Actualités de la stratégie (original) (raw)

La ruse ... et la force : la conjonction ramasse le projet du livre. Il ne s'agissait pas ici d'écrire une histoire de la ruse (ni d'étudier la ruse dans l'histoire) mais d'analyser, sur une longue durée, les places respectives de ces deux représentations de l'action, comment elles s'opposent, s'excluent parfois, mais plus fréquemment que l'on croit, se complètent. Jean-Vincent Holeindre, professeur à l'université Paris II et directeur scientifique de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, signe ici un ouvrage riche, original et nécessaire, « une histoire dialectique et généalogique des relations entre la ruse et la force ». Cette entreprise l'amenait nécessairement à heurter la thèse de Victor Davis Hanson dont le livre, Le modèle occidental de la guerre (1989), distingue radicalement, et essentialise, un Occident de la force et un Orient de la ruse. Jean-Vincent Holeindre s'emploie à défaire ce montage à forte teneur idéologique, raison pour laquelle il s'est appuyé exclusivement sur des sources occidentales, précisément pour combattre les affirmations de l'historien américain sur son propre terrain. La ruse est loin d'incarner un « modèle oriental » et ce qui trouble notre perception, c'est la confusion permanente entre discours et réalité de la guerre, et en l'occurrence, entre efficacité et légitimité de la ruse, dans une tension qui se décline de l'Antiquité à nos jours. Dans la Grèce antique, force et ruse cohabitent, incarnées par les figures mythiques d'Achille et d'Ulysse, mais prises dans une dialectique permanente. La mètis grecque ne se traduit qu'imparfaitement par ruse, elle correspond à une forme de l'intelligence, celle du contournement et de l'action indirecte, à laquelle le stratège doit savoir recourir selon les circonstances. Marathon fut la victoire de la force, Salamine celle de la ruse. La tradition romaine semble imposer une rupture par rapport à l'héritage grec : la fides romaine (la bonne foi) fait l'apologie de l'affrontement « à la loyale », l'usage systématique de la ruse constituant un des marqueurs idéologiques du barbare. Ce qui n'empêche pas les Romains d'y recourir, mais sans oublier de la masquer derrière un discours de