Psychopathologie du processus de protection des mineurs (original) (raw)

Contexte Les pratiques visant la protection des mineurs sont hautement contestées par les parents, les professionnels de la santé, les avocats et les médias. À Genève (Suisse), les critiques dénoncent les effets en cascade entraînés par la collusion entre experts psychiatres et juges, ainsi que la maltraitance psychologique à laquelle sont exposés parents et enfants. Ce travail interroge, à partir d'une pratique clinique psychothérapeutique auprès de mères d'enfants placés ou menacés de placement, la série de traumatismes générée par l'expertise psychiatrique et le processus dit de protection, en partant de l'hypothèse que ce dernier, en raison de son ancrage dans la violence fondamentale, développe une confusion protection-violence et une psychopathologie transfrontalière mobilisant les limites individuelles, institutionnelles et sociétales. Objectifs Il est premièrement question de décrire et de nommer un processus clinique relatif aux interactions parents-institutions qui chappent généralement à la représentation, se traduisant principalement par des passages à l'acte. Secondairement, l'auteur souhaite fournir aux parents et aux intervenants du réseau des clés de compré hension de ce processus particulier. Methode L'auteur articule des caractéristiques administratives et psychopathologiques du terrain institutionnel et clinique en fondant sa réflexion sur l'approche psychanalytique. Plusieurs expertises psychiatriques et des entretiens cliniques (avec six mères d'enfants placés ou risquant d'être placés) servent d'appui dans la compréhension de la dynamique globale du processus de protection. Résultats Les éléments cliniques apportés par les mères étudiées mettent sur la piste d'un traumatisme inaugural dénié (lié à la séparation forcée mère-enfant alors que la rupture affective n'est pas présente) et d'une série de doubles contraintes à l'origine d'un processus de protection pathologique. Plusieurs décennies d'études scientifiques démontrent les effets traumatiques de la sé paration mère-enfant ainsi que les conséquences psychopathologiques durables : PTSD, dépression, troubles des conduites, suicide, etc. Les expertises psychiatriques à notre disposition confirment les critiques avancées par les médias, les parents et les avocats : elles sont construites autour d'une accumulation de biais de confirmation et ne respectent pas les critères de l'étude de cas en recherche qualitative et quantitative. Elles favorisent la pathologisation du processus de protection. Le Service de protection des mineurs, institution qui se situe au coeur du processus, semble fonctionner sur la base d'un pacte dénégatif permettant l'existence du groupe à condition qu'un ensemble de représentations soient déniées, refoulées et rejetées. La Cour des comptes (organe indépendant d'évaluation) confirme que les parents sont délaissés au sein du processus, tandis que les objectifs fixant les conditions d'un retour de l'enfant à la maison ne sont pas suffisamment établis. Quant au droit de l'enfant, il ne semble pas suffisamment respecté. Conclusion Cette étude tend à confirmer l'hypothèse d'une confusion protection-violence générée par un système dont l'existence dépend de l'occultation de la violence fondamentale et de ses représentations. Elle permet une meilleure compréhension de la dynamique en jeu et de la cascade de traumatismes provoquée par les procédures de protection, tout en fournissant des clés théorico-cliniques pour une intervention plus adaptée auprès de parents d'enfants placés.