9. L’origine, l’étendue et les limites de la connaissance a priori selon Kant (original) (raw)
Philosophies de la connaissance
la première Critique est d'abord et avant tout un ouvrage de philosophie théorique dans lequel sont inventoriés et examinés les principes premiers de toute connaissance. Toutefois, il convient de faire remarquer que l'expression théorie de la connaissance-en allemand Erkenntnistheorie-, bien que l'on s'en serve souvent pour désigner le contenu de cet ouvrage, n'est pas de Kant lui-même. Elle a fait son apparition au début du XIXe siècle, où elle a acquis un sens spécifique associé aux premières vagues de « retours à Kant », et ce en réaction explicite à l'idéalisme allemand 1. En d'autres mots, c'est le néo-kantisme qui, à l'aide de cette expression, a cherché à réhabiliter la pensée de Kant, par-delà Schelling et Hegel, en mettant en lumière le fait que la philosophie critique a pris toute la mesure des avancées de la science moderne, laquelle trouverait dans la première moitié de la Critique de la raison pure, à tout le moins de manière indirecte, sa légitimation philosophique. Si, cependant, on cherche à retracer de manière plus précise le sens et la portée du projet de Kant tel que décrit dans son ouvrage de 1781, on doit prendre note que ce projet comporte d'emblée dans son titre un aspect négatif, dans la mesure où s'y annonce une « critique » de la faculté de connaître, et plus spécifiquement de la raison pure théorique. L'enjeu porte donc expressément sur la connaissance a priori et non sur la connaissance empirique. Il s'agit en fait de la critique « du pouvoir de la raison en général vis-à-vis de toutes les connaissances auxquelles il lui est loisible d'aspirer indépendamment de toute expérience », et par conséquent la Critique doit permettre de « trancher quant à la possibilité ou l'impossibilité d'une métaphysique en général 2 ». On le voit, ce n'est pas l'expérience, définie comme « connaissance empirique » (B 147), qui fait au premier chef l'objet de cette Critique, mais bien le « pouvoir de la raison relativement à toute connaissance a priori » (A 841/B 869). À coup sûr, les sciences expérimentales contiennent de telles connaissances ; cependant la discipline visée par Kant dans son ouvrage n'est manifestement pas la physique, mais plutôt la métaphysique, en tant que