Le carême de silence de Grégoire de Nazianze : une conversion à la littérature ? (original) (raw)
2001, Revue d'Etudes Augustiniennes et Patristiques
Le carême de silence de Grégoire de Nazianze : une conversion à la littérature ? Longtemps circonscrite à sa Cappadoce natale, où elle étouffa sous la tutelle de son père, Grégoire l'Ancien, évêque de Nazianze, et sous l'ascendant régional de son ami, Basile de Césarée, la carrière de Grégoire de Nazianze (330-390) ne prit son envol que sur le tard. Il approche la cinquantaine lorsque le remplacement d'un Valens pro-arien par le nicéen Théodose à la tête de l'empire d'Orient lui offre une occasion inespérée dont il se saisit aussitôt : celle de se propulser à la tête de la minorité nicéenne de Constantinople, alors sans église ni pasteur parce que proscrite par l'hégémonie locale du parti arien, et de se placer ainsi comme le futur évêque orthodoxe de la seconde Rome. Déjouant les manoeuvres des Ariens et de Pierre d'Alexandrie pour le déloger, il y relaie la politique religieuse de l'empereur dont la campagne contre les Goths retarde Yadventus. À peine arrivé, Théodose le récompense de ses services en l'installant sur le trône épiscopal de la capitale le 27 novembre 380. Le synode qui s'y réunit en mai 381 le régularise dans ses fonctions avant de lui confier la présidence de ses débats, mais cette apothéose se retourne vite contre lui : incapable d'affirmer son autorité sur ses collègues, il est finalement poussé à la démission et, plein d'amertume, se retire au pays sans même attendre la fin des travaux conciliaires 1. C'est à cette époque, alors qu'il vit retiré sur ses terres 2 , que sa correspondance et son oeuvre poétique 1. Sur l'aventure constantinopolitaine du Nazianzène et son interprétation, voir notre thèse, encore inédite, Grégoire de Nazianze, la retraite et le retour au monde (soutenue le 20 janvier 2000 à l'École Pratique des Hautes Études, Section des Sciences Religieuses). 2. Outre son amertume, cette retraite peut se rapporter au fait que Grégoire, en butte à l'accusation de transfert portée contre lui par le concile, s'est défendu d'avoir été réellement investi à Nazianze, dont il se présente (P. 2, 1, 11, v. 533-550) comme simple intérimaire malgré soi. Il lui était donc difficile d'en reprendre la direction.