Jean Mignon et les armes : le fonds bellifontain d’un armurier milanais (original) (raw)

Dans la première moitié du XVI e siècle, Milan, grande ville de production armurière à l'échelle européenne depuis la fin du Moyen Âge, se spécialisa notamment dans la production d'armes de luxe dites all'antiqua, alla romana, ou encore all'eroica, souvent richement ornées. Leurs formes et leur décor étaient ainsi inspirés de l'idée que l'on se faisait des armes de l'antiquité gréco-romaine, visions souvent fantastiques croisant des sources visuelles et archéologiques et l'imaginaire de la Renaissance, déjà abondamment présentes en peinture et en sculpture, ou même à travers des armurescostumes faites en matériaux légers et périssables 1. À partir de la fin du XV e siècle, les armuriers d'Italie du nord, et de Milan en particulier, forts de leur expérience, relevèrent le défi technique de façonner de telles armes et armures dans le fer forgé. Les formes et les motifs de ces armes à l'antique, purement cérémonielles ou parfaitement fonctionnelles selon les cas, évoquaient souvent les armes mythiques des dieux et des héros de cette antiquité fantasmée, telle la tête du lion de Némée surmontant casques et épaulières ou encore le gorgoneion de Minerve dont le visage surgit de la partie centrale de certains boucliers. Afin d'imiter les armes et sculptures en bronze incrusté de l'antiquité, ces objets, souvent travaillés en relief, voire très haut relief, étaient parfois noircis et rehaussés de dorure et de damasquinure d'or et d'argent, technique dont les artisans de Milan s'étaient également fait une spécialité. Le but était de concurrencer visuellement l'orfèvrerie et la sculpture en bronze, dans un matériau naturellement moins propice à de tels reliefs et à la connotation militaire importante. Travailler le fer forgé de cette façon était en effet un véritable tour de force, réservé aux artisans les plus avancés et talentueux, car le fer est un matériau beaucoup plus difficile à travailler au repoussé que les matières précieuses, et on ne le fondait pas comme le bronze pour les armes. Il devait être travaillé à chaud sur l'enclume sur l'avers et le revers, et seuls quelques armuriers exceptionnels parvinrent véritablement à obtenir de ce matériau des reliefs à la qualité esthétique équivalente à la plus belle sculpture et orfèvrerie de leur temps.