De l’opéra à la transfiction radiophonique (original) (raw)
Jean Cocteau identifiait le microphone à « une petite personne monstrueuse avec cent mille oreilles » (Cocteau cité par Lejeune, 1980 : 115). Par l'amplification de la voix et l'élargissement de son auditoire, l'écrivain réévalue l'horizon de son dire et révèle le pouvoir de la radio comme cadre d'accueil de la parole, à métamorphoser l'énonciation des locuteurs qui viennent comparaître en studio. Avant d'être un moyen d'expression et un outil de diffusion des idées, la radio peut donc être identifiée à un lieu de formatage de l'expression ou de neutralisation des messages. Pour le dire plus en détails, alors qu'il était au micro de Philippe Sollers, le sémiologue Roland Barthes ouvrait l'entretien par quelques mises en garde : « Bien sûr, dans la radio, il y a des émissions de toute sorte : vous êtes mis là, je ne sais pas ce que l'auditeur qui écoute en ce moment a entendu exactement avant cette émission, je ne sais pas ce qu'il entendra après, mais je me doute qu'il s'agira de choses différentes, n'est-ce pas. C'est ce que j'appelle noyer le poisson : donner une place, une petite place avec, évidemment, les émissions culturelles-ou dites telles-sont noyées dans de la musique, dans de la politique, dans des variétés, dans de la chansonnette, dans ceci ou dans cela. » Et Barthes insistait aussitôt pour dissiper toute prétention de consistance aux propos qui pourront suivre : « Il est certain qu'on fait la place à des émissions comme celle-ci et même en pensant qu'elles sont peut-être, en quelque façon subversives, mais elles sont noyées dans un tel ensemble d'informations rapides, chaotiques, etc., que vraiment le poisson est noyé 1. » De la même manière, au moment où il doit parler d'opéra à un public plus ou moins averti, le médiateur musical est soumis à des dispositifs de prise de parole plus ou moins discrètement contraignants, et pourrait donner à son tour un accent autrement réflexif à son usage de la technologie radiophonique, une entrée décidément problématique dans le système de genres présumé préalable à l'espace de la radio. C'est dans cet esprit qu'avec des étudiants du CNSMDP