Deux lectures de l'idée du Bien chez Platon: République 502C-509C (original) (raw)

Les deux cavernes de la République de Platon 1

Ce texte est la reprise souvent littérale de la dernière partie du chapitre 5 de la thèse d'Etat que l'auteur a soutenue en décembre 1984, sous le titre Ecriture, monnaie et connaissance, à l'Université Louis Pasteur à Strasbourg. Certaines affirmations ne sont véritablement compréhensibles qu'à la lumière des développements antérieurs tels qu'ils figurent dans la thèse. Tout le monde connaît l'allégorie de la caverne, souvent appelée le « mythe de la caverne », dont Platon se sert dans le Livre VII de la République pour fonder sa théorie de la connaissance. Ce n'est pas pour rien que l'on y reconnaît un mythe, s'il est vrai que le mythe se définit d'être une réponse à une question qui n'a pas été posée. Pourtant, en l'occurrence, ce recours au terme « mythe » pour désigner le topos qui permet à Platon d'élaborer cette théorie me semble tout à fait injustifié, dans la mesure où la question à laquelle elle répond est bel et bien posée tout au début du Livre II, à travers le récit d'une fable, qui permet à Platon d'énoncer le problème philosophique qu'il veut traiter dans le dialogue. Ce problème est celui de la justice. Le Livre I l'avait abordé de manière maladroite et sans méthode. Il se conclut d'ailleurs par un aveu : Socrate reconnaît qu'il n'est pas allé au fond des choses et que l'une des raisons de cet échec — qui est aussi l'échec de la parole socratique — doit être située dans la manière dont il s'est laissé mener par d'inutiles bavardages et par les caprices d'associations verbales surgissant spontanément au cours de la discussion. L'argumentation philosophique ne commence véritablement qu'à partir du Livre II, au moment où Socrate dit : « Je me croyais quitte de parler, mais ce n'était, paraît-il, qu'un prélude ! » Glaucon et Adimante prennent le relais des jeunes interlocuteurs inexpérimentés du Livre I. C'est Glaucon qui ouvre le feu en reprochant à Socrate d'avoir défendu la justice pour les avantages et les bénéfices qu'on peut espérer en obtenir. C'est trop facile, argumente Glaucon. Ce qu'il faut faire c'est défendre la justice en tant que vertu qu'il est nécessaire de cultiver pour elle-même quand bien même elle ne serait source que d'ennuis, de désagréments ou de malheurs pour celui qui en aurait le culte. Ce qu'il faut prouver c'est la possibilité d'un ancrage naturel de cette vertu dans l'homme. Or, poursuit Glaucon en substance, il vient à l'évidence que c'est l'injustice qui est la plus conforme à la nature de l'homme, comme en témoigne "le cas que voici" : «Pour prouver que l'on ne pratique la justice que malgré soi et par impuissance de commettre l'injustice, nous ne saurions mieux faire qu'en imaginant le cas que voici. 1 "Non pas deux cavernes, mais trois" me rétorqua Myles Burnyeart en souriant, lorsque je lui fis part du rapport que je voyais entre le livre II et le livre VII de La République. A vrai dire, je n'ai pas immédiatement compris pourquoi il en voyait une troisième annoncée par le premier mot du Livre I : katebèn !

Causalité et bien chez Platon

in L. Couloubaritsis et S. Delcomminette (éd.), Aristote et la causalité, Paris/Bruxelles, Vrin/Ousia, 2011

Le titre « Causalité et bien » peut recouvrir deux tâches différentes : soit la recherche de la cause du bien soit l'examen de ce qu'il en est du bien comme cause. C'est principalement la première approche, préalable à la seconde, que je développerai ici, en me contentant de quelques remarques relatives à la causalité du bien en guise de conclusion. J'essaierai de montrer que la problématique de la cause et celle du bien sont intimement liées chez Platon et s'éclairent mutuellement lorsqu'elles sont étudiées en commun.

Platon : La République

MultiMedia Publishing, 2022

La République a été écrite environ entre 380 et 370 av. J.C. Le titre République est dérivé du latin, étant attribué à Cicéron, qui a appelé le livre De re publica (A propos des affaires publiques), ou même De republica, créant ainsi une confusion quant à sa véritable signification. La République est considérée comme faisant partie intégrante du genre littéraire utopique. Le deuxième titre, Peri dikaiou (περὶ δικαίου, Sur la justice), a peut-être été inclus plus tard. Le thème central du livre est la justice, argumentée à l'aide de plusieurs théories platoniciennes, dont le mythe allégorique de la caverne, la doctrine des Idées, la dialectique, la théorie de l'âme et la conception d'une cité idéale. La République est considérée par de nombreux universitaires comme le plus grand texte philosophique jamais écrit, étant le livre le plus étudié dans les meilleures universités. DOI: 10.13140/RG.2.2.26103.91040

"Principe du bien et principe du mal chez Aristote"

Chôra. Revue d'études anciennes et médiévales, 2018

Abstract. This paper deals with Aristotle’s criticism of a metaphysical principle of evil. On several occasions in the Metaphysics, Aristotle notes that some of his predecessors, e.g. Empedocles and Plato at least, have been forced to admit the existence of a principle of evil, for the very same reasons that led them to define the good as a principle. Needless to say Aristotle too admits that the good belongs to the range of principles, but he obviously does not think he is committed to the same position concerning evil. This article tries to determine why it can legitimately be so, i.e. on which grounds Aristotle’s conception of the good as a principle can save him from having to make room for its contrary too among the principles. In the first part of this paper, I define the two main logical rules which, according to Aristotle, led Empedocles and Plato to admit the evil among the principles: the rule of homogeneity between a principle and its effect, and the rule of contrary principles. In the two following parts, I study how Aristotle manages to avoid the undesirable consequences of these logical rules: first, by providing a definition of an absolutely first principle which has no contrary; second, by providing a new definition of the relation of contrariety itself, thanks to which the hypothesis of a principle of evil turns to be both useless and contradictory.

« Pourquoi le Bien ? Apparence, Réalité et désir du bien (République, VI, 504B-506D) »

Journal of ancient philosophy (suppl. volume. 1), 2019

À l'exception des sections I (introduction) et VI (conclusion), le présent article est la traduction française (sous une forme abrégée et parfois modifiée) d'un article précédemment publié en anglais sous le titre « Why the Good ? Appearance, Reality and the Desire for the Good in Republic VI, 504b-506d », Methexis, International Journal for Ancient Philosophy, 27 /1, 2014, p. 47-60.

Brague Du Temps chez Platon et Aristote

1 2 1 1 WB S 1 8 3 6 ( 2 ) PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE ISBN~ 130372171 ISSN 0768•0708 Dépôt légal-Ire édition : 198~, avril 2e édition : 1995, décembre (Qj Prr;sses Universitair~s de France, 1g8'l 1 oB, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris AVANT-PROPOS Les travaux présentés ici, s'ils ne forment pas un ouvrage d'un seul tenant, possèdent cependant au moins deux points communs, qui permettent au recueil qui les rassemble de prétendre à quelque unité. Pour commencer par le plus évident, qui est leur slfiet, ils portent tous sur un domaine assez limité de l'histoire de la philosophie, mais dont l'influence se confond presque avec la totalité de cette histoire, à savoir les deux géants de la pensée grecque classique, Platon et Aristote. De plus, la question centrale dans tous ces essais est unique, et c'est celle du temps. Pour passer à ce qui, moins visible, est pourtant décisif, l'origine de ces textes est commune : le Centre de Recherches sur la Pensée antique (Centre Léon-Robin), séminaire de Pierre Aubenque, qui a consacré deux ans de ses travaux aux conceptions philosophiques du temps dans l'Antiquité. Une première version du premier, du second et du dernier texte y a été présentée sous forme d'exposés, respectivement les 7 avril et 15 décembre 1978, et le 23 février 1979· L'essentiel de l'argument du troisième est sorti d'une intervention faite le 19 janvier 1979· A part quelques additions et corrections minimes, la rédaction définitive date de juin 1979· La publication aurait été impossible sans l'amicale insistance de Jean-Luc Marion. Je ne puis renoncer au seul plaisir pur que m'auront procuré la rédaction de ces pages : celui de pouvoir dire merci. Pierre Aubenque a bien voulu accepter ce genre de travaux dans son séminaire. Plusieurs membres de celui-ci m'ont communiqué des remarques pertinentes dont j'ai tenu compte. Emmanuel Martineau m'a de jort bonne grâce laissé interrompre un exposé décidément philosophique 1 par mes émois de philologue opsimathe. Jacques Brunschwig, Denis 0' Brien et Heinz Wismann ont lu et discuté certains de ces textes à différents stades de leur élaboration. Mais je suis parfaitement capable de m'être trompé tout seul. Paris, avril 1981 1. Cf. Conception vulgaire et conception aristotélicienne du temps ( ... ), dans Archiver d1 Pbi/oropbit, t. 43 (198o), p. 99-uo.

Unité des vertus et unité du bien chez Aristote

in B. Collette-Dučić et S. Delcomminette (éd.), Unité et origine des vertus dans la philosophie de l’Antiquité, Bruxelles, Ousia, 2014

Lorsqu'on parle d'unité des vertus chez Aristote, on peut penser à deux problèmes différents : d'une part, le problème de l'unité (ou de la réciprocité) des vertus éthiques dans leur rapport à la phronèsis, et d'autre part, le problème du rapport entre la phronèsis et la sophia. Généralement, ces deux problèmes sont étudiés de manière relativement indépendante par les commentateurs. Pourtant, le fait qu'Aristote les aborde tous deux dans le même chapitre de l'Éthique à Nicomaque (Eth. Nic. VI 13) suggère qu'ils entretiennent des relations plus étroites qu'il ne paraît à première vue. Ce sont ces relations que je me propose d'étudier ici. Sans prétendre renouveler l'interprétation de chacun de ces problèmes, qui ont tous deux fait l'objet d'innombrables commentaires, je souhaiterais montrer que l'étude de leur articulation n'est pas sans intérêt pour la compréhension de l'économie d'ensemble de l'éthique aristotélicienne. L'une des thèses que je défendrai est qu'à côté de l'unité des vertus éthiques, Aristote soutient également une certaine forme d'unité des vertus intellectuelles, selon des modalités que je tâcherai d'éclairer. Pour ce faire, j'utiliserai indifféremment l'Éthique à Nicomaque et l'Éthique à Eudème, qui ne me paraissent pas présenter de différence majeure sur ce thème-et ce d'autant moins que plusieurs textes centraux pour mon propos appartiennent aux livres communs à ces deux oeuvres. J'invoquerai également des textes de la Politique, qui me semblent propres à éclairer certains aspects du problème.

Platon, La République : De la justice – Dialectique et éducation

Platon s'est inspiré des travaux philosophiques de certains de ses prédécesseurs, en particulier Socrate, mais aussi Parménide, Héraclite et Pythagore, pour développer sa propre philosophie, qui explore les domaines les plus importants, notamment la métaphysique, l'éthique, l'esthétique et la politique. Avec son professeur Socrate et son élève Aristote, il pose les bases de la pensée philosophique occidentale. Platon est considéré comme l'un des philosophes les plus importants et les plus influents de l'histoire humaine, étant l'un des fondateurs de la religion et de la spiritualité occidentales. La philosophie qu'il a développée, connue sous le nom de platonisme, est basée sur la théorie des Formes connues par la raison pure comme une solution au problème des universaux. La philosophie de Platon s'inscrit dans la lignée des présocratiques, des sophistes et des traditions artistiques qui sous-tendent l'éducation grecque, dans un cadre nouveau, défini par la dialectique et la théorie des Idées. Pour Platon, la connaissance est une activité de l'âme, affectée par des objets sensibles, et par des processus internes. Dans La République de Platon, la forme la plus élevée est considérée comme la Forme du Bien, la source de toutes les autres Formes qui pourraient être connues par la raison. Le thème central du livre est la justice, argumentée à l'aide de plusieurs théories platoniciennes, dont le mythe allégorique de la caverne, la doctrine des Idées, la dialectique, la théorie de l'âme et la conception d'une cité idéale. Sa dialectique est un type de connaissance, à rôle ontologique et métaphysique, qui s'atteint par la confrontation de plusieurs positions pour dépasser l'opinion (doxa), un passage du monde des apparences (ou « sensible ») à la connaissance intellectuelle (ou « intelligible » ) aux premiers principes. Le modèle éducatif de Platon (paidèia) différencie le niveau d'éducation selon les compétences des élèves. Selon les principes socratiques, pour faire justice, il faut savoir ce qui est bien, et c'est ce que le philosophe sait le mieux. Platon a détaillé ce concept en soulignant la distinction entre le philosophe (qui cherche les principes de vérité sans prétendre les posséder) et le sophiste (qui se laisse guider par l'opinion comme seul paramètre valable de la connaissance).