Faire exister le peuple : Coyer, de Pauw, et la langue de la démocratie. (original) (raw)

La langue du peuple pendant la Révolution française

Parler la langue du peuple pendant la Révolution », in La Révolution française. Une histoire toujours vivante, sous la direction de Michel Biard, Paris, Taillandier, 2009, p. 317-331. réédition : Paris, CNRSeditions, 2014 La formation d'une « nouvelle langue politique », selon l'expression de Sieyès, est la quête obligée d'une génération de révolutionnaires qui se trouve confrontée à un immense changement 1 . Certes cette invention d'une nouvelle langue politique est précédée, dès les années 1750, d'un souci de constituer une langue analytique bien faite, donc au plus près de la raison, avec les Encyclopédistes, mais en restant à distance des préjugés du peuple. C'est donc seulement au cours des années 1770-1780, avec l'émergence d'une façon d'observer la société, qui prend déjà nom de sociologie là encore sous la plume de Sieyès 2 , que se précise un intérêt pour le « peuple malheureux » en s'appuyant sur la connaissance des moeurs et des besoins sociaux 3 . Ce qui revient d'emblée à donner une base sociale large et déterminée à la nouvelle langue politique. Ainsi, le peuple n'est plus exclu de l'observation sociale, comme dans les périodes antérieures. Bien au contraire. Il est alors possible, comme l'ont fait Arlette Farge et Déborah Cohen 4 , de donner vie, à partir d'archives, à la parole populaire en cette fin de l'Ancien Régime par la prise en compte de ses revendications, et de leur légitimation propre. Ainsi le Robespierre avocat dans les années 1780 5 considère que le peuple doit « être compté pour quelque chose », en se présentant, d'une affaire judiciaire à l'autre, comme le témoin oculaire qui atteste du malheur de tel ou tel homme du peuple. Il témoigne ainsi de l'injustice faite au peuple, et en fait un argument pour l'action. Dans le même temps, il met en place avec d'autres penseurs des Lumières tardives (Condillac, Helvétius, D'Holbach, Condorcet) les bases de l'art social qui vont permettre le déploiement de la figure sublime du législateur

Le peuple. Formation d'un sujet politique

2001

Comme le souligne l'illustre préfacier, l'originalité de cet ouvrage consiste dans le fait qu'il a été dès son origine pensé comme destiné à un public français. Trois des douze contributions ont été en effet directement écrites dans notre langue par leurs auteurs, tandis que les neuf autres, émanant de médiévistes italiens reconnus, ont été traduites afin d'être accessibles à un public plus ou moins italianisant sans être forcément parfaitement italianiste. La maîtresse d'oeuvre de l'entreprise, Isabelle Heullant-Donat, historienne de l'Italie médiévale et ancienne pensionnaire de la prestigieuse École française de Rome, a donc fort opportunément souhaité offrir aux médiévistes français un aperçu assez large de cette culture italienne ancienne dont le monde savant s'accorde à reconnaître la centralité, tout en ne possédant pas toujours les instruments théoriques et conceptuels nécessaires pour l'appréhender avec suffisamment de justesse et de clarté. Par leur concision et par l'actualité et la mise à jour de l'information qu'ils fournissent, ces douze articles seront également d'une grande utilité pour tous les italianistes (chercheurs, étudiants, enseignants) qui, sans être des historiens accomplis, éprouvent le salutaire besoin d'inscrire leurs recherches et leurs travaux dans les grandes lignes d'une riche et complexe évolution. Dans son avant-propos, I. Heullant-Donat précise la visée de l'ouvrage : faire connaître au plus large public possible les avancées de l'historiographie italienne dans les différents domaines de l'histoire culturelle italienne de la fin du Moyen Âge. Cette période est étudiée dans son extrême diversité, et notamment la prégnance particulière du phénomène urbain. L'ouvrage montre le développement particulier de toute une série de pratiques culturelles et professionnelles destinées à exprimer et à diffuser dans le reste de l'Europe des « schémas mentaux qui s'imposent à l'extérieur comme à l'intérieur du pays », selon une formule de Jacques Le Goff. Les textes que la directrice a choisi de faire figurer dans ce panorama sont tous accompagnés de fort utiles appendices documentaires et bibliographiques.

Le peuple, du mot à la chose. Quelques jalons dans l'histoire des idées politiques.

Cahiers d'études romanes - Le peuple, théories, discours et représentations, 2017

Le mot « peuple » fait partie de ces termes que l'on pourrait qualifier de transversaux, dans le sens où ils intéressent un très grand nombre de disciplines : en l'occurrence, au-delà de la lexicographie, les sciences sociales en général (en particulier l'histoire des idées et des idéologies), la philosophie politique, ou encore la sociologie des pratiques culturelles 1 .

Lucien Febvre et la représentation de l'État contemporain

2002

1935 est une année marquante dans l'histoire de l'édition : en décembre paraît le premier volume de l'Encyclopédie française, le tome X, intitulé L'État moderne, sous-titré Aménagement, crise, transformations. Cette ambitieuse entreprise collective naît dans un climat d'inquiétude. La France vit sous l'empire d'une crise économique, politique, sociale et morale qui affecte ses institutions et divise ses élites. Cette crise, Lucien Febvre la ressent, sans l'exprimer explicitement, lorsqu'il commence à rédiger à l'intention d'Anatole de Monzie le projet de l'Encyclopédie française, daté d'octobre 1932, mais pensé dans la perspective de 1935. La gestation, la réalisation et la publication du tome X ont, de ce point de vue, un effet révélateur qui dépasse le rôle même de l'Encyclopédie, comme entreprise scientifique et comme modèle d'organisation de la culture. L'élaboration de ce volume et les tensions qu'elle a suscitées ouvrent en outre des aperçus éclairants sur le processus de formation de l'identité républicaine en France. On assiste ainsi à une sorte de rupture du cercle magique que produit la forme encyclopédique, telle que la décrit Roger Chartier, lorsqu'il fait allusion à l'univers déformé que perçoit le protagoniste d'une nouvelle de Luigi Pirandello 1 , pour lequel le monde réel est un monde de papier : « Pour le professeur Balicci, écrit Chartier, le réel n'est et ne peut être que ce qu'en disent les livres. Le projet encyclopédique partage, au fond, une semblable certitude. La bibliothèque qui contient tous les livres et le livre qui contient tous les savoirs valent pour le monde lui-même 2. » Malgré la cohérence du plan du volume et la volonté de produire, non pas un tableau aseptisé et conventionnel des fonctions de l'État, ce qui serait contraire à l'esprit de l'Encyclopédie française, mais une mise en forme des problèmes que pose l'évolution du rôle et des formes de l'État à l'époque contemporaine, beaucoup d'indices, surtout dans

La « langue peuple » dans le roman français

Hermès, 2005

on ne peut plus s'entretenir avec un homme du peuple ni échanger trois mots avec un ouvrier. On ne parle plus le même langage. C'est la guerre des classes en France, la guerre des mots. L'accent y est, mais pas l'esprit. On est dans les abstractions. Il s'en dégage de la haine.