L’orthodoxie nationale en Roumanie : le miroir éclaté ? (original) (raw)
Nul ne songerait à contester la visibilité de l'orthodoxie dans la société roumaine postcommuniste. Sortie de la pénombre qui lui fut imposée jusqu'en 1989, l'Église orthodoxe défend une version propre de l'ordre social et affirme sa prétention à constituer un repère de stabilité et d'identité et une source de normativité dans une société dont 86,8 % des membres déclarent une appartenance orthodoxe 1 . Ses symboles, croix et icônes, ornent les murs de nombreuses institutions publiques, écoles, hôpitaux, casernes et prisons. Éclectiques dans le style, les formes et les matières, ses nouveaux lieux de culte surgissent dans les centres-villes, derrière les tours défraîchies des quartiers communistes et parmi les immeubles cossus des nouvelles zones résidentielles. Une orthodoxie « populaire » aux logiques de déploiement multiples, bénéficie elle-même du contexte de sortie de la semi-clandestinité de pratiques religieuses diversifiées 2 . Cette évolution est plus spectaculaire en milieu urbain que rural où le religieux avait gardé une plus forte visibilité à l'époque communiste 3 . Dans les grandes villes, on aperçoit ainsi des passants pressés faire le signe de la croix devant les églises orthodoxes, des chauffeurs de taxis ou de bus afficher dans leurs cabines l'icône de la Vierge. Les cultes des saints réunissent les pèlerins par milliers. Reflet d'un religieux personnalisé, ils offrent comme dans d'autres espaces orthodoxes 4 , un moyen pour ritualiser les difficultés individuelles, d'autant plus nombreuses que les transformations postcommunistes mettent à mal les évidences héritées et renforcent les incertitudes au coeur du quotidien. Dans ce contexte, l'imaginaire religieux est susceptible de fournir un cadre d'interprétation des situations nouvelles 5 . L'Église orthodoxe suscite et/ou accompagne le renouveau de ces différents cultes, elle participe à la réinvention de la tradition, soucieuse de réaffirmation institutionnelle. Elle vise en même temps à contrôler un croire « populaire » et/ou une quête de spiritualité, qui la déborde néanmoins et où s'agrègent des intérêts individuels inégaux, se conjuguent des effets de socialisation et des