Migrations, exils et printemps arabes (original) (raw)
Chercheure associée au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri), enseignante à Sciences Po Paris. Spécialiste des migrations internationales, co-coordinatrice du programme de l'Agence nationale de la recherche MobGlob sur la gouvernance globale de la mobilité Les mouvements politiques communément appelés « printemps arabes » ont eu un impact di érencié, selon les pays, sur les mouvements de population dans la région Maghreb arabe-Moyen-Orient. Au sein du monde arabe, les « révolutions » ont été à l'origine de nouveaux ux de réfugiés et de migrants, en particulier au Yémen, en Syrie et en Libye, les mouvements de populations vers l'extérieur de la région n'ayant été que très marginalement a ectés par les changements politiques et les con its. Il convient aussi de di érencier les moments révolutionnaires, parfois violents et suivis de guerres civiles, et les périodes de transition politique dans lesquels sont entrés certains pays du Moyen-Orient. Les printemps arabes ont non seulement créé un grand nombre de réfugiés internes et internationaux (en Syrie et au Yémen) mais aussi entraîné le départ de populations immigrées, notamment en Libye, en Tunisie et en Égypte. Ces mouvements d'émigration se conjuguent, dans une moindre mesure, avec des mouvements d'immigration : par exemple le retour des étudiants tunisiens et égyptiens dans leur pays d'origine, pour participer aux événements. Vue d'Europe, la « menace » de vagues d'immigrants et de réfugiés fuyant l'instabilité politique du sud de la Méditerranée a tenu en haleine les médias et inquiété l'Union européenne (UE). Pourtant, les migrations vers l'Europe n'ont pas été accélérées par les printemps arabes, si l'on excepte un bref mouvement d'émigration en provenance de Tunisie, en 2012. De manière générale, depuis 2011, les mouvements migratoires du Moyen-Orient vers l'Europe n'ont fait que prolonger des tendances observées durant la décennie précédente. Relevant plus du fantasme que de la réalité, la crainte d'arrivées massives a néanmoins amené l'UE à verrouiller un peu plus son espace migratoire et à restreindre ses politiques d'asile. C'est surtout dans les pays arabes voisins et en Amérique du Nord ou en Australie que les « réfugiés » des printemps arabes ont trouvé asile. La « crise migratoire » qui a ecte les pays du Moyen-Orient dans le contexte des printemps arabes revêt quatre caractéristiques :-c'est une crise « mixte » dans laquelle migrations et ux de réfugiés s'entremêlent dans un contexte d'instabilité politique et de crise économique ;