Le surrealisme et largent (original) (raw)
La promotion des surréalistes par eux-mêmes « Le surréalisme et l'argent »-tel est le titre, quelque peu provocateur, d'un projet de recherche consacré à l'étude des réseaux économiques du surréalisme, de ses marchands, ses galeries et ses intermédiaires entre 1920 et 1969. À travers cette nouvelle perspective, la recherche sur le surréalisme, longtemps concentrée en priorité sur ses aspects formels et politiques, a pu aborder un territoire scientifique quasi inconnu. Les acteurs de la communauté surréaliste n'auraient d'ailleurs sans doute guère goûté eux-mêmes cette sorte de problématique. En exil en Amérique, André Breton n'avait-il pas en effet qualifié Salvador Dalí, qui avait indéniablement le sens des affaires et gagnait bien sa vie, du surnom peu flatteur d'« Avida Dollars » ? De nombreux artistes surréalistes ne s'étaient-ils pas plaints toute leur vie de se voir refuser l'accès au marché de l'art parce qu'ils ne trouvaient pas de collectionneurs, allant même jusqu'à se considérer comme des peintres maudits ? Pour Max Ernst par exemple, et selon ses propres termes, une fraise avait à elle seule plus de valeur que tous les lauriers du monde 1. Il s'inscrivait ainsi, et d'autres surréalistes avec lui, dans la continuité d'une vision romantique de l'artiste pauvre et incompris que l'on rencontre si fréquemment au xix e siècle 2 , comme chez Stéphane Mallarmé qui affirmait en 1889 que : « […] vouloir assigner son prix réel, en argent, à une oeuvre d'art, fût-ce un demi-million, c'est l'insulter 3 ». Aux yeux du poète de l'art pour l'art, art et économie étaient, au sens de Pierre 1 Werner Spies (éd.