« Faire le texte, c’est faire la théorie 1 » (original) (raw)
Fragments d'ego-histoire "Making text is making theory" Text schreiben ist Theorie schreiben. Auszüge aus der Ego-Geschichte Roland Huesca Arrivé à un des termes de son parcours, le chercheur s'étonne souvent du produit de son labeur. Celui-ci semble lui échapper. Devenu presque étranger à lui-même, et pourtant si présent à sa vie, « déposé », le voici exposé, livré à l'échange et au jugement d'autrui. Toute une tradition, il est vrai, pousse le scientifique à s'effacer devant son oeuvre, à se murer derrière les résultats et les conclusions obtenus. Il s'exprime alors sous la bannière de paradigmes, revendique des filiations. Cependant, Pierre Nora 2 l'a montré, les acquis de l'historiographie ont depuis une quarantaine d'années mis en évidence les faux-semblants de cette impersonnalité. Aussi, pénétrons, selon la belle formule de Maurice Agulhon, dans les « coulisses » 3 de la création. Prenons-la pour objet de pensée, et transformons cette expérience, ce pan d'histoire de vie, en écriture. Entrons dans cet exercice visant la mise en forme d'une herméneutique de soi 4. Tâche délicate où confessions inutiles, psychanalyse naïve, suffisances illégitimes ou encore abstractions surannées peuvent surgir à tout moment. Il s'agira à partir des méthodes qui m'animent : « d'expliciter […], le lien entre l'histoire qu'on a faite et l'histoire qui vous a fait 5. » Pratiquer cette autopsie de soi, par soi, et qui plus est de son vivant, l'épreuve mérite d'être vécue ! Pensant à la formule de Michel de Certeau : « Faire le texte, c'est faire la théorie 6 », voici un « petit essai d'épistémologie pratique »sur l'aventure scripturale de Triomphes et scandales, la belle époque des Ballets russes. L'emploi du « je » sera ici de mise.