.

Lors du proc�s qui suivit, sa dame de confiance, noble Raymonde de Beaumont, d�clara sur la foi du serment: �H� la habia doant ung hypocras que la habia cr�mat soun budetz. � (il lui avait donn� un hypocras qui lui a br�l� les intestins.)

Une semaine apr�s la mort d'isabelle, les habitants de Castelnau-Magnoac virent arriver en grande pompe la vicomtesse de Lavedan qui s'installa � l'�glise � la place o� la dame des Quatre-Vall�es avait l'habitude de s'asseoir. Mais Gastounet et sa femme durent vite d�chanter. R�volt�s par tant de vilenies, les Vall�es form�rent opposition et aid�es par les ducs d'Alen�on et de Vend�me, mari et fils de Marie et d'Ali�nor d'Armagnac, soeurs d'Isabelle, firent proc�s au vicomte et � la vicomtesse de Lavedan pour les emp�cher d'entrer en possession des Quatre-Vall�es. Finalement, leurs descendants, un si�cle plus tard, d�courag�s et ruin�s par cette proc�dure interminable, finirent par vendre au futur Henri IV l'usufruit des Quatre-Vall�es et ce domaine rejoignit la couronne de France en m�me temps que le duch� d'Armagnac.

Lorsque l'on s'appr�te � mettre en oeuvre le point final � ce r�cit, on ne peut s'emp�cher d'avoir, tant soit peu, un sentiment de commis�ration pour Isabelle d'Armagnac, pitoyable dame des Quatre-Vall�es. Elle fut bien davantage victime inconsciente que coupable de la chronique scandaleuse de son temps.

Depuis sa faute elle avait gravi le calvaire des humiliations et connu toute l'amertume de la p�nitence et des remords. Elle �tait n�e dans l'opulence, elle finit dans la g�ne. Elle aurait pu �tre reine d'Angleterre, elle mourut dans la solitude, empoisonn�e par un mis�rable.

Guillaume Mauran, dans -Sommaire description du Pa�s et Comt� de Bigorre�, a �voqu� ce tragique destin. Qu'il nous soit permis d'emprunter � notre lointain compatriote cette citation pour conclure notre expos�: ,C'est ainsi que les choses humaines roulent et il n'y a jamais rien de constant et d'assur� sous la voute c�leste."

Autres illustres

(Extrait de "Gloires de Gascogne" de Robert CASTAGNON , �ditions Loubati�res), si cet ouvrage vous intéresse, contactez-nous !