Aptitude militaire et sélection médicale des recrues (France-Angleterre, 1900-1918) (original) (raw)

« On ne demande pas à un petit moteur de mouvoir une charge trop lourde » : le choix du corps apte au combat France/Grande Bretagne, seconde moitié du XIXe-1918

« Aucun individu en dehors de ceux qui se trouvent en pleine capacité physique ne [doit être] envoyé sur le champ de bataille » déclare en 1887 William Aitken, professeur de pathologie clinique à l’école de santé militaire de Fort Pitt, auteur d’un manuel de référence sur la sélection des candidats à l’incorporation. Ce principe gouverne un processus de sélection des recrues, prélude indispensable au recrutement dans la plupart des armées européennes. Tous les candidats, qu’ils soient volontaires ou conscrits, n’intègrent pas l’armée et à l’issue d’un examen anthropométrique et diagnostique, les individus considérés comme inaptes sont écartés du rang . L’évaluation des corps et des esprits aptes à l’état de guerre est ainsi confiée à des médecins, souvent mais pas exclusivement militaires, qui déploient en parallèle de leur activité empirique de triage, un discours théorique sur l’aptitude militaire. Paradoxalement, ce discours développe assez peu l’idée de qualité guerrière, de compétence au combat ; en somme, d’aptitude. Dans la littérature médicale de la seconde moitié du XIXe siècle, à l’impossible recherche des signes positifs de l’aptitude, finit par succéder un constat pragmatique : l’aptitude est une condition par défaut qui ne peut apparaître qu’en creux. Faire émerger une population choisie, constituée d’individus de qualité, sur lesquels reposent l’efficacité de l’armé et donc la puissance de la nation, doit se faire en identifiant et en écartant les corps inadaptés. Le contenu du discours médical est alors orienté par les nécessités du processus de sélection, à savoir une procédure de triage institutionnel, d’exclusion des corps inaptes, qui emprunte ses normes à l’activité médico-légale. Au cours de l’examen, il s’agit, le cas échéant, d’administrer la preuve de l’inaptitude du candidat. Trois impératifs orientent alors le discours sur l’aptitude militaire et le processus de sélection des corps aptes au port des armes : l’intérêt de l’individu, l’efficacité de l’armée, et la préservation de la santé du collectif militaire. Notre communication examinera successivement ces trois impératifs du discours sur l’aptitude dans le cadre de l’infanterie. Elle s’appuie prioritairement sur le dépouillement des thèses de médecine, des traités médico-légaux et d’hygiène militaire, de la presse médicale et générale et du corpus réglementaire dictant les modalités des opérations médicales du recrutement dans deux pays, la France et la Grande-Bretagne.

Soutenance de thèse : « Forcé à servir. Étude comparative du recrutement maritime en France et en Grande Bretagne (1756-1783) »

Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, 2019

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La double genèse franco-britannique du recrutement au mérite : les concours et l'open competition

Revue française d'administration publique, 2012

Des la fin du XVIIIe siecle, le recrutement dans les emplois administratifs fait l’objet de critiques politiques en France et en Grande Bretagne. Pour les reformateurs, le merite associe au critere de competence devait remplacer la faveur des gouvernants afin de professionnaliser la fonction publique confrontee a des tâches de plus en plus complexes. Les debats sur les concours permettant de verifier les aptitudes des postulants, entames dans les annees 1850, ne deboucheront qu’a la fin du siecle sur des reformes instituant ce procede et limitant l’emprise politique sur l’acces a la fonction publique.

" Professionnalisation et condition militaire : une comparaison France/Grande-Bretagne"

A. Smith (CERVL, I. E P. de Bordeaux) 1 B. Badie, G. Hermet, Politique comparée, Paris, PUF, 1990. 2 Sur la méthode des comparaisons binaires se référer pour exemple à R. Bendix, " Une analyse binaire : deux aristocraties, les junkers et les samouraïs ", in M. Dogan, D. Pelassy, La comparaison internationale en sociologie politique, Paris, Litec, 1980. 3 A priori, aujourd'hui les armées française et anglaise constituent des modèles antinomique tant dans leur rôle que dans leur rapport à l'ensemble de la société. La sociologie historique montre à travers la longue durée que ce ne fut pas tout le temps le cas. Par ailleurs, les enjeux contemporains tel que la construction européenne et la modernisation de l'armée permettent de trouver des points de convergence. 4

Transformation des politiques de recrutement des forces armées au Royaume-Uni et aux États-Unis

Gouvernement et action publique, 2013

of change at work for a decade. Based on an extensive documentary work, we illustrate the points of convergence and divergence of both Ministries of Defence in the management of military human resource entangled between economic logic of efficiency and transformation of the role of State. If the use of incentive instruments (subsidized salaries, retraining bonuses, education) and the use of private military companies best characterize the recruitment policy of the U.S. and British armies, the latter display different outcomes in terms of quality and quantity of recruits.

Mobilisation, Sacrifice et Citoyenneté. Angleterre – France, 1900-1918

2013

This book offers a comparative history of social mobilization in France and Britain during the First World War. It suggests a shift in the scale of analysis of belligerent societies in 1914-18, at once beyond and below national boundaries, with heuristic implications which benefit the social history of the Great War. Whilst the historiography to date has mainly confined itself to the study of individual nation-states at war, it demonstrates the profit one can derive from a comparative study of two medium-sized towns in England and France between 1914 and 1918. This research lies at the crossroad between two historiographical perspectives, which respectively scrutinize the process of national mobilization in Europe and the experience of cities at war. Both perspectives share a determination to uncover the material and mental foundations of the belligerent societies’ adaptation to the war experience. Since this study aims to understand the logic and configuration of social responses to the conflict, it examines both the local commitment to national mobilization and the mental imagery which allowed the transcendence of the war experience. In stressing the importance of small-scale patterns of collective action, this research firstly reveals the strength of locally rooted modes of figuration and organization. It demonstrates the ways in which the shortcomings and successes of wartime social mobilization betray both the inherent strength and the persistent internal strains in British and French societies. Secondly, it explores the centrality of the social relations of sacrifice and the critical emergence of an ethics of mobilization. The book then investigates the wartime reconfigurations of citizenship and its focus on local civil society eventually suggests a redefinition of the contours of the French and British states in 1914-1918. Ultimately, this research enables us to set the urban experience of the Great War within the larger context of the nationalization of the masses, and to further our understanding of the complex relationship between the state and civil society in wartime Europe.

La concurrence culturelle pour la formation des élites en France (1809-1902)

Au XIXe siècle en France, l’enseignement secondaire s’adresse-t-il aux élites ? Ce qui est certain, c’est qu’il est dispensé à une toute petite minorité : tout au long du siècle, la part de classe d’âge qui fréquente l’enseignement secondaire ne dépasse jamais 6 %1, chiff re qu’il faut mettre en rapport avec les 15 à 20 % de foyers qui vivent « au-dessus du peuple » selon l’estimation d’Adeline Daumard (1976 : 860). En défi nitive, même à la fi n du siècle lorsque les études secondaires commencent à prendre de l’importance, l’hypothèse d’une homogénéisation culturelle de la bourgeoisie par le collège, formulée par Petitat (1982), ne résiste pas à une simple statistique.