Fêtes de la libération : IMAGES ET SONS MÉDIATIQUES (original) (raw)

2006, HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe)

de la Libération » : ces quatre mots résonnent comme une expression toute faite, emblématique du moment d'euphorie accompagnant la reconquête du territoire français. Plus précisément, les fêtes de la Libération associent un pluriel, évocateur de multiples festivités, et un singulier, suggérant une similarité des situations de délivrance. Ainsi, Philippe Buton décrit en ces termes la communion patriotique : « En effet, dès le départ des occupants, la même scène se reproduit partout : à l'exception naturellement des victimes de l'épuration, la population communie dans une explosion de joie qui proclame indistinctement l'amour des Alliés, de la Patrie, du général de Gaulle, de la Résistance. Au nord, on embrasse en général les Américains, au sud les FFI ; partout sortent les bouteilles de champagne soigneusement conservées, on danse à perdre haleine dans les bals de la Libération, bals que le régime de Vichy avait proscrits 1. » Cette même image mentale de communion nationale et d'immense joie se trouve régulièrement convoquée lors des anniversaires et des commémorations, qui ne manquent pas d'être associés à l'organisation de grands bals populaires. Tel ce bal de la Concorde du 25 août 1994 qui tente de reconstituer l' « ambiance 44 » : musiques de jazz et visages fardés aux couleurs tricolores... 2. Tel aussi ce bal populaire organisé par le Sénat, dans le Jardin du Luxembourg, le mercredi 25 août 2004, à l'ambition clairement affichée : restituer l'ambiance des bals spontanément surgis sur les places et dans les quartiers de Paris au soir de la libération de la ville. La fête prend clairement un caractère ritualisé, puisqu'il s'agit de répéter à l'identique les gestes d'antan pour illustrer l'entrée de la France dans un nouveau moment de liberté recouvrée 3. Or, les actualités cinématographiques diffusées sur les écrans français, durant la reconquête du territoire et plusieurs mois après la capitulation allemande, mais aussi les nombreuses photographies sur lesquelles posent les acteurs de la Libération, diffusées dans le cadre de magazines illustrés, à la une des journaux ou par le biais de cartes postales, ne figurent pas de grandes fêtes ou de bals populaires, ou plus exactement, si, le jour du 14 juillet 1945. C'est cet écart entre l'imaginaire collectif imprégné de l'idée que la Libération fut un temps de danses effrénées et la quasi absence de ces fêtes spontanées dans les images publiquement diffusées, et précisément dans les actualités filmées, que nous souhaiterions interroger 4 .