Les « testaments de saints » en Chrétienté occidentale (original) (raw)

2014, Normes et hagiographie dans l’Occident latin (Ve-XVIe siècle). Actes du colloque international de Lyon (4-6 octobre 2010), éd. M.-C. Isaia et Th. Granier (Hagiologia, 9)

Les sources hagiographiques latines occidentales forment une masse documentaire relativement structurée, au moins d'un point de vue typologique 2 , répartissant le genre en des sous-catégories très nourries, comme les Vies de saints ou Vitae, les Passions des martyrs 3 , les translations de reliques 4 , les miracles… Au sein de cette masse, on trouve quelques îlots documentaires, sorte d'objets textuels non identifiés, comme celui auquel nous consacrons ces quelques lignes. Il s'agit ici d'une dizaine de textes très particuliers qui se présentent comme des actes par lesquels un saint ou sainte donne ou a donné tout ou partie de ses biens à son diocèse ou à son monastère. Sa particularité est d'osciller entre hagiographie et diplomatique, entre norme et sainteté. L'appellation « testament de saints » est souvent accolée à ces documents dont les origines comme l'utilisation restent méconnues. Mais cette dénomination est sujette à caution : il s'agit moins de testaments que de donations « entre vifs », donations pour le salut de l'âme et donations à cause de mort. Le testament à proprement parler, testament « à la romaine », est un acte révocable jusqu'à la mort, sur volonté exclusive du testateur et qui a pour but d'organiser sa succession en désignant un héritier qui prendra la place du défunt. Le testament à la romaine se maintient assez longuement, pour disparaître au cours du VIII e siècle : la donation le remplace alors très nettement, avec des formes intermédiaires mises en place entre le VI e et le VIII e siècle, comme l'a montré dernièrement Josiane Barbier 5 . Le choix de la donation s'explique aisément : elle permet de contourner certaines règles du genre testamentaire, relatives notamment à l'héritage, en autorisant qu'un quart des biens seulement soit légué à la famille. Elle permet donc de prendre certaines latitudes avec les relations familiales. Ensuite, la donation est irrévocable, contrairement au testament, qui peut aussi sembler fragile sur bien des points. Enfin, à partir du VII e siècle, la pastorale insiste sur le fait qu'il vaut mieux abandonner ses biens de son vivant plutôt que sur son lit de mort. Ces donations coulées en forme dans les textes hagiographiques sont pour un grand nombre décrites comme des réécritures ou des interpolations ; beaucoup sont qualifiées de faux, 1