« Des voix dans la nuit », Hermès, la revue, « La Voix – force de la radio », 2023/2, n°92, p. 47-53. (original) (raw)

« La magie des voix dans la nuit »

Études de lettres

Cet article propose une lecture comparative des enjeux de l'oralité dans les contes de Perrault et leurs « reformulations » radiophoniques par Angela Carter (1940-1992) dans le but d'éclairer la démarche de « transcréation » propre à l'auteure féministe britannique qui endosse avec humour le rôle d'une nouvelle « ma mère l'Oye ». A partir de sa traduction des contes de Perrault pour les enfants dans The Fairy Tales of Charles Perrault (1977), Carter a exploré la textualité et l'intertextualité des contes dans The Bloody Chamber (1979), un recueil de réécritures destinées à des lecteurs adultes. En contrepoint de ces nouvelles en prose, elle a mis en évidence la dimension orale des contes pour la radio, puis leur dimension visuelle au cinéma. Chez Carter, le conte devient un objet d'expérimentation poétique, générique et médiatique au service de l'émancipation des femmes et de leur contribution à l'histoire culturelle. L'exemple développé ici est celui de Vampirella (1976), un « radio play » qui inspirera aussi à l'auteure une nouvelle intitulée « The Lady of the House of Love ». Vampirella revisite « La Belle au Bois dormant » sur le mode gothico-parodique afin de recréer pour ses auditeurs l'expérience archaïque du conte raconté au coin du feu et « la magie des voix dans la nuit ». Open any page and a full score rises from its word-notes, of winds howling, teardrops falling, diamond earrings tinkling, snapping teeth, sneezing, and wheezing. Storytelling for Angela Carter was an island full of noises and sweet airs, and like Caliban, who heard a thousand twangling instruments hum about his ears, she was tuned to an ethereal universe packed with sensations, to which she was alive with every organ. M. Warner, « Marina Warner on why Angela Carter's The Bloody Chamber Still Bites ».

"Confidences nocturnes. Dialogues sur les ondes françaises", Le Temps des médias. Revue d’histoire, 2022/1, n°38, p. 73-88.

Le Temps des médias, 2022

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«‘A grand noise’: la performance sonore dans les Cent nouvelles nouvelles», in Le paysage sonore dans la littérature d’Ancien régime, ou du son comme topos de scènes narratives, Topiques, 6 (2022): https://journals.uvic.ca/index.php/sator/index.

Le caractère théâtral des Cent nouvelles nouvelles-premier recueil de nouvelles en langue française composé entre 1456 et 1467 par un auteur anonyme à la cour de Bourgognea été amplement démontré. Les procédés de théâtralisation dans ce recueil ont été étudiés notamment à travers le prisme du lien entre corps et espace 2. La corporéité des personnages investit de son dynamisme l'espace vide de la scène, et c'est souvent à partir de cet investissement que les jalons de l'intrigue sont posés. En revanche, la dimension sonore de cette théâtralité n'a pas été suffisamment mise en valeur. La noise occupe un rôle de premier plan dans la caractérisation psychologique des personnages et dans la création d'un « jeu » comique. L'évocation de certaines sonorités complète et enrichit des motifs et des situations qui sont à la base de la teneur théâtrale de l'ouvrage. De plus, tout en poussant le récit dans une direction performative comique, les traces sonores du texte sont autant de signes d'une dynamique du conflit, d'un univers troublé marqué par la méfiance. « Ouvrez, ouvrez » : la porte fermée et le comique de situation Dans la première nouvelle du recueil, un « notable bourgois » de Valenciennes tombe amoureux de la femme de son voisin (« le bon compagnon 3 »). Après avoir déclaré sa flamme amoureuse à celle-ci, il trouve la manière de passer une nuit avec elle, le mari-rival étant hors de la ville pour affaires. Les deux amants consomment un succulent repas chez le bourgeois et n'ont désormais d'autre désir que de gagner le lit, mais voici que le brave mari est de retour :

Quand la radio habite la nuit (Intermédialités, n°26, 2015)

Intermédialités: Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques - Habiter (la nuit) / Inhabiting (the night), 2015

Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, la radio française s'est progressivement installée dans la nuit, jusqu'à en arriver à un cycle de diffusion ininterrompue, 24 heures sur 24. Depuis le début des années 2000, toutefois, la radio nocturne disparaît peu à peu pour laisser la place à des rediffusions ou à des flux de musiques automatiques. En quoi la radio de nuit a-t-elle pu constituer un miroir de la vie nocturne ? Comment expliquer la disparition progressive de ces programmes en direct ? Autant de questions auxquelles cet article propose d'apporter des réponses. Abstract During the second half of the 20th century, French radio progressively settled into the night, until it reached a continuous broadcast cycle, 24 hours a day. However, since the beginning of the 2000s, night-time radio has been gradually disappearing, giving way to rebroadcasts or to flow of automatic music. In what ways could night-time radio be seen as a mirror of life at night? How can we explain the progressive disappearance of its live broadcasts? These are some of the questions this article intends to answer.

La radio de nuit, fenêtre sur l'intime / Courrier de l'Unesco, 2020

Courrier de l'Unesco, 2020

La radio de nuit, fenêtre sur l'intime fr.unesco.org/courier/2020-1/radio-nuit-fenetre-lintime D'un ton plus feutré et plus libre que les programmes de jour, les émissions nocturnes ont longtemps été le lieu privilégié des confidences livrées dans l'anonymat de la nuit. Aux heures propices à l'imaginaire et à la solitude, elles sont pour les auditeurs une voix rassurante qui semble s'adresser à eux seuls. Mais elles cèdent aujourd'hui la place à des programmes moins coûteux. Marine Beccarelli « La radio est en quelque sorte l'humanité qui se parle à elle-même, qui s'adresse à elle-même jour et nuit[1] », écrivait Jean Tardieu en 1969. En fait, cette humanité qu'évoque le poète français n'a commencé à s'adresser à elle-même la nuit qu'assez tardivement. Au début des années 1920, lorsque sont apparues les premières stations radiophoniques, elles n'émettaient que quelques heures par jour, avant que les grilles de programmes ne s'étoffent progressivement pour remplir l'essentiel de la journée. Mais les émissions cessaient le soir venu. Jusqu'à la fin des années 1930, seules quelques nuits étaient exceptionnellement vivantes à la radio : celles de Noël ou du Jour de l'an notamment, durant lesquelles des émissions festives et musicales se prolongeaient au-delà de l'horaire habituel. Pourtant, la radio ne s'écoute peut-être jamais mieux que durant les heures nocturnes, quand l'auditeur est plus disponible, plus seul, moins dérangé par les sollicitations extérieures. Dans le noir, le son se déploie : « C'est à l'ouïe que l'on se fie de préférence[2] », comme l'écrit le philosophe français Michaël Foessel. Devenue dans les années 1950 un objet de consommation courante, la radio s'installe durablement dans la majorité des foyers et commence à investir les soirées. Aux États-Unis, dès la fin des années 1940, des stations de radio proposaient des programmes nocturnes, destinés à faire rêver les personnes éveillées. Dans « Lonesome Gal », une animatrice anonyme susurrait des mots doux à l'oreille des auditeurs.