Th��tre Royal de la Monnaie : Restauration (original) (raw)
LA COUPOLE RESTAURÉE
En entrant dans la salle, vous remarquerez que la peinture de la coupole a changé. Les couleurs ne sont plus délavées et le dessin est différent. Les muses souffreteuses et la disgracieuse allégorie de la Belgique ont fait place aux figures monumentales d'Auguste-Alfred Rubé (1815-1899) et de Philippe-Marie Chaperon (1807-1903). Ces peintres, qui furent maîtres décorateurs de l'Opéra de Paris, ont vécu dans la deuxième moitié du XIXe siècle et ont joui d'une réputation internationale. Ils étaient portés par un courant stylistique des arts décoratifs qui connut un engouement dans toute l'Europe du XIXe et du début du XXesiècle, que l'on pourrait appeler" École de l'Opéra de Paris ".
TRIOMPHE DE L'ORIGINAL SUR LA COPIE
La peinture originale de 1887 avait été ôtée de la coupole du théâtre en 1986. Elle devait être restaurée pendant la durée des travaux de transformation du bâtiment. La toile, peinte sur un canevas de jute et de coton, avait été découpée en 38 parts égales, comme une tarte, sans tenir compte du dessin. Chaque pièce avait été enroulée autour d'un tube de carton avant d'être emballée. Par manque de temps, il fut décidé de faire peindre une" copie à l'identique ", qui n'était cependant en rien identique à la toile de Rubé et Chaperon. Puis, les toiles disparurent dans les entrepôts de la Monnaie et furent oubliées. Un retournement de situation se produisit en 1988, lors d'une étude approfondie de l'histoire du bâtiment. Il en ressortit que les toiles de Rubé et Chaperon, de l'Opéra de Gand, du Bourlaschouwburg d'Anvers, du théâtre Vaudevilleà Bruxelles, et les peintures du théâtre du château de Chimay et du théâtre de Liège formaient une unité artistique et appartenaient au même patrimoine historique. Nulle part ailleurs en Europe n'existait un tel ensemble de peintures, signées par les plus grands décorateurs de l'Opéra de Paris. La toile actuelle présente la Belgique en protectrice des Arts. Il faut voir cette allégorie, inspirée d'une toile ancienne (de Nolau et Rubé), dans une perspective historique tant artistique que générale: la jeune nation belge, en quête d'identité, s'incarne dans des oeuvres monumentales de l'architecture et de la sculpture.
LA RESTAURATION DE LA TOILE
La toile a été peinte à la caséine, une peinture durable, comme il était d'usage dans la décoration théâtrale du XIXe siècle. Un petit examen des couches sous-jacentes du canevas, découvertes pendant la restauration, montre que, d'un point de vue technique, la peinture de 1856 était d'une qualité bien supérieure à celle de l'oeuvre actuelle. Il semble même que dans la toile de Nolau et Rubé, l'" Ange des Lumières" fut un homme, dont la conformité anatomique et la dynamique dans la représentation picturale dépassât de loin Iatoile actuelle de Rubé et Chaperon. Cette toile a été restaurée dans les ateliers Michel Lefèbvre. La restauration s'est faite en trois phases,à savoir la restauration, le traitement de conservation et la remise en place, le tout supervisé par Hugo Claes, (Architecte en chef auprès de la Régie des Bâtiments, Bruxelles), et deux Historiens de l'Art, Nicole Wild (Conservatrice en chef à l'Opéra de Paris et Experte en décoration scénique) et Eric Cabris (Historien de l'architecture à Amsterdam). La toile souffrant d'un effritement des fibres de lin, la peinture originale a été rentoilée sur une toile à base de fibres synthétiques. Ce type de toile est étendu en hiver sur les champs pour protéger la végétation. Elle est résistante et souple. Des raccords ont été effectués sur la couche picturale avec de la peinture acrylique dissoute dans l'eau, en respectant le dessin et les nuances originales de la toile. L'histoire de la restauration de la toile de Rubé et Chaperon illustre bien la façon dont les autorités veillent au patrimoine artistique de notre pays. Grâce à une initiative particulière, une étude de doctorat et l'engagement de Bernard Foccroulle, l'oeuvre a été sauvegardée.
Eric Cabris
ERIC CABRIS, La Coupole restaurée, dans : Concert de Gala - Galaconcert 11-9-1999, Editions de la Monnie, p.13,15