Héros, gentilshommes et boutiquiers. Avatars sociaux, historiques et légendaires d'Alphonse Martinez (Palencia, XIIIe-XVe siècles) (original) (raw)

2007, Des Marchands entre deux mondes, Paris:PUPS (Ibérica, 19), p. 227-242

Entre Ferdinand IV et la haute noblesse de sang royal, le conflit -qui prit des formes politiques et militaires- connut ses moments les plus forts en Terres de Campos au cours des années 1296-1297 . En janvier 1296, notamment, l’infant Jean, frère de Sanche IV, tenta de faire reconnaître son droit à régner à León et en Galice par les procureurs des villes castillanes réunis à Palencia. Dans la cité, la Chronique de Ferdinand IV , identifie l’homme de l’infant : un certain Jean Fernandez. La qualification dont celui-ci fait l’objet (« un ome muy poderoso del pueblo ») pose un problème d’interprétation. Il peut s’agir d’un homme du peuple, un homme du commun, doté de grands pouvoirs dans la ville. Mais, dans le contexte de l’épisode ici rapporté, qui voit une confrontation entre deux hommes dont l’enjeu est l’ascendant que chacun exercera sur les citoyens de Palencia, l’expression pourrait être comprise comme « doté d’un grand pouvoir (d’influence) sur le peuple (de Palencia) » (« muy apoderado del pueblo ») . Quoi qu’il en soit, et même dans la première hypothèse, la condition sociale de Jean Fernandez n’est pas établie avec une parfaite précision. Face au défenseur des intérêts de l’infant Jean, le jeune roi et sa mère sollicitèrent les services d’un homme réputé son rival (« contrario deste Juan Ferrandez ») et qui s’appelait Alphonse Martinez . Moins puissant ou moins influent que Jean Fernandez (« non era tan poderoso commo él »), Alphonse Martinez ne semble pas, en outre, avoir brillé d’un talent politique foncier. Convoqué par la reine mère, il se contenta de répondre « qu’il craignait de ne [rien] pouvoir faire, car Jean Fernandez avait grand pouvoir dans la ville et tout le peuple était avec lui » . Ce fut donc Marie de Molina qui inspira l’imparable plan d’action à son agent : expliquer aux habitants de Palencia et aux procureurs des villes que, pour séjourner dans les murs, le roi ne demandait que 30 maravédis de vivre (yantar) tandis que l’infant avait coutume d’en exiger cinq ou six mille. Alphonse Martinez supplanta ainsi Jean Fernandez dans l’opinion du peuple de Palencia qui ferma les portes à l’infant Jean . Qui était donc cet Alphonse Martinez, sur lequel, une fois jeté ce bref éclairage, la Chronique de Ferdinand IV fait ensuite silence ?