« Place du bassin et spectation dans le jardin de Gaule Narbonnaise au Haut-Empire : problèmes de typo-chronologie », dans Archéologie des jardins : analyse des espaces et méthode d’approche, sous la dir. de A.-M. Guimier-Sorbets et P. Van Ossel, ed. Monique Mergoil, janvier 2014, p. 35-46. (original) (raw)
Les récentes découvertes de maisons à jardin en Gaule romaine, particulièrement en Narbonnaise, confirment l’imitation des modes italiennes dans l’architecture domestique urbaine. Mais souvent, faute de fouilles méticuleuses des espaces découverts ou d’analyses palynologiques systématiques, ce sont les bassins d’agrément qui le plus fréquemment font apparaître le jardin. L’analyse de leur apparition chronologique permet d’appréhender l’évolution des formes et des modes au sein d’une province, ainsi que leurs modalités de diffusion. L’élaboration de cette typo-chronologie a permis de constater une multiplication de la construction des pièces d’eau dans les espaces plantés des maisons urbaines, entre le Ier et le IIe siècle, ainsi que la diffusion du bassin rectangulaire à abside semi-circulaire en façade, ou celle du bassin à bras, surreprésenté en Narbonnaise, allant jusqu’au développement d’une mode locale à Vienne/Saint-Romain-en-Gal. Certaines des formes attestées dans d’autres provinces du monde romain restent absentes dans cette partie de l’Empire. L’utilisation de jeux d’eau, l’emploi de l’abside semi-circulaire sur un des côtés du bassin, ainsi que l’emplacement de celui-ci dans le jardin, sont autant de dispositifs qui outillent la manière dont on analyse le spectacle du lieu : les choix de mise en scène du jardin par les propriétaires gallo-romains en font un lieu de spectation, qu’il s’agisse d’attirer l’attention du visiteur par l’arrivée de l’eau dans le bassin ou par l’emplacement de ce dernier, en lien direct avec les pièces de réception. En dépit de la rareté de leur découverte in situ, des réseaux de tuyauterie spécifique mettent en scène les jeux aquatiques soit directement par des jets, soit à travers des sujets crachant de l’eau, participant ainsi au décor iconographique du jardin. L’emplacement des pièces d’eau dans l’espace du jardin est pratiquement toujours pensé en fonction de la salle de réception que le propriétaire cherche à mettre en valeur. Dans les plus belles demeures, la multiplication et la succession des pièces d’apparat permet donc une riche déclinaison des formes de l’eau dans le jardin, tandis que l’adaptabilité des modes italiques et les variétés qui en découlent, donnent naissance à des formes originales. Malgré une concentration des exemples en Narbonnaise, la permanence des modèles semble attestée pour toutes les maisons de l’élite de Gaule romaine, à travers la mise en scène du statut social des propriétaires, dont la place du bassin et l’image qu’il projette dans le jardin sont révélateurs. Les formes ornementales de l’eau dans l’architecture domestique des provinces de Gaule romaine ne sont pas sans rappeler celles que l’on rencontre dans le reste de l’Empire. Cependant elles attestent d’un riche éventail de styles et de spécificités locales.