Grammond, S., Lantagne I. et N. Gagné, 2012, « Aux marges de la classification officielle : les groupes autochtones sans statut devant les tribunaux canadiens », Droit et société, (81) : 321-342. (original) (raw)

Jugement historique pour les autochtones non inscrits

OTTAWA – Les Métis et les Indiens non inscrits sont bel et bien des Indiens à part entière au sens de la loi et tombent donc sous la responsabilité exclusive du gouvernement fédéral, a tranché la Cour suprême dans un jugement historique rendu jeudi. Ces deux groupes peuvent donc espérer négocier des avantages semblables à ceux accordés aux «Indiens» dans la Constitution, incluant l'accès aux soins de santé et à l'éducation, tout comme le droit de négocier des traités territoriaux. «C'est une grande journée, s'est exclamé le chef national du Congrès des peuples autochtones dans le hall d'entrée de la cour, Dwight Dorey. J'espère que nous n'aurons pas à attendre plus longtemps pour discuter avec le gouvernement afin de répondre aux besoins socio-économiques des Métis et des Indiens non inscrits.» La décision met fin à une longue bataille judiciaire et vient régler le «désert juridique» dans lequel étaient plongées quelque 600 000 personnes, lit-on dans le jugement unanime écrit par la juge Rosalie Abella. La Cour suprême reconnaît que cette situation préjudiciable a eu des «conséquences défavorables importantes et évidentes» pour les quelque 400 000 Métis et 200 000 Indiens non inscrits, dont 30 000 habitent au Québec. Pour ce qui est des Métis – des descendants à la fois des Européens et des Amérindiens –, la province n'a encore reconnu aucune de ces communautés, avance le grand chef de l'Alliance autochtone du Québec, Robert Bertrand. Selon le juge Abella, la décision rendue jeudi «représente un autre chapitre dans la quête de réconciliation et de réparation à l'égard» de tous les autochtones du Canada. Historiquement, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont renvoyé la balle et ont tour à tour nié avoir le pourvoir de légiférer à l'égard des Métis et des Indiens non inscrits – dont une grande partie sont des autochtones vivant hors réserve. Pour illustrer la responsabilité du gouvernement fédéral, la cour a cité les pensionnats autochtones, dans lesquels des Métis ont été envoyés. Financement Robert Bertrand reconnaît que le jugement aura potentiellement de sérieuses répercussions pour les contribuables canadiens. «C'est vrai que ça va être un coup dur au début, mais je suis convaincu qu'on va être capables de régler ces problèmes», at -il affirmé.

Irène Bellier, Leslie Cloud et Laurent Lacroix (2017) , Les droits des peuples autochtones : Des Nations unies aux sociétés locales , ed : L'Harmattan, Paris;

À la suite des travaux réalisés par l’équipe SOGIP (ERC 249 236, LAIOS) qui, pendant 5 ans a examiné les perspectives ouvertes par l’adoption, en 2007, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA), nous poursuivons la réflexion sur les articulations entre « questions autochtones » et « processus globaux ». Nous nous intéressons aux acteurs politiques autochtones, à leurs prises de position dans différents scénarios de la gouvernance mondiale, ainsi qu’aux situations localisées révélatrices de l’impact des méga-agents du changement (sociétés transnationales, extractives). Les années précédentes, nous avons exploré de manière comparative, et à partir d’études de cas contextualisées, les questions de reconnaissance légale, de développement et de territorialité, d’éducation, de citoyenneté et de participation politique, parce qu’elles posent les sujets autochtones dans leurs relations à l’État et aux institutions internationales. Nous avons abordé certains enjeux d’importance en matière de droits des peuples autochtones pour comprendre leurs demandes et parfois leurs positions de négociation, par exemple en matière de patrimonialisation et de propriété intellectuelle, de genre, de justice, de changement climatique et de développement durable. Grâce à une approche pluridisciplinaire, les analyses montrent que les questions de droits de peuples autochtones ne portent pas seulement sur des enjeux spécifiques : elles définissent un horizon de réflexion sur les conditions de possibilités de se gouverner soi-même et sur les frontières de l’autonomie.

Gagné, N., Salaün, M. et T. Martin (dir.), 2009, Autochtonies: Vues de France et du Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Mondes autochtones ».

Autochtonie. Un même mot, une même langue, mais parlons-nous bien de la même chose d’un côté et de l’autre de l’Atlantique ? La francophonie permet d’éviter, dans une certaine mesure, l’écueil des incompréhensions linguistiques, mais en même temps, elle renvoie à des espaces nationaux, des histoires coloniales, des revendications contemporaines, des traditions intellectuelles et académiques a priori incommensurables. Le pari de ce livre, qui réunit une trentaine de spécialistes des questions relatives aux réalités autochtones est d’ouvrir un débat inédit dans un champ de recherches largement dominé par des perspectives anglo-saxonnes. Emblématique de la richesse des débats qui traversent les différentes disciplines des sciences humaines (anthropologie, sociologie, histoire et droit), le croissement disciplinaire que nous proposons ici est un moyen de rendre justice à la complexité des autochtonies. Afin d’éviter les malentendus sémantiques, il est d’abord indispensable de revenir aux généalogies du concept d’" autochtonie ". À l’interface de notions identitaires et juridiques, la réflexion sur les autochtones et l’État permet de prendre la mesure de l’importance de l’échelle nationale dans le contexte des revendications et des mobilisations au nom de l’autochtonie. À cette réhabilitation d’une dimension étatique parfois négligée dans les analyses de la mondialisation s’ajoutent des éclairages locaux sur les représentations de soi comme autochtones en particulier dans les Amériques et en Océanie. À l’heure du bilan, il faut aussi faire le point sur la recherche, ce qui soulève des enjeux à la fois théoriques, épistémologiques et déontologiques dans des contextes universitaires confrontés à leur nécessaire décolonisation. Une dernière partie invoque la dimension proprement universelle de l’expression artistique et invite à transcender l’essentialisme d’un " grand partage " entre autochtones et non-autochtones.