La Suisse et la « liste noire » de l’Organisation internationale du travail (OIT) (original) (raw)
La Suisse est un membre originaire de l’Organisation internationale du travail (ci-après : OIT). 1 Notre pays est particulièrement concerné par les activités de l’Organisation du fait qu’il abrite le siège du Bureau international du travail (ci-après : BIT) depuis 1920. 2 Et pourtant, le 15 mai 2019, l’on apprenait que la Suisse était susceptible de figurer sur la « liste noire » des pays qui ne respectent pas les normes des conventions de l’OIT qu’ils ont ratifiées, établie par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du travail (ci-après : CAN) et dont les cas seraient discutés lors de la 108ème session de la Conférence (10–21 juin 2019), année du Centenaire de l’Organisation ! Il faut rappeler que suite à une plainte déposée en 2003 par l’Union syndicale suisse (ciaprès : USS) auprès du Comité de la liberté syndicale (ci-après : CLS), les organes de contrôle de l’OIT ont reproché à la Suisse de ne pas conférer une protection adéquate aux employés qui sont victimes d’un licenciement antisyndical. Finalement, le 11 juin 2019, il a été décidé, in extremis, ne pas inscrire la Suisse sur la liste noire restreinte dans la mesure où Monsieur le Conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, venait d’annoncer que le Conseil fédéral avait décidé de mettre sur pied, avec l’accord des partenaires sociaux, une médiation indépendante externe en vue de trouver une solution concrète. Cette affaire nous paraît emblématique de la manière de fonctionner de l’OIT et des moyens que l’Organisation met en œuvre pour diffuser, interpréter et faire respecter les normes internationales du travail. Elle est aussi révélatrice du dialogue permanent qui existe entre les Etats (en l’occurrence la Suisse) et l’OIT. Nous souhaitons consacrer à ces questions les lignes qui suivent. Nous traiterons de la plainte de l’USS (chapitre III), des interventions des organes de contrôle de l’OIT qu’elle a suscitées (chapitre IV) et des démarches entreprises par le Conseil fédéral suite aux demandes de l’OIT (chapitre V). Ces développements seront précédés d’une brève présentation des caractéristiques principales de l’OIT (chapitre II) et ponctués par quelques remarques conclusives (chapitre VI). Nous sommes heureux de contribuer, modestement, à cet ouvrage destiné à rendre hommage à notre éminent collègue Wolfgang Portmann, dont les écrits et les réflexions portant sur le droit suisse et international du travail constituent des sources inépuisables de connaissance et d’inspiration. L’occasion aussi de lui dire le plaisir que nous avons éprouvé à collobour avec lui depuis plus de dix ans à l’édition des livraisons successives du Jahrbuch des Schweizerischen Arbeitsrechts (JAR) et de la revue Arbeitsrecht / Droit du travail (ARV-DTA).