Le réfugié, le suppliant Témoigner pour le plus faible (original) (raw)

Témoigner pour le réel

Agôn. Revue des arts de la scène

mort sans corps et sans image, dont on pourrait rapidement conclure qu'elle fût donc sans preuve, deux images ont occupé, à quelques jours d'intervalle, les journaux d'une bonne partie de la planète : la première montre Barack Obama et son équipe rapprochée, réunis dans la « situation room » de la Maison Blanche, pour suivre en direct le déroulement de l'opération Geronimo alors en cours à Abbottabad-la disposition des corps, des regards, tous accrochés à ce point du hors-champ, bustes en avant, et la géographie des visages singulièrement disposés, font que tout converge vers ce point absent, zone aveugle de la composition, qui est elle-même une image, celle où l'événement s'est comme retiré. L'autre, parue peu de temps après, tirée d'une vidéo et soumise à de franches critiques et à de non moins francs soupçons, montre Ben Laden de dos-ou du moins un vieillard qu'on a décidé de nous faire prendre pour tel, sans doute pour orchestrer les conditions de possibilité d'un sabotage idéologique : on sape l'image (la copie) plutôt que de montrer le corps (la preuve)-bonnet vissé sur la tête, couverture remontée sur les épaules, profil perdu et comme déjà retiré, cherchant à apercevoir sur l'écran qui lui fait face le produit de ce qu'il a patiemment élaboré pendant vingt ans. Une image (l'écran) et son retrait (le dos). 1 er mai 2011 : Barack Obama et les membres de la sécurité nationale dans la « situation room », Pete Souza © Capture d'écran d'une vidéo saisie dans la propriété d'Oussama Ben Laden et diffusée par le Pentagone le 7 mai 2011. Ces deux photographies, Marie-José Mondzain et Christian Salmon les rapprochent également dans deux articles publiés dans Le Monde du 14 mai 2011. Si la première insiste sur la stratégie de colonisation de l'image mise en place par Ben Laden 1 , le second s'appuie, lui, sur le « dispositif de vision » que mettent en scène ces photographies : « Ces photos ne montrent rien d'autre qu'un dispositif où règne le pur "simulacre", qui n'est plus de l'ordre du spectaculaire au sens strict, puisque à proprement parler il n'y a rien à voir, mais spectral, en ce qu'il installe une relation triangulaire où chacun regarde l'autre en train de voir ce qui n'est pas visible 2. » N'y at -il « à proprement parler » rien à voir ? Là où Christian Salmon choisit de mettre l'accent sur le retrait, ce qui reste à jamais perdu dans la relation à l'événement, relégué au rang de simulacre par les médiations enchâssées, je préfèrerais m'attarder dans cet article sur ce « dispositif de vision », très justement remarqué par l'auteur, en revenant sur la configuration particulière qui enchaîne le réel à sa restitution, l'événement à sa représentation et à sa réception, à travers la présence du témoin. L'entrée du témoin substitue à la relation binaire et frontale de l'observateur et de la chose vue, la « relation triangulaire », réflexive, médiatisée d'un regard passé de main en main et, ici, d'image en image. Qu'y-at -il à voir dès lors que l'on voit « voir » ? N'y at -il « à proprement parler rien à voir » sinon une image vide qui donne l'absence par la présence d'un regard qui fouille le hors-champ ? N'y at -il rien de l'événement en persistance dans le témoin et dans la manière dont le réel filtre à travers lui ? Avant même d'entrer dans les enjeux qui travaillent les scènes contemporaines-qui se distinguent par le recours récurrent au témoin et au témoignage-, remarquons seulement combien ce dispositif spéculaire fait fond sur quelque chose de proprement théâtral, si tant est que l'on veuille bien s'en rapporter à la seule étymologie, épuisée à force d'être reprise, mais signifiante ici pour la seule raison que le theatron était d'abord le lieu d'où l'on peut voir, c'est-à-dire l'espace depuis lequel on assistait en témoin, autrement dit en tiers, au déroulement d'une action. Le témoin (testis composé du radical tes, originaire de tres, trois 3)-comme le précise Arnaud Dulong en 10

Le Pouvoir de dompter du faible

L’objectif du présent travail est d’argumenter en faveur d’une approche sur des politiques d’immigration et de colonisation qui souligne le rôle que celles-ci accomplissent à l’intérieur de processus plus amples de formation des États Nationaux. Pour ce faire, je montrerai comment les techniques de pouvoir impliquées dans la mise en place de ces politiques, qui sont des techniques visant à provoquer des comportements, jouent un rôle dans la construction de l’autorité publique. Mon argumentation sera développée à travers l’examen de quelques aspects impliqués dans les actions et les représentations développées par les agents du Service de Peuplement du Sol National (Peuplement) , agence du Ministère de l’Agriculture et du Commerce, responsable, depuis sa fondation en 1907 jusqu’au début de la décennie 1930, de l’instauration des politiques fédérales d’immigration et de colonisation.

« Porter assistance » aux pauvres du monde

Nous, citoyens des pays prospères, avons tendance à discuter de nos obligations à l'égard de ceux qui, au loin, sont dans le besoin en termes de dons et de transferts, d'assistance et de redistribution : Quelle part de notre richesse devrions-nous, le cas échéant, donner à ceux qui, à l'étranger, meurent de faim ? En m'appuyant sur la façon dont un théoricien de premier plan conçoit le problème, je montrerai que cela constitue en fait une erreur sérieuse – et qui plus est une erreur que les pauvres dans le monde paient très cher. Dans son ouvrage, Le Droit des gens, John Rawls ajoute, par rapport à la façon dont il avait traité antérieurement de la question, une huitième loi : « Les peuples ont le devoir d'assister les autres peuples vivant dans des conditions défavorables qui les empêchent de disposer d'un régime social et politique juste ou convenable ». 1 Par cet ajout, il entend montrer qu'il est possible, à partir de sa théorie de la justice, de just...

Le dilemme du réfugié

L'Évolution Psychiatrique, 2002

The experiences of trauma, displacement, and forced migration faced by refugees raise profound questions about the relationship of self and community. This article explores some ways in which the intrapsychic dynamics of refugees' suffering and remembering interact with the larger social dynamics of refugee communities and host societies. The narrative construction of the self constitutes the pivot between the realms of the social and the psychological and rests on cultural meta-narratives. In Euro-American folk psychology two ...

La construction de la catégorie « réfugié » dans un camp en

La construction de la catégorie « réfugié » dans un camp en R.D.C. : rôle de l'institution, stratégies des exilés et place du chercheur Virginie Tallio et article est basé sur les résultats d'une enquête de terrain réalisée dans un camp en République Démocratique du Congo (RDC). Il porte sur les conditions de travail du chercheur dans ce contexte. En effet, différents paramètres sont à prendre en compte. Tout d'abord, la présence des institutions gérant le camp modifie la relation entre le chercheur et son objet d'enquête. De plus, la sensibilité du terrain, sensibilité qui se décline sur plusieurs registres, modèle la collecte de données et son interprétation.

Le refoulé du dégagisme

Dégagisme du manifeste, Collectif Manifestement, Editions Maelström, Bruxelles, 2017

Chapitre extrait de l'essai collectif "le dégagisme du manifeste" faisant suite au "Manifeste du Dégagisme" paru en 2013 et réédité en 2017.