Frankétienne, maître du Chaos (original) (raw)
Recension publiée dans Études Littéraires Africaines (ELA) no 27, 2009, pp.121-122. CHANCÉ, Dominique, Écritures du chaos. Lecture des oeuvres de Frankétienne, Reinaldo Arenas, Joël Des Rosiers. Saint-Denis: Presses universitaires de Vincennes, Coll. Littérature hors frontière, 2008, 250 p.
Frankétienne: "Pour sauver le monde il nous faut l'invisible"
Africultures, 2021
Dans cet entretien, Frankétienne parle de son approche de la création, à savoir la spirale. La spirale est pluridimensionnelle: écriture, peinture, musique, théâtre, arts visuels en tout genre. Elle entend redonner sa place à l’invisible, par opposition aux matérialismes qui excluent la dimension spirituelle de l’existant. Chez Frankétienne, c’est le motif de la spirale qui est donc convoqué pour décrire ce monde qui vibre à l’infini, sans frontières, sans pause ni repos, sans fatigue ni rupture. Vitale, la philosophie chez lui est affaire de corps, car l’esprit est, lui aussi, affaire de corps: l’être humain est une fusion et non une dualité. Avec Mûr à crever, publié en 1968 et qui semble pourtant loin de tous les bouleversements sociaux et idéologiques qui allaient traverser l’Europe et le monde entier, il fait référence à la richesse de cette notion de spirale qu’il avait retrouvée dans le livre Anti-Dühring de Friedrich Engels, mais en la liant, sur le plan de la réalité, à Haïti.
I Si l'on veut exorciser la société de tous les démons qui la travaillent ou la curer de tous les maux qui la dévorent, il faut nommer le mal, en établir l'étiologie et dresser la carte des morbidités qui y prospèrent… autant dire (un impératif premier) cartographier le champ de bataille idéologique sur lequel nous avons perdu beaucoup de terrain ces dernières années. Nous pourrions d'ailleurs commencer par nous-mêmes, pratiquer le grand djihad (effort de reconquête intérieure). Chasser un à un à coup de lattes, les méchants diables qui nous habitent et cherchent à nous entraîner toujours plus bas vers les tréfonds. Parce que disons-le, répétons-le inlassablement, le vice sociétal rencontre nécessairement la complicité majoritaire des victimes. Le pouvoir des ténèbres de l'esprit ne peut s'étendre en effet sans le consentement du plus grand nombre. Qui ne dit mot consent dit l'adage1. Or nous en sommes arrivés à ce stade d'inversion que nous tolérons, nourrissons, chérissons, et parfois adulons, nos bourreaux, ces gens qui sapent patiemment l'édifice des siècles sous nos applaudissements consternés. La nature donne ainsi d'extraordinaires exemples de parasitisme animal où se rencontre la collaboration passive (mais paradoxalement active), de la proie et du cannibale2. Nous pourrions, si tant est que nous le voulions, porter de cette manière-sous les auspices d'Esculape et du géographe Cassini-un diagnostic précis, engager les thérapies idoines et tracer les grandes lignes d'une contre-offensive. Reste que nos dérisoires politiciens prétendument conservateurs ou souverainistes ne sont jamais parvenus à comprendre que la politique est la continuation de la guerre par d'autres voies et moyens, ceci pour renverser la célèbre et judicieuse formule de Clausewitz3… laquelle doit se lire évidemment dans les deux sens ! Mais entrer en guérison, engager une guerre de reconquête spirituelle, ne va pas de soi pris que nous sommes dans le maelström d'un chaos sociétal polymorphe en rapide accélération… Tourbillon toutefois peu sensible au quotidien, même s'il se traduit par une évidente confusion mentale collective et une inversion des valeurs proprement ahurissante savamment et médiatiquement entretenues. Il est vrai que lorsque la nef sombre à l'horizontal la submersion peut rester un certain temps imperceptible à ceux qui accompagnent le mouvement et n'être visible qu'à distance, à partir d'un point fixe4.
Professeur des universite s en arts plastiques LARA Universite de Toulouse 2 Le Mirail Le code du chaos L'analyse s'appuie sur une production personnelle qui revisite le principe du dessin automatique. Le propos consiste a! s'interroger sur les processus de cre ation mis en oeuvre dans ce contexte partant du principe que ce type de pratique ne suppose pas de dessein initial mais que la figure se construit par e mergence a! partir de ce qui peut e& tre conside re comme un chaos initial. La figure se pre cise au fur et a! mesure a! partir de processus de choix qui proce! dent autant de la logique interne du dessin que d'une interpre tation des formes e mergentes a! partir des codes du dessin (modele , de grade …). Les figures font ensuite l'objet d'un traitement syste matique par ordinateur qui permet l'interpre tation des codes par une formalisation mode lise e en trois dimensions. Le principe initial est celui du dessin automatique, ou, plus pre cise ment, ce qu'on appelle le dessin te le phone, c'est-a!-dire la pratique qui consiste a! griffonner au hasard lors d'une conversation te le phonique. Les dessins re alise s dans le cadre de ce projet l'ont e te a! l'occasion de re unions diverses. Le contexte est important car il suppose une concentration partage e entre les diverses interventions de la re union, et la ne cessite d'en suivre le contenu, et la logique du dessin e mergeant.
La plupart d'entre nous, ici, aujourd'hui, si non tous, sont des xénoi, des étrangers à cette terre. Ce n'est pas la terre de notre naissance. En fait, cela a été le cas depuis le début du monachisme en Terre Sainte, au quatrième siècle. La grande majorité des moines et des nonnes était ici toujours composée d'étrangers parlant beaucoup de langues différentes. Pour la dernière partie du quatrième siècle, il y avait de nombreux moines et des nonnes dont la langue maternelle était le grecque, le latin ou le syriaque. Plusieurs sont venus comme des pèlerins et ont décidé de rester. Dans son Épître 107.2, Jérôme a écrit avec quelque fleur de rhétorique que : " quotidiennement nous recevons à Jérusalem des troupes de moines venant de l'Inde, de la Perse, de l'Ethiopie... Arméniens, Huns, Goths, Scythes ". À la seconde moitié du quatrième siècle et la première moitié du cinquième siècle Jérusalem a respiré une atmosphère cosmopolite. Nous, qui appartenons au Patriarcat latin, pouvons voir nos ancêtres dans Mélanie l'Ancienne et Rufin d'Aquilée sur le Mont des Oliviers, Jérôme et Paula à Bethléem et nous ne devons pas oublier Jean Cassien, qui a passé trois ans à Bethléem avant de chercher des meilleures formes de monachisme en Égypte. La plupart de ces gens étaient aussi multilingues. En écrivant au milieu du sixième siècle, Cyril de Scythopolis (Beit Shéan) dépeint tous les héros fondateurs du monachisme en