2015 « Des plantations ivoiriennes à la rue ouagalaise. Transmissions silencieuses d’une tradition de mobilité » in BAUSSANT M., DOS SANTOS I., RIBERT E., RIVOAL I. (ed.), Logiques mémorielles et temporalités migratoires, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest, p.275-294. (original) (raw)
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L'objectif de cet article est d'analyser les discours épilinguistiques de jeunes migrants d'origine camerounaise résidant à Paris, rencontrés par le biais d'une association panafricaine dont je suis membre depuis trois ans. Ma réflexion se fonde sur une recherche réalisée selon une démarche ethnographique ayant permis de recueillir des entretiens. Considérant la variation stylistique comme un phénomène actif permettant au locuteur de (re)définir le contexte de l'interaction ainsi que ses identités personnelles et interpersonnelles, j'analyserai les positionnements épilinguistiques des locuteurs vis-à-vis de leurs pratiques langagières et le rôle qu'ils attribuent à la variation stylistique dans la construction de leurs relations interpersonnelles. Si tous les locuteurs, du fait de leurs activités associatives et à travers leurs discours, s'identifient à un ou plusieurs groupes d'appartenance catégorielle (« afrodescendants » et/ou « Camerounais »), les positionnements épilinguistiques individuels vont varier non seulement en fonction de leurs trajectoires sociales, mais aussi en fonction de leur mobilité au sein de différents réseaux relationnels et des rapports de place co-construits par les participants au cours de l'interaction, c'est-à-dire, des positionnements interpersonnels et identitaires. Ces positionnements peuvent actualiser les statuts sociaux des locuteurs ou être construits in situ, en fonction de leurs objectifs interactionnels et de leurs activités. This article aims at analyzing the epilinguistic discourses of young Cameroonian immigrants living in Paris, that I met in a panafrican association whose I have been a member for three years. My reflection relies upon an ethnographic fieldwork which allowed me to collect interviews. Considering stylistic variation as an active phenomenon which allows the speaker to (re)define the interactional context as well as his personal and interpersonal identities, I analyze the speakers' epilinguistic positionings towards their own language practices and the role they attribute to stylistic variation in the construction of their interpersonal relationships. Although all the speakers, by their associative activities and through their discourses, identify with one or several groups of categorical belonging ("afrodescendants" and/or "Cameroonians"), their individual epilinguistic positionings tend to be variable, depending not only on their social trajectories, but also on their social mobility among different relational networks , and on the interpersonal and identity positionings they take on as participants during their interactions. These positionings can actualize the speakers' social positions or they can be constructed locally, depending on their interactional goals and their activities.
1 Kelly Poulet, "De Paris à Dakar, discours croisés et enjeux autour de la mémoire de l'expérience migratoire ", REVUE Asylon(s), N°12, Juillet 2014, Expériences migratoires et transmissions mémorielles, url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article1320.html De Paris à Dakar, Discours croisés et enjeux autour de la mémoire de l'expérience migratoire Comprendre les logiques de départ dans la migration, c'est à la fois s'attacher à ceux qui partent, mais également à ceux qui sont restés, à ceux dont le projet et/ou le désir de partir « là-bas 1 » pour « mieux revenir » est bien là, présent mais en suspens. Les jeunes Dakarois pensent le Nord quotidiennement 2 . Et ceux qui ont « réussi » à concrétiser le départ, ceux dont « l'aventure 3 » a permis de confronter leurs représentations à la réalité de leurs expériences migratoires, ont l'esprit tourné vers le Sénégal. Nombreux sont ceux qui expriment des regrets d'être partis : « je ne savais pas », « Les vieux eux savaient, ils nous ont leurré », « on doit dire la vérité » pour « changer ce que les autres jeunes s'imaginent d'ici ». Ces jeunes migrants désillusionnés veulent mettre en cause les récits de leurs prédécesseurs, qu'ils considèrent comme porteurs d'une « fausse » mémoire de l'expérience migratoire, auprès des jeunes restés au pays avec qui ils ont, quelques années plus tôt, nourri leur hypothèse migratoire. Ces derniers, candidats potentiels au départ, façonnent en effet un projet de migration fondé sur des attentes et aspirations particulières, résultats de représentations individuelles et collectives 4 . Celles-ci, associées à une mémoire dans l'expérience et de l'expérience, sont, comme le souligne Halbwachs 5 , opératoires dans la mesure où elles inscrivent l'individu et les groupes sociaux dans un rapport pratique au monde, les y insérant « activement ». À travers l'analyse des processus de transmission 6 de l'expérience migratoire, il s'agit de questionner la manière dont les individus et groupes sociaux façonnent leur passé et leur futur en fonction des enjeux présents et ceci en tenant compte des motivations à transmettre et à recevoir. Autrement dit, nous nous demanderons en quoi la transmission de la mémoire de l'expérience migratoire entre deux fractions de générationcelle qui a pu confronter ses représentations à l'expérience migratoire et celle qui n'a pu le fairepeut transformer les cadres sociaux de la mémoire 7 s'y rapportant et ainsi modifier l'imaginaire 8 associé à la 1 « Là-bas » ou le « Nord » est employé par les jeunes pour qualifier les pays du Nord de la méditerranée, spécifiquement les Etats-Unis et l'Europe de l'Ouest, lorsqu'ils formulent le désir de partir, restant vague sur la destination précise. 2 Fouquet Thomas, 2007, « Imaginaires migratoires et expériences multiples de l'altérité : une dialectique actuelle du proche et du lointain », Autrepart n° thématique « on dirait le Sud », Paris (IRD), n° 41 : 83-97. De longues observations m'ont permis de travailler sur les départs symboliques de ces jeunes qu'ils manifestent également à travers une (re)construction des pratiques occidentales. 3 Bredeloup Sylvie, 2008, « L'aventurier, une figure de la migration africaine », Cahiers internationaux de sociologie, n°125, pp.
Mémoires de l’immigration, vers une logique de déplacement des frontières ?
Amnis, 2007
Pour cette nouvelle histoire, qui vise à lever les censures, les dénis, faire parler les paroles empêchées, la question se posait des documents, archives, sources disponibles. Les articles réunis ici donnent une idée de l'étonnante diversité des matériaux aujourd'hui pris en compte. Certains peuvent sembler aller de soi : c'est le cas en particulier du Mémoires de l'immigration, vers une logique de déplacement des frontières ?