Les voies négatives de Samuel Beckett (original) (raw)
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La technique du dénuement : Samuel Beckett et Morton Feldman
L'auteur disparaît dans son oeuvre jusqu'à ce que son corps en ait la forme et la matière afin qu'il puisse trouver en elle une immobilité semblable à celle de la mort. Une immobilité qui puisse le confondre tout entier avec elle. Faire le mort, s'adapter au milieu qui nous contient jusqu'à disparaître en lui, que le dedans se reflète au-dehors, que ce lieu qui nous habite se calque sur nous et tatoue notre peau : que nous puissions nous regarder dans ce miroir. 1
Poétique de la déviance dans le théâtre de Samuel Beckett
Nouveaux cahiers de Marge, 2021
Creative Commons : Attribution-Pas d'utilisation commerciale-Partage dans les mêmes conditions La déviance comme ressort du tragique beckettien Le Centre national de ressources textuelles et lexicales donne une définition du mot « stigmate » qui pourrait tout à fait illustrer les pièces de Beckett. Il est question des « stigmates de dégénérescence » qui évoquent les « anomalies physiques souvent associées à la dégénérescence mentale ». Beckett présente des êtres en déclin physique, essoufflés, dont l'agonie est grandissante. Par leur aspect malade et chétif, ces personnages portent tous en eux des maux qui les gangrènent. Le dramaturge grossit à la loupe de l'écriture les traits saillants de leur infirmité, en accentue l'aspect tragique et marque leur différence avec une norme dont ils dévient tous. Les personnages apparaissent alors dans toute la difficulté de leur rapport au monde et la déviance devient fatalité : en cela ils appartiennent au registre tragique. Corps tragique et déviance La déficience motrice chez Beckett souligne le passage du temps. Les personnages apparaissent comme des êtres dégradés physiquement. Systématiquement privés de la mobilité complète de leur corps, ils éprouvent des difficultés majeures pour accomplir des gestes du quotidien. Cette déficience motrice, caractérisée par les stigmates d'une déambulation difficile ou disharmonieuse est visible par exemple dans En attendant Godot. Vladimir marche en effet « à petits pas raides 1 », Estragon se déplace « en boitillant 2 ». Krapp de La dernière bande a une « démarche laborieuse 3 », quand pour Clov de Fin de partie elle est « raide et vacillante 4 ». Chaque tentative d'agir se solde par un échec, renvoyant le personnage à son impossibilité. « Je ne pouvais littéralement 5 » dit le personnage de Comédie, « Estragon, assis sur une pierre, essaie d'enlever sa chaussure. Il s'y acharne des deux mains, en ahanant. Il s'arrête à bout de forces 6 », tout comme Pozzo qui à deux reprises n'arrive pas à se relever alors qu'il est à
Company/ Compagnie de Samuel Beckett: face à un miroir déformant
Cette étude a pour objet d'analyser les deux versions de la nouvelle de Beckett Company (1979)/Compagnie (1980) et l'adaptation télévisée de la pièce beckettienne Quoi où (1983). On focalisera l'attention sur la confluence entre les deux langues dans les textes littéraires ; sur les effets de transmutation (des anglicismes dans le texte français et des gallicismes dans le texte en anglais) ; et sur la l'idée originale du miroir déformant dans la version télévisée de la pièce Quoi où.
Labyrinthe, 2007
Richard Klein, « Négativité et Littérature », Labyrinthe [En ligne], 27 | 2007 (2), mis en ligne le 25 mars 2011, consulté le 10 décembre 2020.
1998
Oui, les mots que j'entendais, et je les entendais très bien, ayant l'oreille assez fine, je les entendais la première fois, et même encore la seconde, et souvent jusqu'à la troisième, comme des sons purs, libres de toute signification, et c'est probablement une des raisons pour lesquelles la conversation m'était indiciblement pénible. [...] Et sans aller jusqu'à dire que je voyais le monde sens dessus dessous (ç'aurait été trop simple), il est certain que je le voyais d'une manière exagérément formelle, sans pour cela être le moindrement esthète, ni artiste. Et n'ayant qu'un seul oeil, sur les deux, qui fonctionnât à peu près convenablement, je saisissais mal la distance qui me séparait de l'autre monde [...] (Mo, 74-75). On fera cependant ici le pari que l'esthétique de Beckett, entendue non seulement comme discours explicite qu'il tient sur l'art, mais aussi comme conception implicite lisible dans son écriture, permet de saisir l'unité profonde de l'oeuvre. Deux ouvrages joyciennes allusions sexuelles. Les censeurs irlandais ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés qui interdirent le livre jusqu'en 1952.
Le retour du pire dans mirlitonnades (1976-1978) de Samuel Beckett
Cahiers Erta
S i Walter Benjamin avouait beaucoup devoir à la pra que d'Aragon dans l'élabora on de son armature conceptuelle 1 , le propos paraît au moins réversible et telle est bien la lecture que je voudrais risquer ici en interrogeant La Semaine sainte à par r des catégories forgées par Benjamin, à commencer par celle d'« image dialec que » sous laquelle il cristallise une rencontre entre passé et présent qui accrédite le retour du passé dans le présent, où il est comme incrusté, mais tapi, en embuscade, commandant des modalités d'écriture que Benjamin caractérise en ces termes : l'histoire soumise au lecteur joue de « cita ons […] insérées dans le texte », à telle enseigne qu'« Écrire l'histoire signifie donc c i t e r l'histoire » 2. Modalités d'écriture et, bien évidemment, de lecture, quand ce e image dialec que ar cule dans une configura on qui a la souplesse du symbolique les deux plans de l'Autrefois et du Maintenant, pour le dire en termes benjaminiens, confondus dans une compénétraon dont il importe-et dont il importe pour Maintenant-de saisir les rapports. Rapports complexes et qui ne se
D'une rive linguistique à l'autre : Beckett sur le bateau ivre
« The Drunken Boat » est l’histoire d’une triple traversée : celle du bateau, contée par Rimbaud. Celle, plus concrète, mais peut-être tout aussi symbolique, qu’effectuera Beckett entre la France et l’Angleterre grâce à l’argent touché pour cette traduction. Celle, encore à venir en 1932, qui ramènera Beckett en France et à la langue française. Des frontières géographiques aux frontières linguistiques, la traduction se tient à la limite, entre deux rives…