[2012] Gimello-Mesplomb F. La question du soutien à la qualité dans le cinéma et l'audiovisuel en France. Socio-histoire d'un cadre d'action publique et de ses dispositifs (1946-2000) (original) (raw)
Cette recherche peut être considérée comme une tentative de contribution à une socio-histoire de l'action publique dans le domaine de la création cinématographique. Elle porte sur la genèse intellectuelle de la politique du cinéma français en s'intéressant plus précisément à la philosophie de l'action publique et à ses dispositifs socio-techniques d'expertise, notamment aux procédures de classement mobilisant la notion de qualité. Faisant appel à l'organe minimal de concertation qu'est la commission d'experts, il s'agit de dispositifs sélectifs hautement valorisés culturellement de même que les films et cinéastes qui en bénéficient : avances et crédits à la production et la distribution de films de long-métrage (avance sur recettes, prime(s) à la qualité...), mais aussi, selon les époques, sélections des films français pour les festivals internationaux (Cannes, Berlin, Venise...), coproductions des chaînes TV publiques, classements des œuvres " art et essai " ou des films éligibles aux dispositifs d'éducation à l'image. Prolongeant les travaux sur l'histoire administrative du cinéma français (Paul Léglise), la sociologie du champ cinématographique (Yann Darré), et la sociologie de la qualité artistique (Jean-Marc Leveratto), cette approche multivariée de la qualité cinématographique ne la limite pas à un simple phénomène discursif qui s'oberverait à partir d'une réthorique repérable dans la critique savante de cinéma, mais s'efforce de la décrire dans sa matérialité, c'est à dire dans la façon dont les comités d'experts se la représentent, en partant des analyses esthétiques des films et genres bénéficiaires, des analyses sémiotiques des rapports de visionnage, des archives des comités de lectures de scénarios, et des objets eux-mêmes : les films. En proposant d'écrire une histoire de l'idéal-type de la qualité, ce travail analyse les processus de transformation complexes saisis sur une longue durée en s'inspirant des méthodes popularisées en France par Lucien Karpik, Bruno Latour, Francis Chateauraynaud, Christian Bessy, Luc Boltanski ou Laurent Thévenot. Nous accordons une place singulière à l'analyse des débats et controverses soulevés par la qualification des films lors de leur classement (ou déclassement), en situant historiquement ces discours dans l'histoire du cinéma comme autant de motifs de lutte pour la reconnaissance symbolique des formes de jugement sur les films. Outre les corpus des films primés et les fonds d'archives explorés (fonds de l'Avance sur recettes, Prime à la qualité court et long métrage, jury "article 10", fonds du Crédit National - Banque de Prêt à l'industrie cinématographique, Festival de Cannes, de Biarritz, etc.), le matériau est également constitué des discours sur le cinéma : registres argumentatifs et dispositifs de justification de l'aide sélective au cinéma pouvant être identifiés dans les débats parlementaires, rapports d'inspection, correspondances avec les syndicats, procédures de nomination des membres des commissions, relevés de décisions, travaux préparatoires aux projets de loi ou commissions d'études. Voilà pourquoi l'analyse sociologique se double par nécessité d'une perspective historique, ou, pour être plus juste, socio-historique. Il ne s'agit pas d'observer seulement les mécanismes de sélection à l'oeuvre dans les instruments de gouvernance de la politique du cinéma ainsi que la qualification préférentielle qu'ils entrainent sur certains objets (le " film d'auteur " par exemple), mais de s'intéresser à la façon dont sont perçus, au fil des périodes, d'une part par les experts, d'autre part par les spectateurs ordinaires, les objets passant au crible de ces mécanismes, afin d'en dresser l'inventaire des formes de jugement. Nous montrons, enfin, que c'est parce qu'ils sont suffisamment polysémiques que les référentiels qualitatifs de l'action publique dans le domaine du cinéma ont permis durant près de cinquante ans un large consensus autour de la notion de qualité entre professionnels du secteur, administration culturelle, et spectateurs _____________________________________________________________ This research can be regarded as a contribution to a socio-history of the French implicit cultural policy. It concerns the intellectual genesis of the French cinema national public support scheme. In particular, we analyse procedures of classification mobilizing the concept of “quality”and an intellectual norms shared by institutional experts. They are highly culturally developed selective devices just as films and scenario writers who profit from it: advances and appropriations with the production and the film distribution of feature film (advances on receipts, premium account (S) with quality…), but also, according to the times, selections of French films for the international festivals (Cannes, Berlin, Venice…), coproductions of the public chains TV, classifications of works “art and test” or of eligible films to the devices of education to the image. Prolonging work on the administrative history of the French cinema (Paul Léglise), the sociology of the cinematographic field (Yann Darré), and the sociology of artistic quality (Jean-Marc Leveratto), this multivariate approach of cinematographic quality does not limit it to a simple discursive phenomenon which is oberverait from rethoric locatable in the erudite criticism of cinema, but endeavours to describe it in its materiality, i.e. the way whose committees of experts represent it, on the basis of the esthetic analyses of films and profit kinds, of the analyses semiotics of the reportings of watching, the archives of the reading committees of scenarios, and the purposes themselves: films. While proposing to write a history of the ideal-type of quality, this work analyzes the complex processes of transformation seized over one long life while taking as a starting point the methods popularized in France by Lucien Karpik, Bruno Latour, Francis Chateauraynaud, Christian Bessy, Luc Boltanski or Laurent Thévenot. We grant a singular place to the analysis of the debates and controversies raised by the skill of films during their classification (or downgrading), by historically locating these speeches in the history of the cinema like as many reasons for fight for the recognition symbolic system of the forms of judgment on films. In Addition To the corpora of preceded films and the funds of archives explored (funds of the Advance on receipts, Prime with quality runs and feature film, jury “article 10”, funds of the National Credit - Bank of Loan to film industry, Cannes Film Festival, of Biarritz, etc), the material is also made up by the speeches on the cinema: argumentative registers and devices of justification of the selective assistance to the cinema which can be identified in the parliamentary debates, surveys, correspondences with the trade unions, procedures of appointment of the Members of the Commissions, statements of decisions, preliminary works with the government bills or commissions of studies. For this reason the sociological analysis doubles by need for a historical prospect, or, to be righter, socio-history. It is not a question of observing only the mechanisms of selection to work in the instruments of governance of the policy of the cinema as well as the preferential skill which they involve on certain purposes (the” film of author “for example), but to be interested in the way in which are perceived, with the wire of the periods, on the one hand by the experts, on the other hand by the ordinary spectators, the purposes screening of these mechanisms, in order to draw up of it the inventory list of the forms of judgment. We show, finally, who it is because they are sufficiently polysemous that the qualitative reference frames of the public action in the field of the cinema allowed during nearly fifty years a broad consensus around the notion of quality between professionals of the sector, cultural administration, and spectators.