Contacts et relations au marche chez les tres petites entreprises (original) (raw)

Les nouvelles approches en sociologie économique permettent d'interroger de façon renouvelée la question de la formation des relations économiques en restituant l'ensemble des dispositifs qui contribuent à les rendre possibles . Ces différentes approches ouvrent des pistes différentes mais complémentaires selon les dispositifs auxquels elles s'intéressent, notamment selon qu'elles rendent compte des cadrages plutôt institutionnels (Polanyi, 1983), ou cognitifs (Callon, 1998), qu'elles dérivent des réseaux de relations sociales (Granovetter, 1985, Lazéga, 1995 ou qu'elles s'intéressent aux opérations de médiations marchandes (Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000). Ces formes de cadrages, loin d'être exclusives les unes des autres s'articulent entre elles, ne facilitant pas la compréhension des processus d'ensemble, ni même de ce que les unes doivent aux autres. Par ailleurs, les relations économiques s'appuient également sur des dispositifs techniques qui participent de la mise en forme et du contenu de ces relations. On connaît par exemple, la contribution de techniques relationnelles, comme le téléphone ou Internet (Beaudouin, 2003) à la construction d'un réseau de sociabilité. La forme, la densité et la dynamique de ce réseau peuvent être partiellement expliquées à travers les usages qui sont faits d'une technique en tant que moyen de mise en relation des personnes, mais aussi d'attribution de positions . Il paraît alors intéressant de s'interroger sur ce que les relations marchandes doivent aux usages de techniques relationnelles puisque l'on sait la propension des acteurs économiques à recourir à une pluralité de ces techniques (Licoppe, 2001a). D'ordinaire, une telle question amène le chercheur à centrer l'analyse sur l'usage d'une technique (ou d'un ensemble particulier de techniques) en soulignant sa contribution à la formation de relations spécifiques (qu'il s'agisse d'un lien social ou d'un lien marchand). Cette approche est particulièrement féconde pour saisir les déplacements que peut amener l'usage de techniques nouvelles (Mallard, 2002 ; Licoppe et alii, 2003). Elle permet également de comprendre les choix qui sont faits par les acteurs économiques pour privilégier le recours à telle ou telle technique (Licoppe, 2001b). En revanche, le caractère technico-centré de la démarche ne 1 permet pas de comprendre ce que produisent, ensemble, ces usages pluriels. C'est la raison pour laquelle, nous souhaitons aborder autrement une telle question, en suivant d'abord la relation marchande, et en repérant à travers cette dernière les recours que font les acteurs à une pluralité de techniques relationnelles. Une telle démarche s'avèrerait impossible à réaliser pour une grande entreprise et probablement aussi pour une PME. En effet, les relations marchandes sont tellement nombreuses et plurielles qu'il deviendrait impossible de les suivre dans leur totalité. Le cas des Très Petites Entreprises est à cet égard particulièrement intéressant puisqu'il concentre l'ensemble des relations marchandes sur un très petit nombre d'acteurs et souvent un seul, le chef d'entreprise, ce qui permet tout particulièrement de suivre la quasi-totalité de ces relations et de repérer les techniques relationnelles qu'elles mettent en oeuvre. Nous proposons d'examiner ici les modalités de recours à une pluralité de techniques dans la construction des relations marchandes en nous appuyant sur les résultats d'une étude qualitative. Cette étude a été menée sur un échantillon raisonné de 40 TPE de la région Nantaise, dont les activités sont très diverses (libraire, infirmiers, hôteliers, garagistes, agence immobilière…), et qui ont fait l'objet d'une enquête par entretien destinée à reconstituer et analyser les formes du contact avec les clients. 1 Dans la première partie de cet article, nous analyserons la grande diversités de formes de relations au marché déployées par des TPE à partir d'une grille de lecture qui différencie les objectifs de ces relations indépendamment des dispositifs relationnels sur lesquels elles s'appuient. Dans la seconde partie, nous montrerons que l'usage d'une pluralité de techniques relationnelles pour ces contacts avec le marché permettent aux entreprises de garder le plus grand nombre de prises sur un marché pensé comme instable. offertes par telle ou telle situation, envisagent à travers ces pratiques de contact des « façons de travailler le marché » différenciées qui expriment aussi la perception qu'elles ont de leur environnement concurrentiel et des marge de manoeuvre qu'elles se donnent. A ce titre, les usages qui sont faits de telle ou telle technique de contact (téléphone, fax, e-mail, rencontre, …) en termes de choix (subir, essayer, utiliser, s'équiper) et d'articulation avec une organisation du travail marchand (techniques dédiées ou polyvalence des techniques et des contacts) peuvent être analysés comme des révélateurs pertinents de la relation contrainte ou, au contraire, construite avec le marché par les acteurs économiques. De ce point de vue, la situation des TPE est particulièrement éclairante. Bibliographie Beaudoin V., 2003, « De la publication à la conversation. Lecture et écritures électroniques », Réseaux, N°116, pp. 199-225. Callon M. (Dir.), 1998, The laws of the market, Blackwell Publishers, Oxford. Cochoy F. et Dubuisson-Quellier S., 2000, « L'étude des professionnels du marché : vers une sociologie du travail marchand », Sociologie du travail, N°3, Vol. 42, pp. 359-368. Dubuisson-Quellier S., 2003a, « Usages des technologies relationnelles et pratiques marchandes dans les Très Petites Entreprises », Rapport pour le compte de France Telecom R&D. Dubuisson-Quellier S., 2003b, « Confiance et qualité des produits alimentaires : une approche par la sociologie des relations marchandes », Sociologie du travail, Vol. 45, pp. 95-111. Dubuisson-Quellier S., 1999, « Le prestataire, le client et le consommateur. Sociologie d'une relation marchande », Revue Française de Sociologie, N°4, pp. 671-688. Granovetteer M., 1985, « Economic action and social structure : the problem of embeddedness », American Journal of sociology, Vol. 91, N°3, pp. 481-510. Hatchuel A., 1992, "Les marchés à prescripteurs », Colloque l'inscription sociale des marchés, Lyon, ADSE.