Catégorie constitutive et catégorie réflexive chez Emil Lask. Un formalisme À l’orée de la phénoménologie (original) (raw)

2017, Les Études philosophiques

Catégorie constitutive et catégorie réflexive chez Emil Lask La formalisation à l'orée de la phénoménologie De tous les philosophes qui retiendront notre intérêt aujourd'hui, Emil Lask est vraisemblablement le philosophe qui présente le plus explicitement son projet philosophique comme l'analyse de la « doctrine des catégories » qui est en jeu dans la connaissance philosophique-une doctrine des catégories qui est aussi appelée « logique de la philosophie » pour cette raison, ce que j'aurais à commenter ultérieurement. C'est ce projet singulier d'analyse de la doctrine des catégories mobilisée dans la connaissance que j'aimerais ici présenter et interroger. Je vais commencer, en introduction, par préciser l'arrière-plan philosophique où se situe la démarche de Lask. Un mot très rapide sur la figure d'Emil Lask pour commencer. Car il est indéniable que Lask est un philosophe relativement méconnu, ici peut-être un peu moins qu'ailleurs, en tout cas peu lu : on sait surtout de lui qu'il est mort prématurément en 1915, à 40 ans, sur le front des Carpates et on le considère comme un néokantien de l'école de Bade, fortement marqué par ses échanges avec Heinrich Rickert. Tout chercheur « heideggérien » connaît cependant, grâce aux travaux initiés par Theodor Kisiel, puis repris en France par Françoise Dastur, Jean-François Courtine et d'autres, sa grande influence sur les premiers écrits de Heidegger. Il n'est pas dans mon intention d'en dire beaucoup plus ici sur le personnage. Je rappellerai seulement, pour la bonne intelligence de son propos, que l'oeuvre qui présente la doctrine des catégories sur laquelle je vais m'appuyer, à savoir La logique de la philosophie et la doctrine des catégories, date de 1911. À cette époque, Lask a lu les Recherches logiques de Husserl qu'il cite en note à quelques reprises. Plus généralement, il est très fortement marqué, comme Heinrich Rickert par la figure de Hermann Lotze et sa théorie de la valeur mais aussi par l'objectivisme sémantique de Bernard Bolzano : deux influences que j'aurais à préciser. De manière plus ambivalente, et c'est par ce fil que je commencerais par présenter la position de Lask, comme tout néokantien, il inscrit d'abord sa démarche dans le sillon de l'entreprise critique kantienne, pour la contester à son fondement. Il est clair que, le projet de proposer une nouvelle doctrine des catégories transcendantales, libérées des présupposés de la logique métaphysique, est un projet kantien à l'origine. Rappelons en effet que, dans la logique de la démarche transcendantale qui est la sienne, et donc de la recherche sur les