Les boîtes ouvertes de l’Amérique numérique. Aveux d’un documentariste indocile (original) (raw)
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Les boîtes ouvertes de l’Amérique numérique
Mercredi 6 juin je me suis assis pour converser avec Julian Bond dans une ancienne synagogue à Washington, DC. Le but était d’enregistrer un demi-siècle d’expériences à l’avant-garde des mouvements pour les droits civiques aux États-Unis. Ces témoignages se sont retrouvés fixés dans un documentaire avec lequel j’ai l’ambition de faire naître des questions au sujet du rapport entre Blancs et Noirs, Bleus et Rouges, entre le tout et le néant. La prémisse sert de point de départ d’une critique au volontarisme documentaire qui met les réponses avant le facteur documentaire.
Le web-documentaire à l’épreuve de ses contradictions
2016
Le web-documentaire confronte a la theorie du document de Pedauque revele des orientations pour le document numerique et un perimetre qui ne cesse de s'elargir. Englobant des activites communicationnelles, le dispositif web-doc renouvelle les manieres d'informer et de s'engager. De nouveaux rapports entre auteurs ou diffuseurs s'instaurent avec les visionneurs qui disposent d'espaces d'expression a l'interieur meme des oeuvres. Notons alors une contradiction pour les documentaires portes sur le web : l'engagement sollicite des interacteurs au sein de dispositifs pour qu'ils puissent exprimer des points de vue alors qu'en parallele sont publiees en interne les mediations des acteurs culturels. La captation de realites signifiantes pourrait alors progressivement passer en arriere-plan et ne devenir que le pretexte a la communication. L'evolution des outils de conception prouve en tout cas des orientations en ce sens.
Raconter l’Amérique pendant l’ère progressiste : photographies documentaires et films muets
Au tournant du XXe siècle, la photographie documentaire et le cinéma muet semblent tous deux appeler une transformation des États-Unis. Tandis que le pays tente d’évoluer sous l’impulsion de la réforme progressiste, ces deux médias, l’un réservé aux initiés, l’autre plus populaire, sont utilisés pour dénoncer les maux de la vie industrielle et métropolitaine. Ils s’inscrivent tous les deux dans une mission éducative, adoptant une posture presque journalistique, pour informer et alerter la population. Photographie et cinéma utilisent un effet de réel pour produire des œuvres visuelles construites selon des mises en scène spécifiques. Cet article rapproche et compare les travaux photographiques de Jacob Riis et Lewis Hine et une dizaine de films muets à caractère social. Notre but est de comprendre comment s’articulent, dans ces productions, stratégies de mise en scène, message politique, idéologie nationale et divertissement.
Des pouvoirs des écrans, 2018
Dans ses récentes réflexions, à l'instar de celles présentes au sein de ce volume, Mauro Carbone a choisi de s'intéresser à la question de la « transparence » que les variations numériques contemporaines des écrans affirment crânement et dont il constate la revendication aveugle, au point de parler d'« idéologie », qui la considérerait comme « absolue » et qu'il nomme ironiquement « 2.0 1 » en la caractérisant par l'oubli de son étymologie impliquant pourtant « un medium à travers (trans) lequel l'apparaître advient 2 ». La « médialité contemporaine 3 » 7 Sur les selfies, considérées comme des « écrans », et leur dimension politique, voir G. Borradori, De selfie en selfie. L'espace confessionnel du soi narrable, in infra, pp. 221-237. 8 Suit une séquence extrêmement courte où la prostituée est relâchée par les policiers et se met à se recoiffer, le visage calme et détendu. Cela soulève certaines questions : les pleurs faisaient-ils partie de l'éventail de grimaces qui les précèdent ? S'agit-il d'un « rush », montrant l'actrice une fois sortie de son rôle, finalement conservé dans le film et inclus ou non dans la diégèse de celui-ci ? 9 S. Cassini, « Facebook : cachez ce sein que je ne saurais voir »,
Les dynamiques de l’informe chez Terrence Malick
Éclipses, "Terrence Malick, Nature et Culture", 2014
Souvent tenu pour un cinéaste de la contemplation, séduit par l'épure et la grâce 1 , Terrence Malick laisse également sourdre de ses films une fascination plus souterraine pour la violence, le malaise, le chaos, le surgissement incongru ou l'événement spectaculaire. La fluidité de l'harmonie picturale et figurative se trouve ainsi grevée par des motifs de résistance, qui constituent autant de hiatus heurtant le regard. Jaillissements chromatiques, dispositifs de brouillage météorologiques ou matériologiques, phénomènes de rémanence et de reflets malmènent sans cesse la représentation. Malick met ici en danger le visible, à même la chair du paysage, en déchirant son intégrité plastique et sémantique par l'ingérence de ces formes abstraites, métamorphiques, labiles et éphémères, écartelées entre leur pure plasticité et leur devenir-signe. Paradoxalement, Malick semble chercher l'unité dans la dissonance, faire monde de l'hétérogène.
Les dessous de l'avant-gardisme néo-médiatique : PETER GREENAWAY ET LE « DATABASE CINEMA »
Peter Greenaway proposait en 2003 sa version multimédia du gesamtkunstwerk wagnérien sous la forme de l’œuvre The Tulse Luper suitcases. Projet d’art total faisant le grand écart entre cinéma et installations muséales, le cinéaste britannique visait à rendre de manière protéiforme les pérégrinations d’un protagoniste globe-trotter (le Tulse Luper du titre) en y invitant le spectateur à retracer les méandres de son odyssée au moyen d’installations Flash exposant le contenu de quatre-vingt-douze pseudo valises (lesdites « suitcases ») que Luper aurait dispersées dans le sillage de ses aventures. Originellement voué à une exploitation web qui privilégiait la contextualisation des récits du héros-bourlingueur sous la forme d’un journal de bord et auquel le volet cinématographique (constitué de trois long-métrages) servirait de faire-valoir, The Tulse (...) se devait de favoriser l’interaction avec un public qui, au début des années 2000, vibrait déjà au rythme du web 2.0. Le génie visionnaire de Peter Greenaway semblait finalement trouver chaussure à son pied en embrassant l’étendue des possibilités offertes par les nouveaux médias. Cela dit, si le caractère novateur de l’entreprise semble difficilement réfutable même après dix ans de recul, nous nous questionnerons sur les propriétés plus conservatrices du projet (dissimulée sous un avant-gardisme quasi unanimement célébré) qui pourraient par le fait même expliquer son oubli relatif.