Du fou romanesque à la « folle » écriture de Tierno Monénembo (original) (raw)

Poétique de la rumeur. L'exemple de Tierno Monénembo.

The Poetics of Rumor: The Case of Tierno Monénembo. — Tierno Nonenembo is one of these writers who tries to make use of the fantastic potentiality of creativity contained in public rumours. What is at stake for this novelist is not to use the legends which are retailed by rumours but to take part of the verbal creativity involved in this way of communication. Slums, urban peripheries are not spaces where the narratives can take place but mediums for anonymous, decentralized, plural utterances. To catch this flow of words, to drown his writing in it, is one of Monemembo's means to discrupt our mental representations.

“ La résilience dans l’imaginaire de guerre de Tierno Monénembo ”

Tierno Monénembo, un écrivain pluriel

L'écrivain franco-guinéen Tierno Monénembo a un parcours remarquable dans le champ littéraire francophone. Si ce parcours contribue à sa renommée mondiale, il est aussi fait d'expériences difficiles et traumatisantes. À cause de son précoce exil forcé de la Guinée, l'imaginaire de cet authentique citoyen du monde s'est finalement enrichi de cette expérience de pérégrinations à travers le monde au point que l'étudier à partir d'une seule vision culturelle, esthétique et raciale devient difficile. Mohamed Keïta, dans son étude psychocritique de l'auteur, estime que ces épreuves personnelles inspirent beaucoup son imaginaire : « les facteurs psychiques et psychologiques personnels de l'écrivain sont à l'origine de son inspiration littéraire» et ses personnages incarnent sa personnalité inconsciente (270). Il est donc suggéré ici que c'est justement ces épreuves personnelles qui lui permettent d'être sensible à la souffrance des autres, faisant de lui le prototype même de la résilience. Son imaginaire n'est pas cette pure structure formelle de 'l'art pour l'art.' C'est surtout une littérature testimoniale qui interroge notre conscience historique. C'est ce volet sémantique que l'on étudie dans L'Aîné des orphelins et de Le Terroriste noir. En effet, si selon Antoine Compagnon, la littérature est « à la fois symptôme et solution du malaise dans la civilisation » et qui nous dote d'une vision qui dépasse les « restrictions de la vie journalière » (47), elle est pour l'artiste Monénembo une précieuse pierre philosophale et une véritable « thérapie, une survivance, la marque sur la page d'une main tendue. » (27), pour reprendre les termes d'Isabelle Van Peteghem-Rouffineau.

Le despotisme dans " Les Écailles du ciel " de Tierno Monénembo

2018

La présente recherche qui a pour titre «Le despotisme dans Les Écailles du ciel de Tierno Monénembo» fait une analyse d'un roman d'un écrivain franco-guinéen. Elle part de l'hypothèse générale que ce roman, paru en 1986, exprime davantage les horreurs du régime totalitaire et les rêves de liberté desséchés, qu'il est de véritable accusation contre la tyrannie, la lâcheté et la corruption. La période coloniale n'est pas toujours le cadre de ce récit, mais une partie essentielle s'inscrit dans l'époque de l'immédiateté postcoloniale. La trame de ce roman se situe à la charnière entre deux moments distincts: un avant et un après de l'indépendance. Tierno Monénembo consacre ce roman à la peinture de la dictature dont il a fait l'expérience directe. Il y raconte la vie d'un village traditionnel Kolisoko et d'une ville de Djimméyabé pendant l'ère coloniale, la lutte pour l'indépendance et le despotisme des régimes successifs après l'indépendance. Le présent travail s'attache à caractériser la thématique du despotisme, telle qu'elle est imposée aux habitants guinéens pour qui la violence, la répression, la tuerie et l'inhumanité font désormais partie de leur vie quotidienne. Il s'articule sur deux points distincts: le premier concerne "le despotisme pendant la colonisation française". Il s'agit de montrer l'ère coloniale considérée comme une relation de servitude, de domination et de violence et la lutte du peuple guinéen pour se procurer de la libération. Le deuxième point intitulé "Le despotisme postcolonial" met en relief l'état dans lequel se trouve la société guinéenne récemment sortie de l'expérience coloniale. Il s'agit d'étudier "la période douloureuse qui a succédé aux espoirs suscités par les indépendances". Le totalitarisme des régimes gouvernants prend place au pouvoir colonial. Le règne de nouveau maître du pays finit par se transformer en une machine de mort. Or, les espoirs de liberté et de prospérité du peuple guinéen se sont enlisés. En effet, tout au cours de cette étude, nous avons abordé les différents types du despotisme que représente le texte monénembien. Nous sommes allés du despotisme colonial à celui postcolonial en montrant que ce phénomène est un moteur de création littéraire. Cette recherche aboutit à un résultat probant: Le régime postcolonial emprunte les parcours du despotisme de la colonisation, même les plus pires. ‫ﺍﻟﻌﺪﺩ‬ ‫ﺍﻹﻧﺴﺎﻧﻴـﺔ‬ ‫ﻭﺍﻟﻌﻠـﻮﻡ‬ ‫ﺍﻵﺩﺍﺏ‬ ‫ﳎﻠـﺔ‬ ٨٦ ‫ﻳﻨﺎﻳﺮ‬ ٢٠١٨  Le despotisme dans " Les Écailles du ciel " de Tierno Monénembo L'analyse du despotisme n'est pas neuve dans les études africaines, surtout francophones. Littérature et despotisme semblent être en relation étroite depuis les débuts reculés de la littérature négro-africaine. Mais cette relation s'accroit, s'étend et se développe à l'extérieur des pays africains, car les écrivains exilés retrouvent la liberté et la responsabilité de transmettre, d'aborder et de critiquer les abus des systèmes coloniaux et des régimes arbitraires de nouveaux dirigeants de ces pays après l'indépendance. Des écrivains africains, tels Ahmadou Kourouma (de la Côte d'Ivoire), Camara Lay, William Sassine et Mohamed Alioum Fantouré (de la Guinée), Sony Labou Tansi et Henri Lopez (du Congo), font partie des personnes qui ont fui la politique de l'horreur postcoloniale. Les régimes tyranniques, qui se constituent en Afrique après l'indépendance, ont fait l'objet d'une écriture abondante chez la plupart d'eux. Ces derniers ont pour thème "la dénonciation des injustices, des inégalités, de la démagogie, de la tyrannie du gaspillage… et de bien d'autres fléaux." 1 Le despotisme acquiert du coup une importance particulière chez nombre d'auteurs francophones. Un bon nombre de leurs romans 2 sont investis, à des degrés divers, de ce despotisme, surtout postcolonial: " La production littéraire africaine de la période postcoloniale est le témoin des aberrations des régimes totalitaires postcoloniaux, (…) et des désillusions politiques provoquées par le néocolonialisme." 3 ‫ﺍﻟﻌﺪﺩ‬ ‫ﺍﻹﻧﺴﺎﻧﻴـﺔ‬ ‫ﻭﺍﻟﻌﻠـﻮﻡ‬ ‫ﺍﻵﺩﺍﺏ‬ ‫ﳎﻠـﺔ‬ ٨٦ ‫ﻳﻨﺎﻳﺮ‬ ٢٠١٨  "J'ai commencé à écrire pour témoigner et dénoncer la dictature qui sévissait dans mon pays, la Guinée, puis mes centres d'intérêts se sont déplacés dans l'espace. Dans chaque roman j'essaie d'écrire différemment et d'être toujours plus vrai."

Compte rendu: DE MEYER (Bernard), DIOP (Papa Samba), éd., Tierno Monénembo et le roman. Histoire, exil, écriture.

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