Les séries et la guerre (pistes de lectures et de réflexion) (original) (raw)
Avec les séries policières, les séries historiques sont le genre le plus populaire sur les télévisions du monde entier. Parce que la télévision s'est construite d'abord comme un média national et, particulièrement en Occident, comme un média de reconstruction nationale après la Seconde Guerre mondiale, elle fut aussi, plus ou moins consciemment, un vecteur important du « récit national 1 ». Au sein de ces récits, les guerres occupent une place particulière, puisque, comme le veut l'adage, « l'Histoire appartient aux vainqueurs. » Le récit de guerre pourrait dès lors être interprété comme un moyen, ou une tentative, de s'approprier l'Histoire, de lui donner un/du sens. Qu'il s'agisse de guerre contre un autre État ou de guerre civile, l'issue du conflit armé a toujours comme enjeu et comme résultat de redéfinir l'identité de la nation, de renforcer ou de remettre en cause l'image qu'elle a d'elle-même. Or cette image n'est pas fixe : le travail de mémoire porte notamment sur ces épisodes paroxystiques et, décennies après décennies, siècle après siècle, les interroge et les transforme 2. « Nul ne consulte une archive sans projet d'explication, sans hypothèse de compréhension ; et nul ne s'emploie à expliquer un cours d'événements sans recourir à une mise en forme littéraire expresse de caractère narratif, rhétorique ou imaginatif 3 », écrit Paul Ricoeur dans La mémoire, l'histoire, l'oubli. Les rapports entre Histoire, récit, fiction et mémoire sont étroits et complexes, et le « mythe », au sens de Roland Barthes, n'est jamais loin. C'est d'autant plus vrai dans le cas des récits populaires et répétitifs que sont les séries télévisées, qui produisent aussi, par leur dimension audiovisuelle, un puissant « effet de réel » 4. Dès lors, les séries télévisées apparaissent comme des objets importants d'expression, de négociation, voire de fixation de la mémoire. L'évolution récente vers le rejet du manichéisme et la construction de narrations de plus en plus complexes, multipliant les Les séries et la guerre (pistes de lectures et de réflexion) TV/Series, 10 | 2016