Anthropologie des essais cliniques/ du vaccin et de la vaccination aux prises avec les enjeux contemporains de la vaccinologie (original) (raw)

Essais vaccinaux contre le VIH Aspects éthiques, psychologiques et psycho-sociaux (1991-1996)

Dans ce chapitre, les auteurs qui ont participé à la conception et à la réalisation des premiers essais vaccinaux de phase 1 contre le VIH (entre 1991 et 1996) reviennent sur l'histoire de ce projet novateur. Ils rappellent les conditions dans lesquelles les intervenants dans ces essais ont été recrutés et notamment sur l'aspect pluridisciplinaire de ce projet. Aux côtés des cliniciens qui avaient déjà l'habitude des premiers essais cliniques, l'équipe a inclus des épidémiologistes, psychiatres psychanalystes, psycho-sociologues mais aussi un philosophe spécialiste de l'éthique. La constitution de cette équipe correspondait au souci des responsables de l'ANRS de mieux identifier les caractéristiques sociales et de comprendre les ressorts subjectifs et les motivations à s'engager dans ces essais dans un contexte marqué par l'accroissement de l'incidence du VIH et la crise de confiance à l'égard de la bio-médecine. Les auteurs rappellent ainsi toute l'importance de la mise en oeuvre de la loi Huriet-Sérusclat (1988) fondée sur la notion de protection des personnes. Finalement ces essais ont contribué à la reformulation de nombreuses questions éthiques dont : la tension entre la nécessité de développer de tels essais et celle de ne pas exposer les volontaires à des risques mal connus ; l'importance de l'information scientifique précise visant à obtenir un consentement libre et éclairé ; la possibilité laissée aux volontaires de s'engager sur la base de leur autonomie et du « choix du risque ». Le réseau de volontaires a ainsi fonctionné pendant près de 25 ans, représentant un rare exemple de collaboration entre la recherche fondamentale en bio-médecine, les cliniciens, des psychologues et psychanalystes et des spécialistes de l'éthique. Mots clé : essais vaccinaux de phase 1, recherche clinique, pluri-disciplinarité, prévention du VIH.

Comprendre l'expérience critique ordinaire : Enjeux épistémiques et méthodologiques d'une enquête sur l'hésitation vaccinale

Questions Vives, 2022

Cet article interroge les enjeux épistémiques et méthodologiques d’une enquête sur l’hésitation vaccinale et ses interrelations entre les controverses publiques. Nous partons d’un double questionnement : 1) celui de la dynamique des jeux d’acteurs et d’arguments propres aux controverses, 2) et des attitudes critiques qui en découlent. En effet, l’un des aspects remarquables de l’hésitation vaccinale est qu’elle surgit au gré des controverses, et est soumise à des variations considérables au cours du temps. Dans cette perspective, on se demandera comment construire un dispositif d’enquête permettant d’analyser des attitudes en considérant leur variabilité au cours du temps, et les saisissant dans des contextes socio-culturels évolutifs ? D’abord, on discutera des outils permettant l’analyse des controverses. Ensuite, on proposera une méthode à travers trois logiques d’enquête visant à comprendre l’hésitation vaccinale en tant qu’expérience saisie sur le temps long. Enfin, on analysera deux résultats que notre méthodologie a permis : que l’hésitation vaccinale ne renvoie pas à une adhésion idéologique, et que l’attitude exprimée ne détermine pas la prise de décision.

Petite anthropologie du médicament

Techniques & culture, 1996

Le médicament est aujourd'hui l'un des dispositifs centraux du système de santé tel qu'il prévaut dans les pays occidentaux. Il se trouve au coeur de la relation thérapeutique : la consultation débouche presque toujours, et ce, autant sous la pression des patients qu'à l'initiative du médecin, sur la rédaction de l'ordonnance. Celle-ci substitue, à l'énoncé parfois confus des malaises du patient, la prescription de remèdes qui circonscrivent doublement ces malaises, parce qu'ils les incluent dans une pathologie définie et sont censés les faire disparaître ou du moins les atténuer. Avec un poids économique et social toujours croissant, le médicament a fait l'objet de divers travaux en sciences sociales : certains auteurs ont dénoncé cette invasion pharmaceutique, d'autres se sont davantage intéressé à l'aspect symbolique du médicament, d'autres plus prosaïquement ont abordé les aspects juridiques et se sont posé la question de la responsabilité du fabricant ou encore, se sont penché sur les problèmes de coûts et de maîtrise des consommations. Cependant, le médicament en tant que tel, dans sa configuration matérielle 1 , reste peu étudié : il semble qu'entre la mise sur le marché d'une nouvelle molécule et l'action biochimique de cette molécule dans le corps du patient, toutes les étapes soient transparentes, c'est-à-dire ne servent qu'à poser de façon rationnelle un diagnostic qui oriente lui-même vers tel ou tel type de médicament, lequel, pour peu que le patient se conforme à sa prescription, ne pourra rien faire d'autre que d'interagir avec les éléments convenables du corps humain.