Aux bornes du roman daudétien - Évolution de la pratique descriptive du Petit Chose à Soutien de famille à travers le motif de l'ambulation parisienne (original) (raw)

Daudet, Michelet et le « roman national » en devenir (Le Petit Chose, 2016)

Le Petit Chose , 2016

Pour étudier la relation d’Alphonse Daudet écrivain avec l’histoire, ma communication utilisera la notion de « roman national » de Michelet, historien lu et prisé par Daudet, celles de « l’histoire du temps présent » de René Rémond, J.-P. Rioux et d’autres, et des « trois droites » du même R. Rémond, et l’idée de l’américain Mark Schorer, historien littéraire, qui voit la problématique du roman se situant au carrefour de la conscience individuelle et de la société, entre sensibilité et histoire sociale. L’essence du travail historique du grand historien républicain Jules Michelet était peut-être de faire de 1789 le « nouvel épicentre historique, le nouveau centre de gravité du roman national ». (Rioux) Selon cette vision du grand roman de l’histoire de France, le 14 juillet 1790 l’unité monarchique a été remplacée par l’unité nationale. (Lavisse) Le roman national est d’autant plus important en France qu’il visait à instaurer un ancien et un nouveau régime et à faire de la république laïque la « vérité indestructible » de la France. (Rioux) Le roman national incorporait donc à la fois la France construite sous l’ancien régime, de Saint Louis à Louis XIV, et celle construite sous les régimes post-1789, révolutionnaires, impériaux et républicains. La difficulté pour les Français, dans leur compréhension de cette vision de leur histoire nationale – des deux côtés de la Révolution était le problème d’assurer la cohésion nationale. Et cela a duré bien après la période de la consolidation de la Troisième République. Marc Bloch a pu écrire, après la défaite militaire de 1940 : « Il y a deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; et ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération. » Nous montrerons plus loin comment Daudet a intériorisé le ‘grand récit’ de l’histoire de France proposé par Michelet et qui était tout le long de la vie de Michelet – comme de Daudet, une histoire en devenir, autant un projet – national – qu’un fait accompli. L’homme de lettres Daudet a non seulement vécu cette histoire en devenir, il en a fait en quelque sorte le matériau de ses divers écrits. Enfant à Nîmes et à Lyon il a connu de première main le milieu légitimiste ; jeune adulte il a travaillé quelques années dans les bureaux du président du Corps législatif du Second Empire, où il a observé autant les moins grands que les plus hauts personnages du régime; en même temps il fréquente les milieux de la bohème républicaine et ses apprentis révolutionnaires dont certains deviendront des Communards. Plus tard, une fois le régime républicain majoritaire dans la nation, le romancier choisira comme sous-titres à ses œuvres – où il aborde de plus en plus l’histoire récente – ‘Mœurs parisiennes’, ‘Mœurs contemporaines’, ‘Roman de mœurs’, ‘Mœurs conjugales’. Il est clair que Daudet, travaillant avec ses propres souvenirs et ses fameux Carnets de notes, devient de plus en plus un écrivain, sinon de l’actualité (‘Mœurs du jour’ – Rose et Ninette), au moins de l’histoire de son temps (‘Mœurs contemporaines’ – Jack et Soutien de famille). Dans le titre de cette communication la préférence est donnée au terme histoire du temps présent, devenu un badge d’honneur au CNRS. Parmi les préoccupations des historiens s’identifiant comme tel est la question des sources et celle de la mémoire. Ainsi, ils mettent de l’importance sur l’histoire orale, la mémoire des participants, l’histoire du peuple, non pas uniquement celle des grands – ce qui nous rapproche encore des écrits de Daudet.

Denis Diderot, Voyage à Bourbonne et à Langres et autres récits

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 2016

Que peut demander à la vie un homme de cinquante-sept ans parti « aux eaux » ? Que peut demander à cet homme un lecteur qui souhaite le connaître par ses textes ¢ et l'homme, c'est Diderot, et les textes, ses contes et ses lettres, ainsi que des commentaires, ou d'agréables et substantielles conférences, sur l'homme et les lieux ? Déjà en 1989, une première édition de ces écrits ¢ avec la mise en contexte, familial et littéraire, voire spatiotemporel, du philosophe en voyage ¢ avait eu lieu, grâce à l'édition d'Anne-Marie Chouillet, avec la préface de celui qui parrainait aussi cette première édition, Jacques Chouillet, à qui les chercheurs doivent le refuge et l'émulation de la Société Diderot. Cette seconde édition, sous l'égide, dès la dédicace, d'Anne-Marie Chouillet, l'initiatrice de la première, est une édition offerte à l'écrivain en cadeau d'anniversaire, et puisqu'il s'agissait du tricentenaire de sa naissance, le cadeau se devait d'être soigné, non seulement par son contenu, mais aussi par l'attention portée à la présentation. Comme il a été dit, en 1989, à propos des lettres de Diderot, le philosophe avait dû tasser son écriture pour remplir les quatre ou huit pages d'un papier qui coûtait alors très cher, mais qui a pu ainsi se conserver jusqu'au XX e siècle. Nous espérons que le présent volume survivra au moins le double du temps déjà écoulé depuis le voyage à Bourbonne « accompli en août et septembre 1770 » (préface d'Odile Richard-Pauchet, p. 7). Cet autre voyage en vaudra-t-il la peine ? Imaginons que, dans six siècles, un Terrien perdu entre plusieurs galaxies ouvre cette édition : comme c'est un nostalgique des vieux papiers, il aura refusé d'emporter une version numérisée, en dépit du poids du volume. Il verra ainsi à la fois toutes les postes du chemin de Paris à Bourbonne (illustration p. 164)

Tours et détours du Grand Paris. La ronde, une commande littéraire entre immersion et distanciation

Morgane Kieffer, David Vrydaghs (dir.), RELIEF – Revue électronique de littérature française, « Olivia Rosenthal : l’écriture aux aguets », vol. 16, n. 2, , 2022

https://revue-relief.org/article/view/13502 La ronde, récit audio-balade élaboré en 2016 dans le cadre d’une commande du Grand Paris, permet d’ana­lyser la contradiction entre adhésion et distanciation à l’éclairage des ambiguïtés et du jeu des positions d’une écrivaine à l’épreuve de la concertation citoyenne et de l’aménagement du territoire. La modalité immer­sive de la balade-lecture, constamment sapée par un travail de distanciation ironique et critique, constitue paradoxale­ment un outil privilégié pour une contestation sur le mode mineur des projets d’aménagement urbain. L’article déplie le faisceau d’ambiguïtés d’une telle œuvre qui tâche à la fois de jouer et de ne pas jouer le jeu de la concertation.

La fonction de la promenade dans les récits de voyage à Paris

Dix-huitième siècle, 2007

Le voyageur présent dans le Paris du 18e siècle utilise les supports imprimés susceptibles de le renseigner sur les comportements et habitudes urbaines. Il laisse également sa trace par l’écriture, la publication, voire la lecture de ses aventures à ses compatriotes. Il raconte la ville, ce qu’il y a vu, ce qu’il y a vécu et comment tout voyageur doit se préparer pour ce périple. Le présent article met en lumière les processus de mise en littérature de ce voyage et comment la promenade devient une pratique réalisée dans l’ensemble de la ville, devenant par là une habitude urbaine et non plus un rituel social réalisable uniquement dans les lieux dévolus à cet emploi.

Lire Diderot : a propos d'un passage du Voyage en Hollande

1980

Diderot aimait conter : tout Ie monde le dit. Diderot causeur, bavard, au point d'exceder la tsarine : on 1'a maintes fois rep6t6. Mais qu'est-ce que conter, lorsqu'il s'agit d'un 6crivain comme Diderot ? La SocieteJaponaise deLangue et Mtterature Francaises S2 en accordant la propriet6 du fonds et vingt-cinq ans d'exemption de tout imp6ti). Qu'on m'excuse de la segmentation assez arbitraire. Le texte original ne constitue en effet qu'un.seul paragraphe sans alin6a ; celui-ci comporte au total neuf s6quences2), que j'ai numerotees (1, 2, 3, etc.) et r6parties par la suite en trois sections (I, II et III). Qu'y voyons-nous? Rien de plus qu'une anecdote banale, bonne b attendrir un voyageur philanthrope comme Diderot. R6cit anodin, manifestement insignifiant, destine seulement ti distraire... Diderot n'ignore pas non plus cette innocence du r6cit, il compte sur elle et il reste lb, b nous rapporter, na:vement et 12coniquement, ce qui s'est passe entre lui et le Hollandais Van Caulen. C'est pourquoi ces lignes meritent qu'on s'y arrate un peu. Le recit n'est pas gratuit, il veut dire quelque chose. Encore que ce quelque chose ne se manifeste pas toujours au niveau de l'enonce. Deux remarques s'imposent b propos de la structure syntaxique du texte: 1: Les trois sections contiennent chacune une

Le petit Guillaumet illustré

Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Aix-Marseille Université, 2013

le petit guillaumet illustré, bibracte (pays éduen)

Canons littéraires, horizon d'attente : l'histoire d'une idée

Acta Neophilologica, 2003

Le canon se définit en tant que liste d'auteurs qui ont la force créatrice d'influencer toute une littérature à venir, formulant la loi esthétique d'une époque dont chacune comporte une liste canonique qui la particularise. Située à mi-chemin entre la tradition et l'innovation, entre l'avantgarde et l'arrière-garde, l'idée de bataille canonique gagne de la perspective historique et désigne la conceptualisation de la dynamique évolutive qui caractérise tout espace culturel. Le canon est le cadre de références d'autorité pour l'enseignement, vu son statut de modèle normatif à grande valeur de généralité. Le présent article porte sur les aléas du processus canonique, en tâchant de surprendre ses mécanismes intrinsèques.