Une Réforme Pénale en Amérique Latine Qui Devrait Chercher Sa Légitimité (original) (raw)

2015, Revue québécoise de droit international

La plus grande cause de vulnérabilité des démocraties latino-américaines nous disait Rouquié (Amérique latine : Introduction à l'Extrême-Occident) n'est ni « la résurgence du populisme », les maras, les guérillas, « l'offensive criminelle et corruptrice du narco trafic », « l'afflux de dollars mal acquis », ni même « l'inconséquence de certains hommes politiques », mais la pauvreté et l'aggravation des inégalités sociales qui constituent le principal défi à la stabilité des institutions et à l'État de droit. » (Alain Rouquié, Amérique latine : Introduction à l'Extrême-Occident, Paris, Seuil, 1987 aux pp 329-330). C'est justement dans ce contexte de re-démocratisation de l'Amérique latine que nous nous sommes attardés à regarder si les réformes juridiques, plus précisément celles pénales généralisées dans toute l'Amérique latine ou presque, ont su apporter avec elles un aspect de développement ou de liberté pour son citoyen. Il nous semblait opportun d'approfondir ce contexte particulièrement à un moment où presque toute l'Amérique latine se lance dans des réformes juridiques importantes mettant devant plusieurs maux le « droit » comme solution aux problèmes laissés par le passé. Nous avons donc proposé de voir si depuis la mise en oeuvre de la plus grande réforme juridique, depuis la mise en place des codes civils au 18 e siècle, si l'Amérique latine a su mettre le citoyen au centre de l'équation droit et développement. The most important cause of vulnerability of Latin-American democracies, according to Rouquié (Latin America : Introduction to the Far West) , is not "the resurgence of populism", the maras, the guerrillas, "the drug traffickers' criminal and corrupt offensive", "the flow of ill-gotten gains", nor "the inconsequence of some political leaders", but rather poverty and the increase of social inequalities, which constitute the main challenge to the stability of institutions and the rule of law (Alain Rouquié, Latin America : 1 Alain Rouquié avance que la démocratie est une réalité qui habite les discours depuis deux cent ans. Même sous les dictatures, les régimes se revendiquaient de la démocratie et pour la démocratie. Voir Alain Rouquié, À l'ombre des dictatures : La démocratie en Amérique latine, Paris, Albin Michel, 2010 [Rouquié]. 2 Alvaro Santos, « The World Bank's Uses of the "Rule of Law" Promise in Economic Development » dans David Trubek et Alvaro Santos, dir, The New Law and Economic Development : A Critical Appraisal, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 à la p 253. À ce sujet, voir également Thomas Carothers, « The Rule of Law Revival » (1998) 77:2 Foreign Affairs 95 à la p 105 : « Most governments attempting rule-of-law reform are not doing so on their own. Assistance in this field has mushroomed in recent years, becoming a major category of international aid. With a mix of altruism and self-interest, many Western countries have rushed to help governments in Eastern Europe and the former Soviet Union carry out legal and institutional reforms. Russia's legal and judicial reforms, for example, have been supported by a variety of U.S. assistance projects, extensive German aid, a $58 million World Bank loan, and numerous smaller World Bank and European Bank for Reconstruction and Development initiatives, as well as many efforts sponsored by Great Britain, the Netherlands, Denmark, and the European Union. Asia and Latin America are also major recipients of rule-of-law aid, with a focus on commercial law in Asia and on criminal and commercial law in Latin America. » 6 Rouquié, supra note 1.