Apports et limites de la tolérance (original) (raw)
Vincent de Coorebyter e terme de tolérance est à la fois familier, largement revendiqué et mal défini. Il est frappant de constater qu'il joue un rôle discret dans les débats contemporains sur la multiculturalité : il ne constitue pas un principe directeur des débats, une notion clé comme peuvent l'être la liberté, la neutralité ou la laïcité. De même, les textes juridiques qui régissent la pluralité convictionnelle contournent la notion de tolérance au profit de termes qui ne sont pourtant pas, en première approche, beaucoup plus précis. L'objectif de cet article est d'avancer quelques clés d'explication-très partielles-de cet état de fait, en contournant les événements et les évolutions propres à la Belgique. Nous nous bornerons à évoquer une période précise, celle de l'âge d'or de la tolérance, et à dégager quelques leçons des expériences françaises et anglaises qui contribuent à expliquer, nous semble-t-il, le relatif déclin de la notion de tolérance : notre objectif est d'indiquer pourquoi la liberté et l'égalité sont plus essentielles que la tolérance, et ont fini par la supplanter dans notre boîte à outils conceptuelle. Les apports de la tolérance De la seconde moitié du 16 e siècle à la seconde moitié du 18 e siècle, on ne parle pas encore de reconnaître, en toute généralité, la liberté de culte et de conscience, ainsi que l'égalité entre citoyens qui devrait en découler : les esprits les plus ouverts militent en faveur de la tolérance. En 1598, les quatre textes rassemblés sous le nom d'édit de Nantes accordent, par la volonté du roi Henri IV, la tolérance aux protestants français ; en 1689, pour contribuer au rétablissement de la paix civile en Angleterre, Locke publie sa Lettre sur la tolérance ; en 1763, c'est encore un Traité sur la tolérance que publie Voltaire en réaction à l'affaire Calas ; en 1787, c'est par un édit de tolérance que Louis XVI accorde un état civil aux protestants français, qui en avaient été privés par la révocation de l'édit de Nantes en 1685.