Les ordres militaires et hospitaliers : une “nouvelle religion” (original) (raw)

2010, Structures et dynamiques religieuses dans les sociétés de l’Occident latin (1179-1449)

Nova religio : c'est le terme employé par plusieurs auteurs de la seconde moitié du XII e siècle pour rendre compte de la nouveauté spirituelle incarnée par l'ordre du Temple. Nés sur les frontières de la chrétienté, dans un contexte de confrontation avec l'Islam ou le paganisme, les ordres religieux militaires ont offert aux laïcs, hommes et femmes, la possibilité de faire leur salut sans renoncer à leur état dans le siècle. Alors que l'association du bellator et de l'orator bousculait l'ordre social hérité de la tripartition carolingienne, ces « nouvelles milices » qui ne relevaient strictement ni de l'ordo monasticus, ni de l'ordo canonicus, ont déconcerté théologiens et canonistes en brouillant les catégories de la vie religieuse. Aussi le caractère inédit de ce nouveau propositum vitae suscita-t-il parfois le scepticisme de moines habitués aux états de vie bien tranchés -ainsi le clunisien Pierre le Vénérable ou le chartreux Guigues -voire la franche hostilité du cistercien Isaac de l'Étoile vitupérant contre ce « monstre nouveau » qui souillait l'idéal monastique en répandant le sang. Mais la diffusion du modèle de l'ordre religieux militaire à travers toute la chrétienté latine, comme son succès immédiat auprès des fidèles, prouve que celui-ci répondait bien à une attente spirituelle et aux impératifs stratégiques de la guerre sainte. Acteurs déterminants de l'histoire des croisades et de la Reconquista, les principaux ordres continuèrent à accomplir, aux XIV e et XV e siècles, leur mission initiale en Méditerranée (Hôpital), sur les marges orientales de l'Europe (Teutoniques) ou en péninsule Ibérique. Toutefois, cet aspect primordial est délaissé dans ce chapitre où l'on préfère plutôt présenter les « structures et dynamiques religieuses » de ces institutions, qui furent longtemps considérées comme de simples corporations guerrières et seigneuriales, mais dont on commence enfin à saisir l'impact sur les mutations ecclésiologiques du Moyen Âge central.