Lopes, Carlos et Rudebeck, Lars, The Socialist Ideal in Africa, A debate. Uppsala (Sweden). Scandinavian Institute of African Studies, Coll. « Research Report », no. 81, 1988, 30 p (original) (raw)
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Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, 2023
Ce volume ambitieux rassemble des chercheurs de plusieurs pays sur trois continents autour de la question des « socialismes en Afrique », vaste sujet servi par de nombreux auteurs. Divisé en trois parties principales (Doctrines et corpus, Socialismes en actes et Socialismes transnationaux), l’ouvrage est bien organisé et couvre un large panel de paysages politico-géographiques ainsi que culturels.
Lusotopie, 2008
Ce numéro spécial d'Africa, présenté comme un livre collectif, est dirigé par Kelly Michelle Askew, professeure associée d'anthropologie à l'université du Michigan, spécialiste de la Tanzanie et de la culture swahilie, et par M. Anne Pitcher, professeure de sciences politiques à Colgate University (New York) et spécialiste du Mozambique et plus généralement des transitions néolibérales en Afrique. Outre l'introduction, deux articles traitent de la fin de l'État-Providence en « Afrique socialiste » et trois articles abordent les discours de la dissidence à l'ère de la libéralisation en « Afrique postsocialiste ». Dans leur introduction, « African socialisms and postsocialisms » (p. 1-14), les deux éditeurs du volume sont très prudents, nuancés et de ce fait apportent une approche intéressante. Cependant, ils ne règlent pas, à mon avis, les énormes problèmes que le recours, questionné mais finalement accepté, aux concepts de « socialisme » et « postsocialisme » africains, pose. De surcroît le volume aborde l'ensemble des « socialismes » et pas seulement les pays officiellement « marxistesléninistes » à un moment de leur trajectoire. Ainsi la Tanzanie, la Zambie, le Mali (sous Modibo Keita mais aussi Moussa Traoré) et le Ghana (sous Kwame N'Krumah puis Gerry Rawlings), sont-ils inclus dans la « liste » (on peut alors se demander pourquoi le Sénégal de Léopold Sedar Senghor n'y est pas). Les deux éditeurs sont parfaitement conscients des difficultés en découlant, mais justifient leur inclusion par un certain nombre de caractéristiques connues des États « socialistes » africains, puis par des caractéristiques communes à leur phase postsocialiste. Pour la phase socialiste, les points communs seraient (p. 7), premièrement un langage de modernisation et d'unification de l'État-nation émergent, deuxièmement un contrôle centralisé des ressources économiques, troisièmement la consolidation et l'expansion de l'État, quatrièmement l'insistance sur le « changement révolutionnaire » et enfin cinquièmement des liens d'amitié et d'alliance avec les pays socialistes/communistes. Or ces points communs sont hautement contestables. Les trois premiers sont parfaitement discernables dans des « pays de droite » comme le Zaïre de Mobutu, le Malawi de Kamuzu Banda ou le Kénya de Jomo Kenyatta. Certes les discours de la révolution y étaient remplacés, par exemple, par ceux de l'authenticité, mais la fonction socialement structurante dudit discours était-elle pour autant différente (construire l'État-nation au profit d'une élite postcoloniale urbaine) ? Quant au cinquième point, peut-on aussi l'accepter comme caractéristique « commune » : la Zambie et la Tanzanie ont-elles des liens militaires avec l'URSS ou la Chine de même nature et intensité que l'Angola ou l'Éthiopie ? Des pays « non socialistes » n'ont-ils pas eu aussi une coopération avec l'Est (la Guinée équatoriale de Macias N'Guema, l'Ouganda d'Idi Amin Dada, pour ne point parler de l'Égypte de
Le « socialisme africain » est un syntagme qui désigne des expériences politiques hétérogènes qui se sont produites en Afrique pendant environ 40 ans, de la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'à l'effondrement de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. L'unité de ces expériences est, en première instance, géopolitique : elles s'inscrivent dans le mouvement de décolonisation du continent noir et sont hautement sur-déterminées par la redéfinition des équilibres internationaux pendant la guerre froide (l'instauration du néo-colonialisme et la lutte pour les zones d'influence et d'approvisionnement énergétique). Décrivant les politiques mises en place par les gouvernements africains en vue de la construction de leur indépendance, l'étude des « voies africaines du socialisme » peut nous permettre d'analyser et de problématiser le processus de décolonisation de l'intérieur, c'est-à-dire à partir des discours des acteurs (dirigeants et/ou intellectuels) qui l'assument et s'en réclament. Cette revendication consiste essentiellement dans « une volonté d'indépendance dans tous les domaines, idéologique, politique et économique » 1 . Une ambition qui s'articule à un refus a priori tant du libéralisme économique que du modèle soviétique. Il ne s'y agit pas d'emporter des modèles de développement de l'extérieur, mais de moderniser les structures socio-économiques du continent noir en récupérant ses valeurs traditionnelles, voire précoloniales. La propriété collective traditionnelle doit servir de base à une économie socialiste coopérative qui se veut « typiquement africaine ». Cependant, la nature de cette indépendance reste hautement problématique. Les marges de manoeuvre à disposition des gouvernements africains sont dramatiquement étroits et l'ingérence -politique, économique et militaire -des anciennes puissances coloniales en défense de leurs intérêts prive les nouveaux Etats de la possibilité de bâtir une véritable indépendance. Celle-ci demeure par conséquent « octroyée» 2 et « fragile » . * Lors d'une journée d'étude qui eut lieu à Louvain en 1963 l'abbé Pierre Kanouté insistait sur le fait que « dans l'expression « socialisme africain » […] le mot substantiel, le substantif est « africain » et non « socialisme » au lieu duquel on pourrait bien utiliser un autre terme tel que « communautarisme ». Il renvoyait ainsi implicitement à la théorie de Sekou Touré, président de la Guinée, la première ancienne colonie française à déclarer son indépendance en 1958. Touré appelait la structure politique traditionnelle africaine « communaucratie » et son but était d'en faire la base 1 Bernard Charles, Le socialisme africain : mythes et réalités, in Revue française des science politique Vol. 15 N. 5 1965 p. 856-884 p. 871. 2 Gérard Chailand, Mythes révolutionnaires dans le tiers monde, Le Seuil 1976 p. 28 et 54.
Les socialismes africains ou la reconquête de l’homme
On ne peut aborder le thème des socialismes africains sans soulever la question de la race. Yves Bénot remarquait que, plus encore qu'au Maghreb, en Afrique subsaharienne « tout a été brisé, les anciens États broyés, les ethnies morcelées, la personnalité nationale voir simplement humaine des Africains noirs niée, attaquée de toutes les manières. » 1 Cette remarque invite à prendre la mesure de la « récusation originaire de l'humain dans l'Africain