La temporalité historique des formes d'individuation : les figures du moi (original) (raw)

Le sens de l'Histoire et le processus d'individuation

2024

A la Renaissance est apparue l’idée saugrenue que l’humain n’avait pas d’essence propre et que, libre, il se créerait lui-même dans l’Histoire. Déjà présente chez Pic de la Mirandole, cette idée se retrouvera chez tous les philosophes postérieurs jusque à Sartre (« l’existence précède l’essence »), en passant par Hegel, Nietzsche, etc… En fait, cette idée est l’idée majeure de la modernité qui sous-tend le relativisme, l’importance accordée à la sociologie ainsi que la récente théorie du « genre ». Jusque à cette Renaissance, l’idée de « l’humain, cause de soi » n’avait jamais été émise parce que aucune créature vivant dans le monde sublunaire ne pouvait être cause de soi et que seule la divinité incréée et éternelle pouvait être « cause première » créatrice. De son coté, la théologie chrétienne augustinienne traitait l’Histoire comme une théophanie et concevait un sens de l’Histoire sous le doigt de Dieu, à l’opposé des religions anciennes pour qui le Temps était toujours une chute nécessitant une guérison et une réintégration dans le sacré atemporel. Faire de l’humain le créateur de lui-même dans l’Histoire et refuser le doigt de Dieu c’est, en philosophie de l’Histoire, se passer de toute transcendance et s’apercevoir que « Dieu est mort » (Nietzsche). Néanmoins, à coté de cette conception athée, s’est développé tout un courant philosophique en continuité avec la théologie naturelle des penseurs scolastiques dont faisait partie Raymond Lulle qui, influencés par les philosophes hellénisants musulmans (Al-Kindi, Al-Farabi, Avicenne, etc..) ayant synthétisés Platon et Aristote, appliquaient le « deviens ce que tu es » aristotélicien, repris par les alchimistes, au domaine spirituel intérieur. Maître Eckhart aussi exemplifiait le processus mystique par des formules alchimiques. De lui à CG Jung en passant par Paracelse, Schwenckfeld, Weigel, Boehme, etc.. une autre conception souterraine, non opposée au « doigt de Dieu », proposait une vision de la transformation de l’humain selon un processus intérieur symbolisé par les représentations alchimiques que le psychanalyste suisse a dénommé le processus d’individuation.