Paul Virilio, l’accident comme ressource immatérielle (original) (raw)

2021, Cahiers de la recherche architecturale, urbaine et paysagère

accident as an immaterial resource Jean Richer « Toutes choses se meuvent à leur fin. » François Rabelais, OEuvres, Chapitre XXXVII du livre V. Paul Virilio, l'accident comme ressource immatérielle 1 « Nous devons mieux anticiper les risques sévères » déclarait récemment la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte à propos des prochains effets du changement climatique 1. Si les aléas ont toujours menacé les sociétés humaines, les connaissances scientifiques et la soutenabilité sociale font entrevoir des risques croissants, jusqu'à faire croire qu'un effondrement prochain des sociétés serait inéluctable. Or, le risque se révèle au grand jour par la survenance de l'accident et le propos, ici, est de considérer l'accident comme une ressource pour l'architecture et l'urbanisme. Parler ainsi l'accident peut surprendre, tant les termes semblent antagoniques : la ressource correspond dans le langage ordinaire à un moyen matériel disponible, une substance, ou tout du moins au moyen permettant de se tirer d'embarras ou d'améliorer une situation difficile 2 ; et l'accident serait à l'opposé ce qui s'oppose à la substance, un événement fortuit qui affecte une personne ou un groupe de personnes, en interrompant le déroulement normal, probable et attendu des choses 3. Pour Paul Virilio (1932-2018), « il serait urgent de revenir encore sur l'acception philosophique selon laquelle l'accident est relatif et contingent et la substance, absolue et nécessaire 4 ». La peur de l'accident tyrannise les ressources naturelles, dans la mesure où elle les détruit ou régit leur emploi en prévision d'une funeste survenance. Alors que croissent concomitamment une conscience de risques majeurs et de leurs probabilités d'occurrence, il convient de comprendre comment l'accident peut dorénavant être appréhendé comme une ressource constructive.