Les Noces de Philologie et Musicologie, textes et musiques du Moyen Âge (original) (raw)

Cosmologie et musique au Moyen Age

Lorsque l'on évoque le lien qui existe entre la musique et la cosmologie médiévale -le système de représentation des grandes lois de l'univers -, l'attente de l'auditoire se cristallise bien souvent sur l'une des plus séduisantes théories que nous ait léguées la philosophie grecque, celle de la musique que les « sphères », les astres, produiraient par leur rotation dans le ciel. Merveilleuse et archétypique, elle n'est cependant, pour les auteurs antiques et médiévaux, que l'une des innombrables manifestations de la musique. Si le cosmos renferme des étoiles, il contient également la Terre, et toute la vie qu'elle abrite. Et la force agissante de la musique y est partout perceptible, dans les mouvements ordonnés comme dans l'harmonieuse cohésion des choses. Cette musique, infrastructure du monde, que dit-elle, d'où vient-elle, comment et pourquoi agit-elle ? La réponse proposée par les lettrés du Moyen Âge synthétise, tout en l'adaptant, le double héritage de la Bible et de la philosophie grecque. La Bible atteste que la Création est ordonnée selon des Nombres choisis par Dieu et qu'elle est la toile de fond d'une histoire orientée qui va de la Chute au Salut.

Vox et Littera dans la théorie musicale médiévale

Vox, au moyen âge comme en latin classique, est le nom de ce que nous appelons aujourd'hui « note », c'est-à-dire d'une hauteur musicale. C'est à Virgile qu'est due, semble-t-il, la fameuse expression septem discrimina vocum, « sept différences des notes » 1 , citée mille fois au moyen âge et qui fait référence, bien entendu, aux sept notes de l'octave diatonique. Cicéron écrit notamment : acutarum graviumque vocum judicium ipsa natura in auribus nostris collocavit, « la nature elle-même a inscrit dans nos oreilles la faculté d'apprécier les sons (vocum) aigus et graves » 2 . Après Boèce, néanmoins, cette acception tend à s'estomper durant quatre ou cinq siècles, notamment parce que la notion du système musical, de l'échelle générale des sons, a disparu de l'appareil théorique du haut moyen âge 3 .

L'ode au Moyen Âge, une lyricité en sommeil?

Si l'on s'en tient à l'étymologie, chercher les liens qui unissent l'ode à la musique relève du pléonasme. Or il ne fait pas de doute que la question de la lyricité de l'ode, ou plus spécifiquement la réalité de sa performance musicale et vocale, est problématique, et cela certainement dès ses origines 2 . Au Moyen Âge, cette question n'est pas résolue, d'autant que l'ode n'y est pas particulièrement en vogue, contrairement à l'engouement que lui porte la Renaissance humaniste 3 .