Face à la foule à travers les arts Une entrevue avec Paolo Cirio (original) (raw)
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TECHNIQUES & CULTURE - Revue d'anthropologie des techniques, 2020
Depuis la démocratisation d’Internet, de nombreux artistes et activistes ont fait de la surveillance numérique leur terrain d’investigation, tout comme, en France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL, autorité administrative indépendante), ou l’association La Quadrature du Net et, à l’international, les chercheurs universitaires nouvellement engagés dans le domaine des "surveillance studies". Par la récolte des données de navigation, par l’observation de toutes nos connexions et requêtes sur le web, par la prescription de « nouveaux » actes – liker, commenter, cliquer, souscrire, préférer, etc. –, les entreprises de la Silicon Valley ont instauré un « capitalisme de plateforme » qui exploite nos données numériques sur un marché de surveillance et de prévision comportementales. C’est là le plus grand paradoxe de l’ère numérique: susciter le désir pour des applications qui confisquent le libre arbitre et aliènent les individus en leur offrant simultanément de nouveaux outils d’expression et de sociabilité. Les créations de Paolo Cirio, artiste hacker et activiste italien, s’attachent à détourner les outils, interfaces et applications de cette surveillance numérique. Dans une démarche technocritique, alors même que la transparence est érigée en nouveau principe éthique par nos sociétés contemporaines, ses œuvres proposent des contre-dispositifs panoptiques et invitent à une réflexion sur les notions d’anonymat, de vie privée et de démocratie.
Autour Du <<Monde de L'art>>: Dialogue avec Arthur Danto
SCEREN-CNDP, 2012
Directrice de I' edition CLAUDE RENUCC I Chefs de projet revues SOPHI E LECLERCQ I NATHALIE RO UBELLAT Tel. : 05 49 49 75 83 I 75 46 Secretariat de redaction VtRONIQ UE LE DOSSEUR lconographie ADELIN E RIOU Mise en pages ISABELLE SO LtRA Responsable vente et marketing revues CATHERINE RASTIER -
"L'oeuvre d'art hors d'elle-même?", introduction de Michel Paoli pour "L'Arioste et les arts", 2012
in "L'Arioste et les arts", Paris/Milano, Editions du Louvre/Officina libraria, 2012, pp. 10-19, 2012
michel paoli · l'oeuvre d'art hors d'elle-même ? L' incommunicabilité entre les arts, due à la spécificité (d'abord technique) de chacun d'entre eux, et l'individualité radicale de l'oeuvre d'art dans ce qui fait sa qualité -voilà les deux préalables qui, à l'opposé de ce qu'aurait pu laisser penser le titre, sont à l'origine du présent volume. Commençons par ce second point. Il serait bien naïf de prétendre qu'une oeuvre d'art, ce sont des idées (comme Mallarmé, rapporte-t-on, l'avait dit à Degas : « Ce n'est point avec des idées, mon cher Degas, que l'on fait des vers ; c'est avec des mots 1 »). Parmi bien d'autres, Francesco De Sanctis, sans doute le plus grand critique littéraire italien, parlait fort justement, à propos des oeuvres les plus abouties, d'union indémêlable de la forme et du fond, la première pouvant être considérée comme le « phénomène » du second 2 . L'oeuvre, qu'elle soit littéraire ou artistique, ce sont certes des idées, mais exprimées par une certaine forme, qui ne peut pas être remplacée par une autre forme sinon en faisant perdre à l'oeuvre ce qui fait sa spécificité et donc sa valeur ; c'est cette forme qui est la voie unique et obligée pour accéder au fond. En somme, si l'on nous permet cette image, on n'a pas affaire -sauf à adopter un point de vue étroitement platonicien qui n'est pas le nôtre -à une « âme » qui serait en quelque sorte indépendante et pourrait migrer d'un « corps » à un autre. Dès lors, on ne peut pas concevoir que la forme soit interchangeable, transposable, traduisible, et les oeuvres sont donc fatalement destinées à rester imperméables les unes aux autres, ou plutôt à ne communiquer entre elles que sur des aspects secondaires, c'est-à-dire sur tout ce qui peut être présent sans faire en sorte qu'une oeuvre soit belle ou non : l'Arioste a ainsi repris les ingrédients de Boiardo et en a fait un chef-d'oeuvre insurpassable ; tout de suite après, d'autres ont repris les ingrédients de l'Arioste et ont produit des textes médiocres, vite oubliés. Partant de ce constat, il nous paraissait important de ne pas escamoter les difficultés et donc d'éviter, dès le début de ce volume, l'approche superficielle qui poserait la communication entre les oeuvres comme allant de soi ou ne présentant aucune difficulté théorique ou pratique. Si, dans une oeuvre, quelque chose vit sa propre vie et peut migrer vers d'autres créations, c'est précisément tout ce qui est inessentiel : ce qui fait la spécificité d'un chef-d'oeuvre et donc sa valeur est par nature individuel, unique et probablement intransposable 3 .
Xico Santeiro : De l'art de culte populaire au culte de l'art populaire
Plural-Pluriel - Revue des cultures de langue portugaise, 2016
Jusqu’au XIXe siècle, l’art se développe au Brésil surtout dans l’orbite de l’Église. On y distingue alors deux types de production : les œuvres du culte officiel, réalisées par des artistes reconnus, et celles destinées à la dévotion populaire, créées par des imagiers qui sont toujours restés dans l’ombre de l’anonymat et de l’indifférence. Au XXe siècle, cependant, l’un de ces créateurs, Xico Santeiro, est reconnu et célébré comme un artiste, ce qui provoque de grands bouleversements dans sa vie, son travail et son oeuvre. Analyser son exemple dans ces deux périodes – avant et après son succès – permettra de mieux connaître, non seulement le métier traditionnel d’imagier dans le Brésil contemporain, mais aussi les changements – symboliques et concrets – et les enjeux nés de l’introduction des notions d’« artiste » et d’« art » dans l’univers de la création populaire.
BENVENUTO CELLINI ARTISTE-ÉCRIVAIN : ENTRE LE DIRE ET LE FAIRE
Chroniques italiennes web15 (1/2009), 2009
J’ai vécu à Florence, où j’ai fréquenté l’Ecole des Beaux-Arts, par conséquent, les oeuvres de Cellini faisaient partie de mon horizon quotidien : son Persée se dresse magnifiquement dans la Loggia de’ Lanzi sur la placede la Seigneurie, ses sculptures, telles de vives figures, habitent les salles du Musée du Bargello, les bronzes étrusques, vraisemblablement restaurés par l’artiste, se trouvent au Musée Archéologique. La lecture de la Vita me faisait penser avant tout à ce foisonnement d’ateliers, qui est encore l’une des caractéristiques de la ville toscane, le savoir-faire des artistes et des artisans, leur ironie pleine d’humour, l’atelier qui devient soudain une véritable scène de théâtre où tout peut arriver.
Studiolo
"Or veduto di avere risuscitato un morto" : tels sont les mots que Benvenuto Cellini emploie, dans sa Vita, lorsqu'il nous conte le processus de fabrication du Persée en bronze, fondu au cours de l'hiver 1549. Ainsi s'exprime-t-il pour parler non pas de l'oeuvre achevée, mais du bronze à l'état liquide, au moment de la fusion de l'alliage, juste avant que l'artiste ne procède à la coulée métallique qui va pénétrer dans le moule d'où il extraire, par la suite, sa sculpture. Que le sculpteur considère le métal en fusion comme un corps quasiment animé, presque chargé d'un souffle, voilà qui ne peut qu'attirer notre attention. À l'autre pôle, non pas celui de la production mais celui de sa réception, les premiers commentaires de l'oeuvre insistent sur l'impression de vie qu'elle provoque : pour Paolo Mini, Cellini n'est rien moins qu'un nouveau Myron, le fameux sculpteur antique dont la "main savante" (dotta mano) était capable d'animer ses oeuvres et de faire paraître vivant ce qui ne l'était pas. Du début à la fin, dans les deux sens du mot création - désignant à la fois l'action de créer et le résultat -, le vivant imprègne l'histoire du Persée de Benvenuto Cellini. C'est cette histoire que nous allons ici retracer en interrogeant ce peut signifier l'idée d'une main médusante.