Agir sur les vulnérabilités sociales (original) (raw)
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La vulnérabilité vis-à-vis d'autres personnes : leçons pour les interventions contre la pauvret
2007
n définissant le développement en termes de domination du hasard et des circonstances par les individus, Amartya Sen -suivant Marx -place aussi la vulnérabilité au centre de ses préoccupations : « en fin de compte le processus de développement économique doit être concerné par ce que les gens savent ou ne savent pas faire, c'est-à-dire s'ils peuvent vivre longtemps, échapper à la morbidité évitable, être bien nourris, être capables de lire, d'écrire et de communiquer, de participer à la recherche littéraire et scientifique et ainsi de suite. Cela consiste, selon les termes de Marx, 'à remplacer la domination des circonstances et du hasard sur les individus par la domination des individus sur le hasard et les circonstances' » (Sen, 1983, p. 754). E C'est sur cette base que Sen a développé son approche des « capacités », en tant que façon d'intégrer cette préoccupation. Ajoutons immédiatement que nous considérons l'ambition de pouvoir vraiment réaliser, un jour, la domination du hasard et des circonstances par l'individu, comme utopique. Dès lors que les personnes sont incapables de prévoir le futur aussi clairement qu'elles le voudraient, il n'existe aucune façon de dominer un jour le hasard. Quel que soit leur statut nutritionnel, leur niveau littéraire et leur capacité à échapper à la morbidité évitable, la chance ou la malchance tout court restent des facteurs importants déterminant les capacités et les réalisations de ces personnes. En effet, plus on imagine se rapprocher de l'idéal de liberté de Marx, plus il est clair que la « malchance » continuera à jouer un rôle dans la vie de tout un chacun. En conséquence, il paraît plus judicieux de considérer le processus du développement comme étant concerné par les circonstances, c'est-à-dire, par toute autre contrainte systématique que la malchance sur les capacités individuelles. Ceci correspond d'ailleurs à la façon dont les praticiens du développement humain opèrent. Ils travaillent par exemple avec le pourcentage des malnutris et la façon dont cet indicateur évolue dans le temps et l'espace, en tentant d'expliquer les différences face à la chance d'être malnutris par des différences de contexte social. Ils travaillent par exemple aussi avec l'espérance de vie, c'est-àdire une mesure de l'âge qu'un individu peut statistiquement espérer atteindre,
Ethique & Santé, 2013
Vulnérabilité et humanité. L'humanité, au risque de la vulnérabilité. Résumé. La contribution distingue trois formes de vulnérabilité (le passif, l'impuissant, l'insuffisant) qui ne sont ni des états ni même des étapes de l'une vers l'autre. Chacune de ces formes met en jeu la personne vulnérable tantôt dans son être par le péril, tantôt dans son être-tel par le danger, tantôt enfin son être encore-tel par le risque. La contribution veut ensuite montrer que la vulnérabilité n'est pas seulement un terme descriptif mais qu'elle est encore un terme évaluatif : le vulnérable est ce qui ne parvient pas à maintenir ou à imposer ses normes à un milieu, alors qu'il le devrait. De sorte que la vulnérabilité exprime un moment de tension, de crise, voire de révolution, entre un être et les conditions nécessaires pour la pérennité de son intégrité et de son identité-ce que confirment les analyses de Goffman et de Garfinkel. Dans un dernier temps enfin, la contribution veut établir que la vulnérabilité n'est pas ce moment accidentel où un être touche à ses limites. Elle est l'expérience de la mise en péril de la valeur que porte l'être vulnérable ; elle exprime ainsi la valeur de la valeur éthique. L'être vulnérable est un être vénérable, appelant le respect. Il y a donc une expérience proprement éthique de la vulnérabilité : elle est la vocation de l'humanité et une vocation à l'humanité. Mots-clés : vulnérabilité ; dignité ; respect ; éthique ; philosophie morale. Vulnerability and humanity. How humanity is shown by the risk of the vulnerability. Summary. The contribution distinguishes three forms of vulnerability (passiveness, powerlessness, incapacity) which are neither states nor even stages from one to the others. In each of these forms, existence of vulnerable persons is threatened in three ways: people cannot be alive, nor be alive as this person (danger), neither still be alive as this person (risk). The contribution then wants to show that vulnerability is not only a descriptive term but that it is a real evaluative term: vulnerable persons do not manage to maintain their standards, and especially they do not manage to impose their standards upon their environment, while they should do it. So that vulnerability expresses one peculiar moment of tension, of crisis, even of revolution, between human beings on one side, and necessary conditions for perpetuity of their integrity and their identity on the other side-according to Goffman's and Garfinkel's views. Finally our contribution aims to establish that vulnerability is not merely an accidental moment (human beings reaching unfortunately their limits). On the contrary, vulnerable persons experience the stake in danger of the value which is in them; vulnerability, so to speak, expresses the value of the ethical value. Vulnerable people are venerable people requiring respect. There is thus a truly ethical experience of vulnerability: vulnerability is indeed mankind's vocation and a vocation for humanity. Comme le suggère l'étymologie (« qui peut être blessé, qui peut être facilement blessé »), il n'existe pas de vulnérabilité sans exposition au risque, sans exposition à la mise en danger. Alors que la fragilité est constitutive de ce à quoi elle est rapportée, la vulnérabilité surgit dans une relation. Un vase est fragile qu'il soit rangé sur les rayonnages d'un amateur d'art ou qu'il soit posé au bord d'un meuble, dans une chambre où jouent des enfants. En revanche, une équipe de sport est vulnérable au moment où sa ligne de défense s'est découverte. Les exemples laissent croire que la vulnérabilité ne peut désigner que ce qui serait capable de résister de lui-même au péril. En ce sens les objets sont fragiles sans être vulnérables-à moins qu'ils ne disposent, à l'instar des machines, de processus autonomes ou relativement autonomes en mesure de réagir à ce danger. Ainsi un système d'exploitation d'un PC sera vulnérable quand le pare-feu sera désactivé. La vulnérabilité présente donc ces trois caractères : elle se découvre au moment d'un danger ou d'un risque ; elle décrit le moment d'une relation ou d'une crise ; elle exprime la qualité d'un rapport dynamique. De
Vulnérabilité et innovation sociale
In Actes colloque Vulnérabilité et Innovation sociale, Dir. Gilles DANROC et Marie-Christine MONNOYER, « Vulnérabilité et Innovation sociale », Toulouse, 2018, Ed. Universitaires-Institut Catholique de Toulouse, p. 19-33., 2018
Une politique de la vulnérabilité est-elle pensable ?
Aujourd’hui notre société met à l’écart les personnes désignées « vulnérables ». Cette mise à l’écart traduit dans les faits un rejet plus global de tout ce qui renvoie à la vulnérabilité. Considérant que celle-ci est une dimension impensée de notre culture, une grande partie de cette thèse consistera à montrer ce qu’il en est de la vulnérabilité et par quels chemins il est possible de la penser. L’exclusion de cette vulnérabilité, qui nous est pourtant constitutive, n’est que le revers de l’identité que chacun veut préciser du haut de sa conscience assurée d’elle-même. Avec Emmanuel Levinas, il s’agit de penser la vulnérabilité comme sens-sensibilité PAR l’autre en égard POUR l’autre, plaçant la rencontre comme condition d’un évidement désidentificateur. L’altérité est ma première ressource, elle me convoque à l’accueil de l’étrangeté de l’autre et cet accueil me révèle à moi-même bien plus que ce que j’en décide. Ce petit déplacement qui propose à chacun d’habiter sa vulnérabilité, ce presque-rien qui ne se commande pas mais qui opère dans l’altération, telle est la « phénoménologie du soi affecté par l’autre que soi » (P. Ricœur) que nous avons tenté de penser. A partir de là, une autre société peut s’envisager, une « société des singularités » qui fait toute sa place à nos in-suffisances dans une qualité de « socialité » (E. Levinas). Ce terreau permet de revisiter l’État, le singulier et l’universel, l’hospitalité, la fraternité, l’économique, le lien entre éthique et politique pour faire éclater le besoin individuel d’une coupure entre un « moi-nous » et un « tout-eux ». Habiter sa vulnérabilité c’est alors rester à l’endroit intenable de la non coupure.
Réduire les vulnérabilités plutôt qu'éradiquer la pauvreté
Espace populations sociétés, 2009
Le modèle de développement néolibéral à l'épreuve de la ville des Pays du Sud Reducing Vulnerability rather than Eradicating Poverty. The Free Market Model Failure Lesson within the Developing Countries Town Dominique Couret, Pascale Metzger et URBI* Référence papier Dominique Couret, Pascale Metzger et URBI, « Réduire les vulnérabilités plutôt qu'éradiquer la pauvreté », Espace populations sociétés, 2009/2 | 2009, 263-277. Référence électronique Dominique Couret, Pascale Metzger et URBI, « Réduire les vulnérabilités plutôt qu'éradiquer la pauvreté », Espace populations sociétés [En ligne], 2009/2 | 2009, mis en ligne le 01 avril 2011, consulté le 26 juin 2014. URL : http://eps.revues.org/4774 p. 263-277 Résumés Français English
La vulnérabilité vis-à-vis d'autres personnes : leçons pour les interventions contre la pauvreté
Mondes en développement, 2007
n définissant le développement en termes de domination du hasard et des circonstances par les individus, Amartya Sen -suivant Marx -place aussi la vulnérabilité au centre de ses préoccupations : « en fin de compte le processus de développement économique doit être concerné par ce que les gens savent ou ne savent pas faire, c'est-à-dire s'ils peuvent vivre longtemps, échapper à la morbidité évitable, être bien nourris, être capables de lire, d'écrire et de communiquer, de participer à la recherche littéraire et scientifique et ainsi de suite. Cela consiste, selon les termes de Marx, 'à remplacer la domination des circonstances et du hasard sur les individus par la domination des individus sur le hasard et les circonstances' » (Sen, 1983, p. 754). E C'est sur cette base que Sen a développé son approche des « capacités », en tant que façon d'intégrer cette préoccupation. Ajoutons immédiatement que nous considérons l'ambition de pouvoir vraiment réaliser, un jour, la domination du hasard et des circonstances par l'individu, comme utopique. Dès lors que les personnes sont incapables de prévoir le futur aussi clairement qu'elles le voudraient, il n'existe aucune façon de dominer un jour le hasard. Quel que soit leur statut nutritionnel, leur niveau littéraire et leur capacité à échapper à la morbidité évitable, la chance ou la malchance tout court restent des facteurs importants déterminant les capacités et les réalisations de ces personnes. En effet, plus on imagine se rapprocher de l'idéal de liberté de Marx, plus il est clair que la « malchance » continuera à jouer un rôle dans la vie de tout un chacun. En conséquence, il paraît plus judicieux de considérer le processus du développement comme étant concerné par les circonstances, c'est-à-dire, par toute autre contrainte systématique que la malchance sur les capacités individuelles. Ceci correspond d'ailleurs à la façon dont les praticiens du développement humain opèrent. Ils travaillent par exemple avec le pourcentage des malnutris et la façon dont cet indicateur évolue dans le temps et l'espace, en tentant d'expliquer les différences face à la chance d'être malnutris par des différences de contexte social. Ils travaillent par exemple aussi avec l'espérance de vie, c'est-àdire une mesure de l'âge qu'un individu peut statistiquement espérer atteindre,
Vulnérabilité et résilience sociales en contexte de pandémie
L'interculturel en temps de pandémie, 2021
En quelques semaines seulement, l’impact de la pandémie de COVID-19 s’est fait ressentir dans toutes les sphères de notre société. La peur d’être contaminé et la mise en place des mesures de distanciation physique ont transformé notre quotidien et ce, tant à l’échelle individuelle (perte de repères et d’emploi, perturbation de nos habitudes quotidiennes et de nos liens sociaux) que collective (inaccessibilité de certains biens et services, stigmatisation de certains groupes) (INSPQ, 2020). Ces effets sont cependant inéquitablement ressentis. Alors que certains parviennent à maintenir tant bien que mal une certaine stabilité, d’autres sont exposés à davantage de situations de vulnérabilité, creusant les inégalités sociales et économiques. Dans ce contexte d’insécurité et d’incertitude, la résilience apparaît pour certains comme la réponse idéale pour favoriser la réduction de ces inégalités et renforcer la cohésion sociale (INSPQ, 2020; Rufat, 2011). Or, le lien entre la vulnérabilité et résilience ne fait encore aujourd’hui l’objet d’aucun consensus. L’objectif de ce texte n’est pas d’ouvrir un débat épistémologique sur les notions de résilience et de vulnérabilité et leur utilisation, mais plutôt de proposer une réflexion sur les impacts de la pandémie chez les individus à partir d’une réflexion au sujet de ces deux notions.